chantier maison de la mer saint-leu

[Saint-Leu] La résistance s’organise face au chantier de la Maison de la mer

MAIRIE ET TCO TENTENT LE PASSAGE EN FORCE

A Saint-Leu, la contestation fait place à la résistance. Le projet de Maison de la mer, énorme bâtiment prévu entre le petit port de pêche et la poste en lieu et place d’un bois de filaos, porté par la mairie et le TCO, ne passe décidément pas. L’association nautique de Saint-Leu (ANSL), qui représente les usagers du port, a déposé deux recours. 

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Depuis que les travaux ont débuté, mercredi, un petit groupe d’opposants campe sur place pour surveiller les arbres protégés. Le projet de Maison de la mer porté par la mairie de Saint-Leu et le TCO rassemble, mais contre lui. Il y a là des militants de Green Peace, de SOS DPM, du QG des Zazalés… Le chantier est clos, quatre filaos (dont au moins deux étaient malades) ont été abattus et un brise-roches a attaqué l’enrobé du chemin piéton. « Le panneau de chantier a été posé juste avant, alors que l’usage veut deux mois de préavis pour permettre une éventuelle contestation », remarque Christophe, membre du groupe Green Peace Réunion.

Les opposants ont bon espoir de voir le projet abandonné. Non seulement parce que le bâtiment va défigurer le bord de mer saint-leusien, mais aussi parce qu’il risque de porter atteinte au récif corallien. En effet, comme nous l’explique Léo Broudic, qui prépare une thèse sur les relations entre corail et aménagements, « nous sommes tout près de l’une des dernières zones de corail en bon état ». « Depuis la coulée de boue de 2018, la politique d’aménagement du bassin versant à Saint-Leu n’a pas évolué. L’artificialisation  du sol n’a pas été prise en compte dans le projet de Maison de la mer », poursuit le thésard. Par ailleurs, « aucune étude d’impact, pourtant obligatoire, n’a été réalisée à notre connaissance», remarque-t-il.

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Pour l’association nautique de Saint-Leu (ANSL), qui défend les intérêts des usagers du port, c’est un « projet purement commercial ». D’après son président Jean-Marie Huguet, les pêcheurs et clubs de plongée n’ont pas d’intérêt dans cette construction. « On nous annonce une capitainerie, un restaurant de luxe en terrasse, deux stands de vente à emporter, des poissonneries à la criée et des locaux pour les usagers du port ». « Mais il n’y aura jamais de capitainerie », assure le président de l’ANSL. « En effet, ce port ne justifie pas la création d’une capitainerie, qui est un dispositif administratif cadré. Il n’y aura pas non plus deux poissonneries à la criée, tout au plus la poissonnerie existante sera déplacée », dit-il.

Son association a donc déposé deux recours (l’un gracieux et l’autre suspensif) face à un projet mal ficelé. La première victoire des opposants a été la semaine dernière la protection par l’architecte des Bâtiments de France de cinq badamiers situés sur l’emprise du chantier, les arbres étant dans le périmètre de protection de la poste, elle même classée. « Nous espérons les faire classer beaux arbres et d’alignement. S’il ne sont pas coupés malgré l’interdiction, il faudra revoir la structure du bâtiment », poursuit Jean-Marie Huguet. Qui ne sait pas encore s’il faudra alors déposer une nouvelle demande de permis de construire ou si une modification suffira. Et si un nouveau permis de construire est nécessaire, le projet tombe à l’eau car une nouvelle loi l’interdirait à cause de la proximité du chantier avec le littoral.

  • chantier maison de la mer saint-leu - les badamiers
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Mais c’est la légalité du permis en cours que l’ANSL conteste. Le permis date de 2019 et n’est valable que deux ans. « La demande de prorogation est arrivée après ce délai », assure le président de l’ANSL. « Et la mairie n’apporte pas la preuve qu’un panneau ait été posé à cet endroit comme ça aurait dû être fait », pointe-t-il. « Par ailleurs, la construction sur la zone d’un monument historique impose l’accord des Bâtiments de France, où est cet accord ? », demande le Saint-Leusien. « Nous avons demandé ces documents à la mairie et au TCO, sans succès ; nous les avons demandé à la préfecture, qui semble étonnée, elle ne les a pas non plus. La préfecture a de gros doutes sur la méthode du TCO », considère l’ANSL. 

Nous avons donc un permis de construire contestable, un projet qui ne convainc pas les premiers intéressés (« la plupart des pêcheurs et clubs de plongée sont contre ») ni semble-t-il la population saint-leusienne, un bord de mer dénaturé, une cinquantaine de filaos – qui protègent l’école des vents, des embruns et de la chaleur –  menacés, un site de pique-nique et de promenade détruit, un budget de 4,7 millions pour le bâtiment et 6 millions d’euros supplémentaires pour les aménagements terrestres, un parking pour 50 voitures à la place d’un parc boisé… tout ça pour un restaurant dont le nom de l’exploitant court déjà, bien avant tout lancement d’appel d’offres. C’est ce qu’on appelle un passage en force, et même pas la force de la loi, le tribunal le dira bientôt. 

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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