EFFET EN FÊT
Cette année encore, le Sakifo a jugé bon de se priver des services du collectif Effet en Fête, au risque de problèmes pour les usagers de drogue que l’on trouve sur site.
« Zamal et alcool sont les drogues les plus courantes en milieu festif », indique Quentin Gorrias. L’homme est le coordonateur de Effet en Fêt, collectif qui fait de la prévention sur les risques liés à la consommation de drogues sur les sites de fête. Sur tous les sites ? Presque. Seuls les Sakifo et Francofolies résistent encore.
Pourtant, si ces drogues existent bel et bien sur les sites des festivals (l’une, légale, est même vendue sur place à grande échelle), elles ne sont pas les seules. « Des bénévoles de notre collectif m’ont rapporté que l’on pouvait, on leur même proposé, trouver à peu près de tout au Sakifo », poursuit celui qui lutte contre les effets délétères liés à la prise de drogues. « Ce qu’on trouve le plus, c’est l’ecstasy et la MDMA ; il y a également beaucoup de LSD et, depuis un an, couramment de la kétamine », souligne Quentin Gorrias.
Des drogues festives, hallucinogènes, anti-fatigue, très prisées par ceux qui font la fête. « Pour ce qui est de la cocaïne, que l’on trouve aussi sur l’île, à 150 euros le gramme, il faut avoir les moyens », souligne le coordonateur de Effet en Fêt. La kétamine, elle, anesthésiant à usage vétérinaire détourné, est « un produit dissociatif, aux effets hallucinogènes et sensation de sortie de son corps. Les effets sont impressionnants, surtout associée à l’alcool. On ne tient plus debout, on peut dormir très longtemps ».
Malheureusement, ce n’est pas tout. Circulent également dans l’île des drogues qui ont causé des overdoses récentes dans l’île : des canabinoïdes de synthèse, la tristement célèbre chimique, ou par le B13, de la famille des khatinone, dérivé du khat. « Ces drogues de synthèse, elles aussi, sont de plus en plus présentes sur le territoire », estime Quentin Gorrias. On trouve encore des amphétamines, le « speed », de l’héroïne aussi, même si cette drogue n’est pas prisée des fêtards.
Effet en Fêt est à même de conseiller les usagers. Et bientôt (l’ARS a donné son accord) tester la composition des drogues, leur pureté, et aussi les produits de coupe qui peuvent être particulièrement toxiques. « Souvent des amphétamines, ou des médicaments qui n’ont rien à faire là, de la caféine, du levamisole (à la base un fongicide pour bovins qui potentialise l’effet de la cocaïne)… », énumère Quentin Gorrias.
La drogue, donc, est très facile à trouver, notamment dans les festivals. Et, pour le collectif Effet en Fêt, tout n’est pas fait pour protéger les usagers, notamment quand le collectif se fait refouler d’une manifestation. « Sur nos stands, il n’est pas rare que l’on vienne nous demander l’effet et les risques d’une drogue que l’on vient d’acheter », souligne le coordonateur. Qui distribue, en plus de conseils, tout l’attirail qui permet de diminuer les risques. Comme, c’est là le point d’achoppement, des carnets de feuilles de papier alimentaire destinées à fabriquer des pailles à sniffer, pour éviter les risques de contagion à l’hépatite C.
« Nos kits sont acceptés partout sauf au Sakifo », regrette Quentin Gorrias, qui pense que les dirigeants du festival veulent montrer une image immaculée aux parents des jeunes festivaliers et aux pouvoirs publics – « il n’y a pas de drogues chez nous », alors que ARS et préfecture encouragent justement l’action de Effet en Fêt. Car ce ne sont pas quelques feuilles de papier destinées à être roulées qui vont faire renoncer les usagers de drogues. Et de proposer ces « roul’ ta paille » n’encourage pas non plus à la consommation. Le débat avait déjà eu lieu quand on a proposé la vente libre les seringues dans les pharmacies, ou la distribution de préservatifs dans les lycées ; c’est juste une question de prophylaxie.
Nous avons tenté de joindre l’équipe du Sakifo, sans succès. Et, bien sûr, Effet en Fêt souhaite que le Sakifo accepte sa présence lors des prochaines éditions.
Philippe Nanpon
Le bruit et l’horreur
Sensibilisation et prévention, pour Sandrine Ebrard aussi, ne sont pas au rendez-vous du Sakifo. En tout cas, les actions mises en place ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.
« J’ai lu des commentaires indignés parce que le Sakifo faisait payer les couvercles de gobelets », remarque celle qui souligne avoir des attaches fortes pour le Sakifo, ayant été programmée à la toute première édition. « Je regrette que ces commentaires aient été supprimés, moi-même je ne pouvais plus m’exprimer sur la page du festival », poursuit-elle. Les couvercles en question sont distribués gratuitement par Effet en Fêt et sont destinés à éviter qu’une drogue soit versée dans le verre à des fins de soumission chimique.
Sandrine Ebrard, en plus de militer contre les violences sexuelles dans le milieu du spectacle, travaille au PRMA (pole régional des musiques actuelles) et a été formée à la gestion sonore et aux risques auditifs. Après avoir été victime de soucis auditifs, elle est devenue formatrice dans ce domaine et milite à l’association Agi-son, qui elle aussi doit rester à la porte du festival.
« Je pense que le volume de 102 Db maximum est respecté. Mais après seulement trois quarts d’heure d’écoute à ce niveau, il faut faire une pause dans le silence sinon les risques pour l’ouïe apparaissent. Trop peu de spectateurs connaissent les risques et le Sakifo devrait mieux communiquer sur le sujet », poursuit-elle. Et de suggérer que les vidéos de prévention d’Agi-son soient projetées sur les écrans du festival, notamment pour prévenir les parents de jeunes enfants.
« Les bouchons d’oreilles ne sont pas adaptés aux conduits auditifs des enfants. Il leur faut un casque que l’on voit trop peu souvent », explique Sandrine Ebrard. « Effet en Fêt informe aussi là dessus et aide à une pause correcte des bouchons », souligne la spécialiste.