LITTÉRATURE
Une nouvelle plateforme d’intelligence artificielle vient d’être présentée par Alexandre Jardin. avec le support technique d’un créateur d’outils d’I.A basé à Alger, la start-up Big Mama Technology.
N’est-ce pas se tirer une balle dans le pied pour un écrivain de faire confiance à l’I.A. ? En fait, il semble que le Data Lab choisi par l’auteur corresponde à ses voeux : ne pas constituer une menace pour les écrivains mais au contraire, selon lui, leur permettre de « retracer leurs racines littéraires ». Alexandre Jardin souhaite transformer des règles qui, avec Chat GPT entre autres, ont entraîné une avalanche de textes impersonnels, de romans médiocres, d’écrivains sans talent. (Voir notre chronique récente sur Kindle).
Sa plateforme est baptisée provisoirement Yourscrib.ai. Provisoirement, peut-être par risque de confusion avec youScribe, qui est une célèbre bibliothèque en ligne ? Quoiqu’il en soit, Yourscrib se veut au service des écrivains, dans la lignée d’Open A.I., le créateur de Chat GPT, mais avec moins de risques de spoliation des auteurs et illustrateurs.
Notons cependant que d’autres plateformes, comme Genario, offrent déjà des services similaires pour les auteurs. Reste à espérer que Yourscrib amène un réel progrès.
Quand L’I.A. devient psy
Alexandre Jardin affirme en effet que Yourscrib, contrairement à d’autres, ne risque pas de remplacer l’Humain, mais se contente « d’hybrider le talent humain avec l’I.A. » comme il l’a expliqué en détail sur le site Actualitté et sur les réseaux sociaux.
Concrètement, il s’agit d’un outil conversationnel accessible sur son site web, pour « aider les auteurs à trouver le sujet le plus profond de leur livre, en dessinant leurs intimes racines littéraires ». Il vise à « clarifier la perception par l’auteur de ses propres sentiments, ce dont il est vraiment question en terme de désir et de peur ». Pour traduire de façon plus simple ces propos très… littéraires, je me risque à en déduire que l’auteur devra renseigner l’I.A. sur ce qu’il a de plus intime, afin que tel un psy, l’I.A. déduise les pensées plus ou moins inconscientes de celui-ci, oubliées ou cachées, afin que son livre n’en devienne que plus riche. « Révéler l’A.D.N. mental de l’auteur » précise Jardin, en rappelant l’une de ses premières expériences au début des outils d’I.A : dès 2011, dans un ouvrage autobiographique où il évoquait des souvenirs familiaux, l’outil d’aide à l’écriture l’avait déjà mis face à des incohérences.
L’I.A. Peut-elle donc aider l’écrivain, non seulement sur la forme, mais aussi sur le fond, en le mettant face à ses contradictions, son auto-censure, sa peur de se dévoiler ? C’est à la fois fascinant et inquiétant : l’I.A. ne vous jugera jamais, mais se contentera de vous dire, par exemple, « sur ce point, vous avez menti ! ».
On pourra objecter que le fait même d’écrire, ses mémoires par exemple, fait remonter à la surface des souvenirs qu’on croyait disparus. Mais l’I.A. peut-elle aider à aller encore plus loin dans les tréfonds de la cervelle de l’écrivain ?
Une révolution démocratique
Quoiqu’il en soit, Alexandre Jardin se dit convaincu de l’avenir d’une I.A au service de tous. Selon lui, Yourscrib constitue même une révolution démocratique par rapport à d’autres plateformes moins accessibles au grand public.
A ce propos, le débat se poursuit entre Elon Musk, Sam Altman et les autres géants des nouvelles technologies : faut-il mettre l’I.A. à la portée de tous les citoyens du monde, ou pas ? Ce n’est pas la bombe atomique, mais c’est une bombe à retardement, de plus en plus puissante, dont on ne connait pas encore la portée réelle.
Le public peu doué en informatique n’aura aucun mal à travailler avec Yourscrib, Mais s’il se démarque de Chat GPT, le système sera payant, car c’est à Chat GPTqu’il doit acheter le matériel, à savoir les mots. Par exemple, 750 mots devraient donc coûter aux abonnés 15 centimes d’euros.
Affaire à suivre…
Qu’en pensent les utilisateurs ? Il est encore trop tôt pour le dire, et les principaux commentaires que l’on trouve à ce sujet sur les forums et sites d’actualité, de You Tube à Facebook en passant par Actualitté et le Figaro, ne sont pas toujours tendres avec le créateur de Yourscrib : en dehors des vacheries du style : « Enfin, Alexandre Jardin pourra écrire un bon livre ! », ou « Un rateau pour le Jardin ? » , d’autres persistent dans la méfiance vis à vis de l’I.A, ou en profitent pous se moquer de certains « ghost writers » bien connus.
Mais au fait, l’Intelligence Artificielle peut elle acquérir le même sens de l’humour que l’Homme ? Et le rire, lui aussi, pourra-t-il être un jour le propre de la machine ?
J’essaierai peut-être de l’utiliser dans une prochaine rubrique !
Alain Bled