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Sissi Cussot raconte sa 6e place à la Diagonale des fous


A la suite de l’édition 2024 du Grand Raid, nous avons invité Sylvaine Cussot, 6e féminine à la Diagonale des fous, au micro de Parallèle Sud. Dans cet épisode de podcast, Sissi revient sur sa 4e participation à cette course mythique, son histoire avec le trail, sa découverte de l’ultra-trail, ainsi que son point de vue sur la place des femmes dans ce sport.


Sylvaine Cussot vit à la Réunion depuis 4 ans. Sa pratique du sport débute très tôt, elle commence à courir à l’âge de six ans, s’inscrit à un club d’athlétisme à l’âge de dix ans, pour enfin découvrir la pratique du trail il y a une dizaine d’années. Son premier ultra a eu lieu au Japon, avec l’ultra trail du Mont Fuji. Ensuite, elle participera à la mythique course de l’UTMB (Ultra Trail du Mont Blanc), pour enfin se lancer dans sa première Diagonale des fous en 2021.

Est ce que tu peux nous parler de ton expérience sur la Diagonale des fous cette année? Qu’est ce que tu retiens de cette édition ? 

On trouve toujours quelque chose de différent à chaque édition, on va pousser les limites un peu plus loin. C’est une course tellement difficile qu’il faut être bien préparé physiquement. S’il on a le moindre petit grain de sable dans l’engrenage, c’est difficile d’aller au bout. Ensuite, il faut être fort mentalement, et être en pleine possession de ses moyens. Si la tête lâche, on met le clignotant et on abrège les souffrances. Il faut savoir que l’on se lance dans quelque chose qui va être dur, car faire une course de 180 km sans douleurs, ca n’existe pas. L’idée de se préparer mentalement et physiquement est aussi un moyen d’essayer de repousser le plus loin possible l’arrivée de ces douleurs et c’est ce que j’aime dans la préparation. Cette année, j’ai senti que j’ai plus tenu le choc musculairement, il y a d’autres problématiques car j’ai eu des maux de ventre, mais je me suis sentie plus solide physiquement. J’apprends encore de mes expériences, même à 40 ans. Cette année, on a eu une édition rallongée avec une dizaine de kilomètres en plus, une météo pas évidente, qui a rendu le terrain encore plus difficile et dangereux. 

Sur ce type de course, il y a un taux relativement fort d’abandon au vue de la difficulté, est-ce qu’à ton niveau de performance, c’est un risque qui plane toujours durant la course ? 

Je pense que ce n’est pas une question de performance, ou d’expérience, mais plus une question de personnalité. On est tous différents face à ça, moi j’ai du mal avec l’abandon. Quand je prends un départ, c’est pour aller jusqu’au bout, sauf en cas de danger. Durant la  la montée du Taïbit, ça a été très dur pour moi,  j’était tellement mal que je me suis mise à pleurer. J’était dans un état de fatigue qui faisait que je n’imaginais pas comment j’allais aller au bout, mais ça ne m’a pas traversée la tête d’abandonner. Je me suis dit que je mettrai peut être 50 heures, que j’allais passer une nuit de plus dehors, possiblement, mais jamais je me suis dit que j’allais abandonner. Tant que je suis debout, et en capacité de mettre un pied devant l’autre, j’y vais. Mais je comprends aussi l’abandon, que l’on n’ai pas envie de piocher aussi loin, c’est propre à chacun. Cette année, j’ai trouvé que le taux d’abandon n’était pas excessif au final, vu la difficulté de la course, il y a eu de nombreux courageu.x.ses. 

Tu vis à La Réunion depuis maintenant quatre ans, qu’est ce que cette course représente pour toi ? 

Lorsque l’on court à domicile, il y a toujours un petit truc en plus. On est portés par les copains qui sont aussi à domicile, on a la chance de connaitre le parcours, cela nous apporte une vrai sérénité. C’est mon île de coeur ici, j’étais venue pour quelques mois et cela fait quatre ans que je vis ici, j’ai trouvé un petit coin de paradis, l’état d’esprit des Réunionnais.es me plait énormément, alors faire la Diagonale des fous est symbolique pour moi. 

