Leu Tempo festival Domoun Sergio Grondin Claire Nativel

[Leu Tempo] Pas des enfants de la Creuse, Domoun

SERGIO GRONDIN

Deux spectacles réunionnais en création ont été présentés au Leu Tempo festival le week-end dernier. Dans Domoun, Sergio Grondin raconte comment l’Etat français s’est approprié le ventre des femmes. 

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Sergio Grondin l’avait annoncé : « Domoun ne parle pas des enfants de la Creuse ». Bon ben quand même un peu ! « Domoun parle du ventre des femmes ». En effet ! Surtout du ventre des femmes réunionnaises, celles qui sont pauvres, celles qu’on a privées des droits les plus élémentaires. 

Comme souvent, le conteur, comédien et auteur nous raconte un conte familial. Ici aussi dans une écriture riche et ciselée qui plonge le spectateur dans l’histoire. Dans Kok Batay, c’était celle de son père à travers laquelle on devinait toute la violence de l’histoire de La Réunion.  Dans Domoun, Sergio Grondin raconte l’Etat français qui s’affranchit de ses principes les plus fondamentaux, les droits de l’Homme, quand il s’agit de populations lointaines, pauvres, et surtout quand il s’agit de femmes. On parle ici de stérilisations forcées à une époque où l’avortement était un crime, et de vols d’enfants, pas moins.

On commence par une chanson, toute douce la voix de Claire Nativel, toute douce l’écriture de Lisa Ducasse. Puis la lumière se fait sur le conteur, assis au pied de son micro. Il raconte le cordon ombilical qu’on enterre au pied d’un arbre fruitier, le quartier qu’il habite, Matouta, celui où il a grandi, il raconte sa mère. « Mon paradis, c’était son enfer. » Les chansons qu’elle écoutait en boucle, celles de Berthe Silva. « La vie de ma mère aurait été moins triste si elle avait eu de meilleurs goûts musicaux. » Certes, on fait plus gai que la chanson réaliste d’il y a un siècle.

« La honte, on n’en parle pas »

Puis revient à son quotidien d’aujourd’hui, de la case à lire qu’il est seul à utiliser mais où il trouve trois livres, dont l’un contient une photo jaunie par les ans, et part à la recherche de l’histoire des quatre femmes qui posent pour l’objectif. Il y reconnait sa mère, et sa tante Maryvonne, enceinte, et s’inquiète de l’enfant. De sa mère, ou de sa tante, il n’obtient qu’une réponse sèche : « Vi féré mieu s’enmèle ». 

Assis pour raconter sa famille, il se lève pour déclamer le Ventre des femmes de Françoise Vergès. Plus tard, c’est le député Michel Debré et sa politique d’exportation de jeunes vies humaines qu’il dénonce. 

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Mais pourquoi cette discrétion des vieilles femmes ? « La honte, on n’en parle pas », dit-il. La honte de s’être laissées berner par l’assistante sociale, la honte d’avoir signé sans comprendre, la honte de ne pas savoir lire… la honte d’avoir laissé partir Clérenge. 

Clérenge a été adoptée par un couple de Bretons. Elle a eu de la chance dans son malheur, les Brestois sont aimants, ne lui ont pas caché son origine, mais la croyaient orpheline. C’est quand Jean-Jacques Martial a révélé le scandale des enfants de la Creuse que les services de l’Etat ont contacté Clérenge pour lui apprendre qu’elle avait une mère biologique, qu’elle n’était pas orpheline. « Ce qu’il y avait sur cette photo, ça faisait bien partie de mes affaires », juge le Saint-Joséphois. 

Et de remarquer, qu’aujourd’hui à Mayotte, des affiches encouragent les femmes à des méthodes contraceptives radicales et définitives. La condescendance raciste a encore de beaux jours devant elle.

Philippe Nanpon

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Enfants de la Creuse

Sans oublié ce qu’il se passe actuellement à Mayotte.

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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