Grand-Anse Petite-Ile vue aérienne bassin de baignade

Grand-Anse : les travaux ne se feront pas

Si les associations de défense de l’environnement crient victoire devant la décision du tribunal administratif de suspendre les travaux du bassin de baignade de Grand-Anse pour atteinte à la biodiversité, elles n’en restent pas là et contestent aussi la Déclaration d’utilité publique. 

Le 22 mars, le tribunal administratif a rendu son délibéré : l’agrandissement du bassin de baignade à Grande-Anse ne se fera pas. « Le juge des référés, a constaté que le projet d’aménagement en cause consiste principalement à réaliser un important bassin de baignade de 6 400 m² créé par extension du bassin d’origine de 3 500 m² au moyen d’enrochements réalisés en mer. Il a également relevé que lesdits enrochements impliqueront la destruction directe de 114 m² de coraux parmi les 451 m² de coraux existants dans l’emprise du projet de bassin, lesquels représentent 47 espèces différentes et se caractérisent par un intérêt considérable au niveau de la biodiversité.

« Le juge des référés a donc conclu que l’atteinte à la biodiversité subie par le site du fait de cette réduction du récif corallien était constitutive d’une perte nette de biodiversité et devait faire l’objet de mesures de compensation. Or, à cet égard, le juge a estimé, qu’en l’état du projet, les mesures de compensations envisagées étaient insuffisantes dès lors qu’elles ne permettaient pas d’assurer la régénération du corail », indique le tribunal dans un communiqué.

Nouveau recours

Les défenseurs de l’environnement1 sont, pour une fois, totalement satisfaits de la décision. Mais ne comptent pas s’arrêter là. Et ont déposé, le jeudi 3 avril, un nouveau recours cette fois sur la légalité de la DUP (déclaration d’utilité publique) accordée par le préfet. On se souvient que dix-huit scientifiques s’étaient élevés contre la décision préfectorale en octobre 2024. « Le site étant protégé de tout aménagement par le Code de l’Urbanisme, les dérogations à ce code imposent, entre autre, de prouver que l’aménagement ne porte pas atteinte à la préservation des milieux », avaient-ils écrit au préfet. Ce que le TA a reconnu. 

« Pour qu’une déclaration d’utilité publique (DUP) soit conforme à la règlementation en vigueur, il est impératif que le projet d’aménagement et le dossier d’enquête démontrent clairement qu’aucun préjudice ne sera causé à la préservation des milieux naturels », soulignent les dix-huit scientifiques dans leur courrier. Manifestement, pour les dix-huit signataires, ce n’est pas le cas.  Nous saurons bientôt, le temps de la justice, si les juges sont de leur avis. Car il importe que soit reconnu que l’intérêt général ne se limite pas à la préservation de quelques mètres carrés de récif corallien. 

corail Grand-Anse (Greenpeace)
Corail Grand-Anse (@ Greenpeace)

La réaction à la première décision du TA ne s’est pas fait attendre du côté de la mairie de La Petite-Île.  Epaulée par une entreprise de communication, elle a fait savoir ce que pense le maire de Petite-Île, Serge Hoareau, de la décision de justice et de la suspension de l’arrêté préfectoral du 9 décembre 2024: « Il est triste de constater que la voix d’un groupuscule prime sur l’intérêt de la population générale ». 

« Cette initiative, menée par quelques individus, prive ainsi nos concitoyens d’un aménagement pensé pour leur bien-être et leur sécurité », ajoute le communiqué de presse après avoir expliqué l’aspect économique du chantier. Cette décision «  a également des répercussions économiques importantes, en privant de nombreuses entreprises du BTP d’un chantier structurant à un moment où le secteur traverse une période particulièrement difficile ». L’intérêt des acteurs du BTP n’est pas l’intérêt général. On peut également rappeler au maire de Petite-Île que le juge dit le droit, la loi, pas « quelques individus » ou « un groupuscule », c’est la définition de l’Etat de droit. 

L’argument du bassin de baignade pour l’apprentissage de la natation aux enfants des écoles tient lui aussi difficilement la route. Les enseignants remarquent que les conditions météos, la houle, le froid, le vent, ainsi que les risques comme les poissons-pierres feront que le bassin agrandi ne sera jamais utilisé pour apprendre à nager. En tout cas pas dans le cadre scolaire pour lequel une piscine serait beaucoup mieux adaptée. Et sa construction permettrait de faire travailler le secteur du BTP  sans atteinte grave à l’environnement.  

Philippe Nanpon

  1. Sept associations s’étaient unies pour contrer juridiquement l’autorisation préfectorale : « Agence de recherche pour la biodiversité de la Réunion » (ARBRE), « Vivre activement pour garder un environnement sain» (VAGUES), « Le Taille-Vent », « Do Moun La Plaine », « Tran’Sphère Environnement », « Attac Réunion » et « Vie Océane » – et un particulier, Christophe Barbarini.  ↩︎

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

Ajouter un commentaire

⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation. Vous souhaitez signaler un commentaire abusif, cliquez ici.

Articles suggérés