Cinq banderoles, partout dans l’île, ont demandé hier à la fin, au moins la régulation, des nuisances causées par les hélicoptères de tourisme. Nous nous sommes rendus sur la plage de la Saline-les-Bains.
Le Taïbit, la Roche Merveilleuse, Pierrefond, le piton des Neiges, la crête des Trois Salazes, et le lagon de la Saline-les-Bains, tout près du spot de surf de Trois-Bassins, annonçaient hier la couleur. En lettres rouges : « Stop hélicos touristiques ». Car, de plus en plus nombreux, les Réunionnais et les touristes dénoncent le bruit des aéronefs quand tout le monde demande calme et quiétude.
« C’est aberrant que, pour satisfaire quelques touristes aisés, l’ensemble de la population réunionnaise souffre de pollution sonore », remarque Sigrid, une militante de Greenpeace. Tous les jours, des dizaines d’hélicoptères survolent plages, cirques et remparts, sans limite. Au dessus des écoles, comme celle de Tiphaine à Petite-Île, à Cilaos ou à Salazie, les témoignages sont innombrables.
« On pourrait limiter ces vols à deux heures par jour », suggèrent innocemment Christine et Alain, couple de touristes pas du tout militants, de retour d’une balade à piton Cabris, près des Makes. « L’impact sur la santé n’est pas mesuré », poursuit Sigrid, signalant que certains ne sortent plus de chez eux. « A Cilaos, pendant notre action avec la banderole, nous avons compté le passage de 35 hélicoptères et une dizaine d’avions ; au vu de la noria, des touristes imaginaient un problème médical », rapporte une autre militante de Greenpeace.
« C’est sans compter sur les problèmes que ça cause à l’environnement, à l’heure où l’on cherche à diminuer les gaz à effet de serre », poursuit Sigrid, qui pointe, en plus de la santé humaine, aussi les difficultés de reproduction des oiseaux endémiques, dont le chant sert à rapprocher les partenaires. « Cette politique du laisser-faire est totalement incohérente avec le classement des Cirques et Remparts à l’Unesco », dénonce la militante, qui croit qu’un autre tourisme est possible. « A Hawaii, on a drastiquement limité le nombre de vols au dessus du parc national. Pourquoi ce ne serait pas possible ici? » En effet, depuis le début de l’année, le nombre d’autorisations de survols au dessus du Parc National des volcans d’Hawaï est passé de plus de 11 000 par an à seulement 1 548, soit une diminution de 80 %, et seulement de 10 à 14 heures. A La Réunion, on ne sait même pas le nombre de mouvements, c’est en tout cas beaucoup plus, plusieurs dizaines de milliers.
« La politique de la terre brûlée »
De son côté, Gaëtan Hoarau, président de l’association citoyenne de Saint-Pierre, explique que la règlementation française date de 1957 et 1958, par deux arrêtés qui ne s’intéressent qu’à l’aspect sécurité. On se rend tout de suite compte que les enjeux de l’époque sont sans commune mesure avec ceux d’aujourd’hui. L’association demande de longue date que lui soit communiqué le nombre de mouvements, mais surtout l’interdiction des circuits courts. La tendance est inverse, il n’y a qu’à voir la publicité qui vante des baptêmes de 5 minutes facturés 55 euros. « Il faut demander aux Réunionnais quel type de tourisme ils veulent », suggère Gaëtan Hoarau, qui regrette que les politiques ne s’emparent pas de ce dossier, dédaignant ainsi la notion d’intérêt général, de santé et de bien-être.
« Et pour la question économique, avec le prix d’un vol, on pourrait dépenser plus dans le logement, les loisirs, la restauration… et mieux répartir cette manne », continue le Saint-Pierrois. Comme Sigrid, il plaide pour un tourisme « soutenable, c’est-à-dire durable, qui respecte les habitants, la faune et les paysages » de l’île, un tourisme qui prend le temps, « le contraire du tourisme TGV où il faut faire tout et à toute vitesse ». « C’est là une politique à court terme, la politique de la terre brûlée », dit-il. En tout cas, si les touristes d’après une étude sont contents de leur séjour (de plus en plus court), ceux que nous avons rencontré préfèreraient un séjour et des randonnées sans le bruit des hélicos.
Philippe Nanpon