LIVRES À DOMICILE : RÉCIT POÉTICO-PHILOSOPHIQUE SUR LA GESTATION D’UN LIVRE
Chaque livre est un peu l’enfant de l’écrivain(e): certains sont désirés, d’autres arrivent par accident. On est passionné pour un sujet, ou bien on tombe amoureux d’une belle phrase, obsédé par une idée, ou alors une rencontre fortuite constitue le déclencheur.
Il devient alors nécessaire que les mots jaillissent du cerveau, que le stylo éjacule sa semence plus ou moins fertile sur le papier, ou, de nos jours, le clavier sur l’écran.
Image certes patriarcale, mais comparaison purement symbolique, sinon poétique : l’émetteur et le récepteur ne sont ici que les intermédiaires asexués de l’esprit de l’artiste qui exprime ses idées, ses désirs ou son savoir, par le biais de l’écriture. (Bon sang je me la pète intello dans cette phrase !)
Souffrance et délivrance
En revanche, le processus d’écriture est bel est bien fait d’un mélange de souffrance et de jouissance, quelque soit le sexe de l’auteur(e). Et sa durée est très variable.
D’ailleurs, que l’on soit ou non cisgenre, on peut faire naître six genres de littérature, voire beaucoup plus si affinités, selon la compétence de sa plume. Cependant, oublions pour toujours l’image de la plume et l’encrier, pouvant être interprétée comme une comparaison quelque peu sexiste digne d’un boomer.
De toute façon, le traitement de textes a éliminé cette complémentarité qui aurait pu créer des polémiques stériles. A ce propos, si l’acte de création est stérile, l’enfant-livre ne verra jamais le jour.
Et ne parlons même pas de l’intelligence artificielle, bébé éprouvette de l’édition.
Toutefois, lors du traitement de textes, le texte est parfois mal traité. Le sujet est donc avorté. Pire encore si l’auteur insiste, il accouchera prématurément, ou aux forceps, d’une œuvre handicapée que seuls les parents trouveront jolie.. Lors de sa présentation, le lecteur s’exclamera alors : « ah, qu’il est beau ce bébé », car il est de bon ton d’être toujours bienveillant. D’autant plus qu’une fois l’oeuvre pondue, après des semaines voire des années de gestation, le travail ne fait que commencer !
Les diverses espèces d’auteurices
On trouve donc plusieurs catégories de parents pour une œuvre ; pour simplifier, tentons d’en sélectionner les principales sachant que toutes les nuances sont envisageables.
– L’auteur à enfant unique, qui souhaite raconter son histoire, ou celle de proches, ce qui va souvent constituer pour lui une thérapie. Il fera parfois appel à un parent plus expérimenté, une procréation assistée, surnommé parfois « prête plume ». Parfois cependant, ayant retrouvé une certaine sérénité grâce à son bébé, et même si peu de gens viennent admirer celui-ci, il décidera d’en mettre un autre en route, et pourquoi pas, une famille nombreuse.
-L’auteur obsessionnel, qui ne pense qu’à « ça » jour et nuit. Il accouche tous les ans d’un nouveau né, généralement à date fixe, de préférence à la rentrée littéraire. Il tente à chaque fois de remporter le prix du plus beau bébé (de France, de l’océan Indien, ou de son village natal). Les autres parents l’admirent tout en le jalousant. Cependant, souvent sur le tard, il donne naissance à un monstre ; mais à ce moment-là, ce n’est plus l’enfant qui suscite l’intérêt du public, c’est uniquement le nom de l’auteur, en gros sur la couverture.
– L’écrivain multi cartes, le plus commun, qui veut vivre de sa passion mais n’a même pas de quoi manger grâce aux allocations fournies par ses propres enfants : les droits d’auteur. Il va donc proposer ses services aux gosses des autres parents, en donnant des conférences scolaires, animations artistiques, ateliers d’écriture et autres coachings éducatifs.
– L’écrivain-accoucheur, qui décide de faire accoucher les autres, surtout si, jusqu’alors, il a dû accoucher tout seul. Il fonde alors sa propre clinique qu’on appelle « maison d’édition ». Mais comme pour l’écrivain multi-cartes, nul besoin d’avoir fait des études poussées, tant qu’on paye l’URSSAF.
Je laisse le soin à mes camarades auteurices, éditeurices et libraires de déterminer d’autres catégories. Si nous parvenons à rédiger une centaine de pages, nous en tirerons un ouvrage commun qu’on éditera sous X.
Alain BLED