Une inondation d’un mètre d’eau rue de la Poste à Saint-Gilles-les-Bains, ça ne s’était jamais vu. Pourtant, c’est ce qui a été constaté le jour de Garance, le 28 février 2025 .
De la pluie, des cyclones, des inondations même, on en a déjà vu dans l’Ouest et à Saint-Gilles-les-Bains depuis la construction du port et l’endiguement de la ravine Saint-Gilles. On a vu des kayaks naviguer dans la rue principale de la Saline-les-Bains, on a vu la ravine Saint-Gilles déborder dans le port, mais jamais la ville inondée, notamment la rue de la Poste où l’eau est montée jusqu’à un mètre de hauteur en ce jour de Garance. Pourquoi ? Que s’est-il passé ?
Pour certains, la catastrophe était imprévisible, pour d’autres ça aurait pu être bien pire.
Nous nous sommes d’abord adressés au T.O. (Territoire de l’Ouest, ex-TCO) parce que « la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) est une compétence confiée aux intercommunalités (métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération, communautés de communes) par les lois de décentralisation n° 2014-58 du 27 janvier 2014 et n° 2015-991 du 7 août 2015, depuis le 1er janvier 2018 » comme l’indique le site gouvernemental ecologie.gouv.fr. Et aussi parce que un Papi (Programme d’actions de prévention des inondations) est en cours d’aménagement entre la Saline-les-Bains et Saint-Gilles-les-Bains. On nous a gentiment envoyé promener, pour cause de « gestion d’après cyclone ». « Un point peut être fait d’ici une dizaine de jours », a envisagé le service communication du T.O.
Une pluie cinquantenale
Il nous restait à nous tourner vers les spécialistes de nos connaissances. A commencer par François Bocquée, ex-directeur de l’office de l’eau, ingénieur et spécialiste de l’hydrologie à La Réunion et dirigeant de l’entreprise Hydroreex. « Il s’agit d’un événement exceptionnel », souligne-t-il. « Un mètre rue de la Poste, c’est du jamais vu ». Et d’expliquer que l’eau a trouvé un point bas, dans le milieu de la rue du Général-De-Gaulle à hauteur de la boutique Chez Loulou, puis a remonté la rue de la Poste. Et d’indiquer « un phénomène extrême, des intensités pluvieuses hors normes qui n’avaient pas été atteintes ni par Clotilda ni par Dina, une pluie cinquantenale ». Cent millimètres de pluie en une heure, deux cent cinquante en trois heures, « ça a provoqué un effet chasse-d’eau », poursuit François Bocquée. La ravine Saint-Gilles saturée, un embâcle (bouchon) sous le pont qui mène à Carosse, c’est l’inondation. Et quand le bouchon saute avec la rupture du pont, la ravine déborde sur sa rive droite.
Y a-t-il eu des phénomènes, des aménagements qui ont amplifié la crue ? Les andins prélevés sur l’Antenne IV ? « Probablement, mais je ne saurais dire dans quelle proportion », avoue l’ingénieur en hydrologie. Pour l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols du Mont-Roquefeuil, « pareil ; il est évident que chaque permis de construire aggrave le risque ». En soulignant par ailleurs que les berges des ravines n’ont pas été entretenues depuis cinquante ans.
C’est également ce que le directeur général des services saint-paulois pointe quand il rencontre Manuel Vals, ministre des Outre-mer, vendredi 7 mars. « Soixante millions de tonnes d’eau sont tombées en trois heures, tous les records cycloniques ont été battus, on s’interroge sur l’entretien des ravines », glisse Jean-François Apaya, sous-entendant que cet entretien est du ressort de l’Etat.
« Toute l’eau a été déviée vers la ravine Saint-Gilles »
Et puis nous avons contacté un scientifique, proche du dossier, mais qui demande que son anonymat soit respecté. De record de pluviométrie, lui n’en voit pas. Tout juste « une grosse pluie sur un faible temps, les digues du Papi ont débordé, on a retrouvé de l’eau derrière le Leader Price », souligne-t-il. Mais il remarque surtout que, si la Saline n’a pas été inondée plus que ça, « toute l’eau a été déviée vers la ravine Saint-Gilles ». Tout comme les eaux pluviales du Mont-Roquefeuil.
Le scientifique fustige le Papi qu’il juge en contradiction avec les « dossiers chapeaux ». « Le Sdage (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux), le PGRI (Plan de Gestion des Risques d’Inondation) ont été détournés », assure-t-il. Et, pour preuve, de pointer le chantier en cours au Cap d’Anjou, sous le chemin Summer, qui bénéficie d’un permis de construire : « On construit sur du remblai, dans une pente qui avoisine les 30%. S’il avait plu toute la nuit, c’est sûr qu’on aurait retrouvé la grue par terre ».
Philippe Nanpon
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