Cette année il y avait 13% de femmes sur la course, la parité est encore loin d’être atteinte, et elle diminue d’avantage lorsque le niveau augmente. Est-ce que cela a été dur de faire ta place dans le milieu du trail, en tant que femme ? 

13%, ca n’est pas beaucoup et je me suis toujours demandé pourquoi. Depuis que j’ai commencé le trail, je vois le nombre de femmes augmenter, et leur niveau aussi, bien que la proportion soit encore faible pas rapport aux hommes. Est-ce que c’est une question de confiance, de volonté de se faire mal? Je pense que nous les femmes, on est peut être plus tournées vers le plaisir et moins sur la performance à tout prix, on a peut etre moins d’égo aussi. C’est dommage, car on ne se rend pas compte de la force que l’on a, que l’on est capable de grande chose, mais cela vient avec le temps. 

Est-ce que tu as toi même été inspirée par des athlètes féminines en trail et ultra trail qui t’ont donné envie de te lancer, ou l’envie de te dépasser venait de l’intérieur ? 

Non il n’y a pas vraiment eu d’exemples de femmes autour de moi, mais je fais de la course à pied depuis que je suis petite, et j’ai toujours aimé ca. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont mise dans la compétition, épaulée, et soutenue. Je suis très admirative de toutes ces femmes qui ont performé, sans réussir forcément à m’identifier car parfois je ne me sens pas forcément capable de faire ce que certaines d’entre elles font. Mais je n’ai pas forcément besoin d’exemples parce que j’ai envie de me lancer en fait, je ne me mets pas vraiment de barrières, je suis quelqu’un qui aime les défis et je me les mets moi même. Je me dis pourquoi pas moi? Si ces personnes y arrivent moi aussi, et je ne fais pas la distinction homme, femme, on est capables des mêmes choses, c’est évident. 

Qu’est ce que la pratique de l’ultra tail et ainsi de l’ultra dépassement a changé dans ta vie ?
Pour tout le monde, cela apport des valeurs de courage, de persévérance, d’abnégation. Cela permet aussi de se rendre compte que l’on n’a rien sans rien, que la préparation a son interêt. Il faut se retrousser les manches, pour atteindre ses objectifs. Et cela est valable dans le sport, mais dans la vie en général, finalement. 

Est-ce que tu as eu des échecs marquants dans ta vie de sportive ? 

Pour moi, un échec n’est pas de ne pas faire une certaine performance. On peut être beaucoup plus satisfait d’une dixième place avec du plaisir que d’avoir gagné une course où on ne s’est pas régalé. C’est pas forcément un échec d’abandonner, c’est une décision que l’on prend parce que l’on n’avait pas le choix, ou que cela nous paraissait la meilleur décision au moment voulu, et on en tire des leçons. En Patagonie, je me suis lancée dans quelque chose qui était trop ambitieux pour moi, et j’ai décidé d’arrêter car il y avait une prise de risque trop grande. J’ai déja abandonné des courses, mais je n’ai jamais eu le choix, c’est parce que j’ai fini à l’hôpital. Par exemple, une fois, je me suis luxée le pouce, j’ai déja chuté et eu de grosses entorses, etc. Ce sont des passages obligés dans la vie d’un athlète, mais il y a toujours des raisons, et les échecs font toujours avancer. 

Est-ce que tu as en tête des axes d’amélioration à la suite de cette course ou est-ce que tu as le sentiment que tes expériences de trail t’ont déjà appris l’essentiel ? 

