MONUMENT HISTORIQUE
Mais que fait donc cet hideux caveau parmi les tombes des pirates des XVII et XVIIIe siècles du cimetière marin de Saint-Paul ? Il attend une décision de justice et sa démolition.
Bientôt cinq ans qu’un hideux cube de béton défigure le cimetière marin de Saint-Paul. Bientôt cinq ans que les services de l’Etat bataillent contre cette construction illégale au beau milieu des tombes de marins et de pirates, celles qui font le charme si particulier du site classé au titre des monuments historiques. Car c’est dans le carré historique, dans le coin nord-ouest du cimetière, au milieu des tombes rongées par l’air salin, que s’élève bien au dessus du mur d’enceinte cet anachronisme mortuaire.
En juillet 2019, la direction des affaires culturelles (Dac-OI) s’inquiète de cette érection incongrue. Le service de l’Etat adresse un courrier à Joseph Sinimalé, alors maire de Saint-Paul, pour lui signifier que « ces travaux constituent une infraction au code du patrimoine qui induit des sanctions pénales prévues à l’article L 641-1 de ce code ». Le courrier n’a pas eu l’effet escompté et les travaux ont continué. Nous avions contacté à l’époque le maire de Saint-Paul, qui « ne savait pas » que le site était classé depuis 2012, puis Michel Deleflie, patron du groupe Clinifutur, le maitre d’oeuvre, qui « ne savait pas » non plus. Nous avions appris quand même que ces travaux avaient été rendus possibles à la demande du maire, contre l’avis des services municipaux qui, eux, savaient.
A la suite de ce courrier, une demande avait été formulée à la direction des affaires culturelles. Et les travaux avaient repris en fin de la même année.
Mais la préfecture n’avait pas tardé à hausser le ton. Toujours sans l’aval de la Dac-OI ni de l’architecte des bâtiments de France, indispensables pour de tels travaux, le chantier continuait. La préfecture a rédigé un procès-verbal d’infraction au code de l’urbanisme en janvier 2020. Et rédigé un arrêté ordonnant l’interruption des travaux sous peine de sanctions pénales, 75 000 euros d’amende et trois mois d’emprisonnement tout de même. Le maire de Saint-Paul, Joseph Sinimalé, avait également été mis en demeure de faire cesser les travaux. Toutes démarches restées lettre morte, ce qui laisse à penser que ce n’est pas l’ignorance de la règlementation qui avait permis une telle construction.
A l’époque, nous en avions parlé avec le sous-préfet Olivier Tainturier, remarquant que Joseph Sinimalé n’avait sans doute pas fait ça pour rien. Le sous-préfet avait hoché la tête d’un air entendu sans répondre à notre question. Cette fois, les travaux sont interrompus, et le monument est resté dans l’état jusqu’à aujourd’hui.
Mais Michel Deleflie ainsi que la mère de ses enfants n’ont pas lâché. Le caveau prévu pour leurs deux enfants décédés et inhumés à La Possession fait toujours l’objet de recours judiciaires. Le tribunal administratif ayant rejeté la contestation de la procédure administrative, un autre recours est toujours pendant auprès de la cour administrative d’appel de Bordeaux. La préfecture avait également transmis le procès verbal de 2020 aux autorités judiciaires, compétentes pour apprécier la suite à donner, sans retour à ce stade.
La nouvelle équipe municipale se serait bien passée de ce dossier. Elle est de toute façon obligée d’attendre la fin des procédures judiciaires. Pour autant, la première adjointe, en charge du patrimoine et de la culture, Suzelle Boucher, affirme qu’aucun permis d’inhumer ne sera délivré. En tout cas, pas avant que les travaux soient terminés et la conformité évaluée, et si la justice le demande. D’autant que, pour ce cas d’espèce, il n’y a pas d’urgence.
Philippe Nanpon