JUSQU’OÙ LE RACISME VA SE NICHER
Encore aujourd’hui, les Réunionnais sont considérés par certains défenseurs des animaux métropolitains comme des sauvages. Certaines associations vont jusqu’à refuser les adoptions sur l’île et voudraient « vider La Réunion de ses chiens ».
« Les gens sont c… Malheureusement, il y a beaucoup d’associations qui considèrent que les Réunionnais sont inaptes à faire preuve d’empathie et de générosité, je ne suis pas d’accord », s’emporte Jean-Luc Mignot, président de la SPA réunionnaise, quand on lui parle des associations de protection animale qui refusent les adoptions sur l’île.
C’est ce qui est arrivé à Julia, Saint-Pauloise tombée en amour d’un chiot à adopter sur Facebook. Malheureusement, l’association niçoise qui parrainait le chiot n’a rien voulu entendre des arguments de la jeune femme, ni de sa motivation, ni des conditions de vie idylliques qu’elle proposait à la petite chienne. « J’ai expliqué que je disposais d’une maison avec jardin, que mon conjoint et moi-même travaillions à domicile, que j’irais la promener dans la savane et à la plage, que je n’avais pas d’enfants (c’est un critère pour cette association), ma candidature a été refusée au seul prétexte que j’habite à La Réunion », se désole Julia, qui pense que là, on « tombe dans l’absurde et le racisme ». « Il y a autant de maltraitance en métropole, il faudrait revoir vos critères », avait-elle répondu à la présidente de l’association niçoise. « On préfère imposer à un chiot onze heures d’avion, autant de voiture, une nouvelle famille d’accueil avant l’adoption… c’est aussi de la maltraitance », plaide-t-elle.
« Vider La Réunion de ses chiens »
C’est ce que pense aussi le président de la SPA Réunion. « C’est débile », dit-il. « Il y a beaucoup d’associations qui considèrent qu’il faut vider La Réunion de ses chiens, que les Réunionnais ne sont pas capables de s’occuper de leurs animaux », regrette-t-il.
La SPA, comme beaucoup d’autres associations, confie volontiers ses animaux à des familles réunionnaises, si tant est qu’elles remplissent les critères d’éligibilité. « Annuellement, nous plaçons quatre à cinq cents chiens sur l’île ; et deux cent cinquante à trois cents autres partent dans l’Hexagone, c’est mieux que les euthanasier », estime Jean-Luc Mignot.
Il y a plus d’une trentaine d’associations de France qui placent des chiens réunionnais et organisent leurs voyages, sans compter une quinzaine d’autres localement, qui parfois appliquent la même politique discriminatoire. Nous avons réussi à contacter une dizaine d’entre elles, chacune prend en charge vers l’Hexagone cent à deux cents chiens par an. Trois à cinq mille chiens partent ainsi chaque année vers une vie meilleure en France. C’est considérable. L’engouement pour les « royal bourbon », dont le hashtag fait florès sur les réseaux sociaux, en témoigne. Tout comme la description de nos chiens pays est ridicule, présentés comme une race, le royal bourbon est « gentil et affectueux » peut-on lire sur les pages de présentation de certaines associations.
Certaines, comme la SPA, font prendre l’avion aux chiens quand il n’y a pas de solution chez nous, d’autres considèrent que La Réunion est une terre d’enfer pour les animaux domestiques. Il n’y a qu’à voir leurs pages Facebook, qui décrivent notre île comme « paradisiaque » pour les humains, « infernale » pour les animaux domestiques, photos abominables à l’appui et clichés sur la pêche au requins en prime. Les propos de Brigitte Bardot, condamnée pour injures publiques en 2021, ont laissé des traces et fait des adeptes. « Gènes de sauvages, population dégénérée, traditions barbares, réminiscences de cannibalisme », avait-elle déclaré à propos des Réunionnais dans une lettre ouverte publiée en 2019.
Philippe Nanpon
Jean-Luc Mignot, président de la SPA Réunion, s’inquiète par ailleurs de l’augmentation du coût du transport des chiens par avion. Les animaux accompagnent des voyageurs bénévoles moyennant jusqu’à présent 70 euros le voyage d’une cage, avec parfois plusieurs chiens dedans. Le tarif est passé à 200 euros par animal, notamment chez Air Austral qui a aligné ses tarifs sur la concurrence. « Notre budget va passer de 7 000 euros à plus de 50 000 euros. C’est insupportable financièrement, ça veut dire que 250 chiens de plus seront euthanasiés chaque année », regrette le président de la SPA.