L’année dernière, j’avais eu des brulures sur le corps à cause de la brassière et du sac, mais cette année je n’en ai pas mis, et ça a réglé le problème. Pareil pour les ampoules, ma solution a été les chaussettes à doigts. Cette année, le problème a été les maux de ventre, je me suis trop chargée en glucides les jours d’avant, j’ai changé mon alimentation et cela a été une erreur de débutant, que je ne ferai pas l’année prochaine. En terme de gestion de course, j’ai été plus raisonnable cette année, je suis partie moins vite et cela a été mieux. A l’issue de chaque course, on apprend, et cela nous permet de faire des réglages pour les fois d’après. 

Est-ce qu’il y a toujours de la bienveillance et de la solidarité entre coureur.euses à ton niveau de performance ? 

Oui, c’est ça qui est dingue avec ce sport, c’est que l’on se met dans un état de fatigue et souffrance extrême qui fait que l’on se sent humble, face à la nature aussi et cela rapproche les gens. On aime pas trop courir seul, et dans l’effort, il y a beaucoup d’entraide, dans le trail en général mais encore plus dans l’ultra trail. A La Réunion, il y a aussi le lien avec le public qui est incroyable. Il y a une effervescence liée à cet évènement qui fait que l’on a envie de revenir. 

On dit souvent que pour faire des ultras, il faut avoir une raison. Quelles sont les raisons qui te font mettre un pied devant l’autre quand ton corps te crie d’arrêter ? 

Il y a des moments ou l’on est tellement mal qu’il faut savoir pourquoi on le fait, d’ailleurs ce que l’on entend souvent sur les ultras c’est la phrase “ Qu’est ce que je fous la?” Si on a mal, mais qu’on sait pourquoi, on continue à avancer. Moi, par rapport à la Diagonale des fous, c’est une histoire personnelle. Je suis arrivée suite à une séparation, c’était une reconstruction, un challenge personnel, et la Diagonale des fous en fait partie. Terminer ma première diagonale m’a procuré beaucoup d’émotions et cela a concrétisé un peu le nouveau chapitre de vie que j’ai décidé d’écrire sur cette île. 

On entend souvent dire que les femmes sont plus endurantes, voire qu’elles abandonnent moins que les hommes. Qu’est-ce que tu peux dire de cela ? 

Les femmes ne se rendent pas compte qu’elles sont fortes. Physiquement, il faut se préparer c’est sur, mais on a toutes des capacités qu’il faut développer. Mentalement aussi on a des ressources énormes, dont on est parfois pas toujours conscientes. Des fois, je le vois quand je suis sur des courses et que je cherche à remonter des places. Chez les garçons, ça abandonne, mais chez les femmes, ça va au bout, ça serre les dents. Si je veux gagner des places, il faut vraiment que j’aille les chercher. Les femmes sont parfois plus sages aussi dans l’effort, on part plus doucement. Je le vois dans ma progression, souvent je pars loin au scratch, puis je remonte, nous on a une allure que l’on arrive à tenir dans la durée. Des fois je le dis aux garçons que je vois épuisés sur les sentiers, “ vous n’êtes pas réguliers les gars” et puis ils décident de nous suivre, nous les femmes, en se disant qu’ils vont suivre un meilleur rythme. 

Qu’est-ce que tu voudrais dire à ces femmes qui n’osent pas se lancer ? 

Si elles ont envie d’essayer, qu’elles essaient, et surtout ne pas s’arrêter au premier essai. Au départ, cela ne se passe pas forcément bien, mais il faut persévérer, et avec la préparation, on fera de mieux en mieux. Il faut s’accrocher car dans la course à pied et le trail, c’est avec la régularité que l’on prend de plus en plus de plaisir. Il faut croire en soi, en ses capacités, les femmes, vous êtes fortes. 

Entretien réalisé et retranscrit par Sarah Cortier

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A propos de l'auteur

Sarah Cortier | Etudiante en journalisme

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique, Sarah souhaite désormais se former au métier de journaliste qui la fait rêver depuis toujours. Persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits et d’apporter de nouveaux regards sur le monde pour le faire évoluer, Sarah souhaite participer à ce travail journalistique engagé aux côtés de Parallèle Sud.

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