ZAC SAVANE DES TAMARINS
On en parle depuis des décennies, on la croyait enterrée, mais voilà que les travaux de la Zac Renaissance ont été lancés, sans prévenir, à grands coups de pelleteuses.
Coincée entre la route du Théâtre et Plateau-Caillou, les quelque 500 ha de la savane de Saint-Paul ondulent au gré des vents. Elle est le refuge des promeneurs, des boeufs moka, des cabris pays, et d’une foultitude d’animaux et de plantes sauvages. Un espace naturel qui lutte contre les espèces envahissantes et abrite au moins deux plantes en danger critique d’extinction et plusieurs espèces animales protégées. Et surtout une zone de quiétude et de respiration en plein coeur de l’urbanisation galopante de l’Ouest.
Patrimoine naturel
Mais les pelleteuses se sont mises en branle il y a trois semaines. A la grande surprise des habitants de Plateau-Caillou et des usagers. Un large espace est déjà saccagé, au plus près des jardins de riverains. A terme, plus de quatre-vingt dix hectares de la savane sont condamnés. Au profit de logements sociaux, mais aussi de maisons avec jardin, d’appartements, d’équipements publics, de bureaux, d’une zone commerciale…
Forcément, les riverains s’inquiètent. Quinze ans de travaux et les nuisances qui vont avec. D’autant que, pris au dépourvu, ils ont l’impression que le lancement des travaux n’a pas été fait dans les règles. Pour autant, toute La Réunion se sent concernée par la perte d’un patrimoine naturel.
« Il y a urgence à gagner du temps », estime Elie Payet, porte-parole du collectif « Protège nout’ savane ». Car les dangers ne concernent pas seulement les riverains. Un patrimoine naturel accessible à tous les Réunionnais, un bout de nature près du littoral, des espèces végétales et animales menacées, deux mille logements sans voies de circulation à la hauteur, des embouteillages déjà considérables tous les matins, et, souligne Témoignage, une artificialisation des sols en amont de la ville de Saint-Paul qui augmente le risque d’inondation. Sans compter une ressource en eau qui pourrait trouver ses limites.
A ce sujet, le président de la chambre d’agriculture, Frédéric Vienne, met en garde : « Il faut faire attention, pour ces projets immobiliers dans l’Ouest, qu’il n’y ait pas une piscine dans chaque jardin. La ressource est en tension, les pluies vont devenir plus rares, notre autonomie alimentaire passe par la mise en exploitation de terres agricoles dans l’Ouest, par exemple à Trois-Bassins, qui ne bénéficient pas encore de l’irrigation du basculement des eaux. L’agriculture doit rester une priorité ».
Bien sûr, il faut loger la population, « mais pourquoi une zone commerciale? pourquoi des logements privés si ce n’est une histoire de gros sous? », dénonce Elie Payet, qui verrait bien les travaux s’arrêter au seul logement social. Bien sûr, le projet existe depuis des décennies, la Zac Renaissance III, aujourd’hui Zac Savane des Tamarins, était même programmée dès 1975 et la création de Plateau-Caillou. D’accord, on va déplacer quelques pieds de Zornia gibbosa et laisser les bois de lait entre les immeubles, les deux espèces végétales protégées présentes sur le site. Mais ne pourrait-on, au XXIe siècle, faire autrement, maintenant que l’on sait les changements climatiques ? Ne pourrait-on pas laisser aux générations futures une île avec un peu moins de béton ?
Philippe Nanpon
