esclave prison

Esclavage et souffrance : Bruno Maillard dépeint l’horreur dans « La vie des esclaves en prison » (2024)

1767-1848, une période oubliée ou méprisée, voire occultée , que Bruno Maillard, remet en lumière dans son œuvre, « La vie des esclaves en prison. La Réunion. 1767-1848 » (Plon). La critique a salué cette œuvre qui place La Réunion sous les projecteurs aux quatre coins du monde.

176 ans, 176 ans d’histoire, 176 ans de souvenir et de mémoire. Moment de célébration pour certains et moment de recueillement pour d’autres, le 20 décembre, marque l’annonce de l’abolition de l’esclavage de 1848 et fait partie à part entière de la culture réunionnaise.

Un moment fort et important cher à Bruno Maillard enseignant chercheur en Histoire à l’Université Paris Est Créteil (Upec) et d’origine réunionnaise : « Pour moi, c’est un jour important, un moment de recueillement en souvenir de nos ancêtres. Le 20 décembre 1848, 60 200 hommes et femmes esclavisés sur notre île ont retrouvé leurs droits fondamentaux (liberté d’aller et venir, identité,  intimité, intégrité physique et morale). Il faut bien préciser retrouver !

L’esclavage, c’est d’abord un système qui spolie les droits naturels d’un être humain en le réduisant en un objet de propriété : simple corps corvéable à merci au profit de son maître. Le 20 décembre doit être aussi un temps de connaissance. En ce sens, il est tout aussi important de rappeler que les affranchis de 1848 ont été spoliés de leurs droits économiques et sociaux. Un phénomène qui a engendré la paupérisation et la marginalisation durable d’un grand nombre parmi eux mais aussi celles de leurs descendants ».

Bruno Maillard enseignant-chercheur à l’UPEC

Bruno Maillard concentre aujourd’hui ses recherches sur l’Histoire et les mémoires de l’esclavage. « La vie des esclaves en prison », sortie en février 2024, met d’abord en lumière ce sujet très peu traité par l’historiographie y compris dans les autres sociétés coloniales esclavagistes : « Pourquoi autant d’esclaves sont incarcérés dans les geôles publiques de La Réunion au tournant des 18e et 19e siècles ? ».

Une question qu’il éclaircit ainsi: « Pour pallier les négligences ou les abus des maîtres, les autorités coloniales imposent peu à peu l’emprisonnement – sans pour autant supprimer certaines peines corporelles en complément – comme une sanction de référence pour réprimer les transgressions commises par les esclaves. Loin du modèle métropolitain, la prison bourbonnaise s’inspire d’abord des pratiques disciplinaires exercées sur les domaines esclavagistes. Les maîtres revendiquent toujours leur droit de propriété sur leurs « biens séquestrés » provisoirement par la puissance publique pour influer sur les modalités et les finalités de cette répression carcérale. »

Une histoire forte marquée par la violence des traitements et qui se ressent à travers l’œuvre de l’historien. « Les femmes comme les hommes sont couverts de chaînes et contraints à des travaux épuisants, avant d’être éventuellement remis à leur maître, au terme de leur peine », cette citation est tirée de la quatrième de couverture de « La vie des esclaves en prison », elle résonne et éveille les esprits aux quatre coins du monde.

Une œuvre qui séduit et qui se fait applaudir

Une œuvre marquante, qui conquiert un grand nombre. Cette année, l’œuvre est récompensée par le prix Fetkann Maryse Condé (catégorie recherche) 2024. Une récompense valorisante à la fois pour Bruno Maillard et pour l’île de La Réunion elle-même : « De nombreux livres d’une grande qualité scientifique étaient sélectionnés pour ce prix, donc recevoir ce prix est très gratifiant sur le plan personnel. Au reste, il est rare qu’un livre qui traite de l’Histoire de l’île de La Réunion, de surcroît publié par un  grand éditeur, soit valorisé sur le plan national. […] Le livre a fait d’ailleurs l’objet de nombreuses présentations en dehors de La Réunion : Paris (Université Panthéon-Sorbonne, Upec, EHESS ainsi que dans de grandes librairies comme le Genre Urbain ou La Compagnie) mais aussi à Versailles, La Rochelle, Lyon, Nantes, Toulouse, y compris dans les territoires d’Outre-Mer : La Guyane et la Martinique. Le livre sera en outre présenté en février prochain à l’Ile Maurice dans le cadre d’un colloque de l’UNESCO et en juin au Québec pour une journée d’étude« , communique l’enseignant-chercheur.

Des quatre coins du monde à La Réunion, ce livre reste un symbole de représentation et de mémoire, de l’histoire de l’île : « Lire « La vie des esclaves en prison », c’est plonger dans l’histoire de l’esclavage à La Réunion,  En ce sens, les esclaves incarcérés reproduisent dans les prisons les « tactiques d’accommodement », individuelles ou collectives, qu’ils entretiennent sur les domaines de leur maître afin de pourvoir à leurs besoins vitaux, de préserver leurs droits fondamentaux et parfois même de retrouver leur liberté. L’évasion reste pour eux une autre forme de marronnage. », souligne l’auteur.

Urvashi Véléchy

Quatre propositions pour le 20 décembre

En ce jour de mémoire, de recueillement et de fête de la liberté, La Réunion y bouge, pour célébrer ce grand jour !

Vous pourrez en profiter dans le chef-lieu, au Barachois dès 10h, avec le traditionnel défilé et la performance de plusieurs artistes venus du Mozambique. De même, dans l’Est, à Sainte-Rose à « l’espace Jacoto ». À 10h, se tiendra le « 20 Désanm nout fèt » qui réunira des jeunes de l’école de musique Gabriel Singué et bien d’autres activités. Saint-Pierre y bouge aussi, retrouvez des animations (ateliers, expositions, musique traditionnelle, etc.) au jardin de la plage dès 9h.

Que serait un 20 décembre sans animations dans l’ouest, dans la célèbre maison de Madame Desbassayns ? Du 19 au 20 décembre le musée de Villèle accueillera le Gran 20 Désanm. Des conférences (notamment avec Bruno Maillard), des visites guidées, neuf expositions,  des animations musicales et théâtrales ou encore des emplacements de dégustation de la cuisine traditionnelle lontan animeront le week-end prolongé.

Alor, kas la chèn, marmay, é lève debout nout tout ansam pou met nout zancét an lèr!

A propos de l'auteur

Urvashi Véléchy | Étudiante en Journalisme

Étudiante en Master Information, Communication à l'Université de La Réunion

Ajouter un commentaire

⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation.

Articles suggérés