L’ASSOCIATION DOMOUN LA PLAINE DIT NON À LA FUTURE RETENUE COLLINAIRE DE BOURG-MURAT
Alors que les retenues collinaires faisaient plutôt l’unanimité à La Réunion, le projet de celle dite de Piton Sahales, à Bourg-Murat, pose pour la première fois la question de leur utilité et de leur impact écologique. L’association Domoun La Plaine a détaillé ses critiques dans le rapport de l’enquête publique qui vient de s’achever.
Le président de la République a parlé de « guerre » à propos des opposants à la mégabassine de Sainte-Soline. Le contexte ici n’est pas comparable. D’abord parce que les bassines de La Réunion, qu’on appelle les retenues collinaires — même quand elles ne sont pas adossées à une colline — ne puisent pas leur eau dans les nappes phréatiques comme celles qui alimentent l’irrigation des champs de maïs de France.
D’autre part, parce que ces retenues remplies d’eau de pluie et de ruissellement font quasiment l’unanimité auprès des maraîchers et éleveurs. En plus, elles sont fortement financées par l’Union européenne (75%) au point qu’il est parfois plus avantageux d’en construire de nouvelles plutôt que de réparer celles dont les bâches sont déchirées.
L’association Domoun la Plaine ne part donc pas en « guerre » contre la future « retenue collinaire dite Piton Sahales » mais elle pose pour la première fois la question de son utilité et de son impact écologique. Son président, Gilbert La Porte, invite la population de Bourg-Murat à examiner plus attentivement le projet. Un recours devant le tribunal administratif, voire des manifestations publiques ne sont envisagés que dans un second temps.
La mairie a réponse à tout
Cette nouvelle retenue est la troisième d’un vaste programme d’irrigation des hauts du Tampon. Celle des Herbes-Blanches (mise en service en 2009) et celle de Piton-Marcelin (mise en service en 2020) ont chacune une capacité de stockage de 350 000 m3. Elles alimentent, selon la mairie du Tampon (maître d’ouvrage), déjà 360 agriculteurs.
Celle en projet sera d’une même capacité et se situera sur un terrain de 7 hectares à proximité des habitations. Deux autres retenues comparables sont également programmées. Au total, il s’agit d’irriguer un millier d’hectares de maraîchage (200 hectares par retenue) et d’alimenter les élevages. Pour l’ingénieur de la mairie chargé des grands projets, Louis Boyer, le schéma directeur d’irrigation (SDI) du Tampon s’adapte parfaitement aux enjeux environnementaux de lutte contre le réchauffement climatique.
Premièrement en développant l’agriculture locale, deuxièmement en protégeant la ressource en eau par la récupération des eaux de ruissellement vouées à finir à la mer, troisièmement en réduisant les risques de débordement de la ravine de Bras-de-Pontho grâce à son captage en période de crue, quatrièmement en prévoyant la production d’électricité par des conduites forcées et des panneaux solaires installés sur les retenues.
Ces arguments — et la liste n’est pas exhaustive (lire le mémoire en réponse de la mairie à l’avis de l’autorité environnementale)— méritent cependant un examen plus approfondi. C’est ce que défend Domoun La Plaine dans le courrier détaillé que Gilbert La Porte a versé à l’enquête publique.
Domoun La Plaine évoque le plan Eau
En fait, l’adhésion des agriculteurs n’est pas si simple. La deuxième retenue (Piton-Marcelin) ne compte que 150 abonnés sur une capacité de 220, selon la mairie. Domoun La Plaine parle de seulement 70 exploitations « branchées ». C’est carrément le modèle proposé qui ne serait plus en adéquation avec les grands enjeux environnementaux pour Gilbert La Porte.
Celui-ci brandit le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau publiée par le gouvernement en mars dernier : le plan Eau. Il y est question de réduire de 10% les eaux prélevées d’ici 2030 alors que les projets tamponnais cherchent à en capter davantage. Même s’il s’agit d’eau de ruissellement, le président de l’association estime que ces prélèvements, offerts à l’évaporation, vont accroître les concentrations de pesticides dans les nappes phréatiques et favoriser l’émission de gaz à effet de serre. Il s’appuie notamment sur l’avis du conseil scientifique du comité de bassin de Seine-Normandie présenté en juin 2022.
Il considère également, avec son expérience de riverain, que les études ont surestimé la capacité du bras de Pontho à remplir les trois retenues chaque année. L’ingénieur municipal répond quant à lui que les deux premières bassines se sont toujours remplies conformément aux prévisions des études.
La proximité immédiate de la retenue avec la zone d’habitation fait redouter la prolifération de moustiques vecteurs de maladies. C’est l’une des 11 réserves émises par la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE). Ce à quoi Louis Boyer répond avec l’introduction de poissons, carpes koï et comètes, dans les réserves pour manger les larves.
Creuser ou attendre ?
Le chantier prévu pour durer deux ans à partir de juillet ou août prochains, provoquera également des nuisances directes. Là encore, la municipalité assure que le trafic de camions, allant de 50 à 100 par jour, sera supportable et que des mesures seront effectuées pour contrôler l’empoussièrement et le bruit.
« Les hôtels, restaurants, gîtes et tables d’hôtes ou encore la merveilleuse Cité du Volcan à quelques mètres à peine du futur chantier de retenue d’eau ne voient-ils aucun inconvénient à l’implantation de ce chantier à moins de 500 mètres ? », demande Gilbert La Porte. « la mairie du Tampon a lancé cette année une consultation pour une étude visant à actualiser son schéma directeur d’irrigation. Pour nous, il est urgent d’attendre les résultats de cette nouvelle étude avant de creuser d’autres trous d’eau, et demander que l’étude en question intègre les exigences nouvelles du plan Eau », conclut-il.
Domoun La Plaine évoque encore le voisinage du dépôt de munitions de l’armée incitant la « Grande Muette » à donner son avis. Pour l’instant, c’est celui de la commissaire enquêtrice qui devrait tomber au début du mois prochain. Suivra l’autorisation préfectorale. Le préfet jugera-t-il que le projet tamponnais va à contre-courant de la politique nationale de protection des ressources en eau ? La question est posée.
Franck Cellier