Paul Vergès président de la Région de 1998 à 2010. (Photo : collection privée)

Paul Vergès, devenu président, est confronté aux maux de la fin

SIXIÈME ÉPISODE / DE 1996 À 2016 : VERGÈS PRÉSIDENT PUIS PERSONNAGE HISTORIQUE

Paul Vergès est enfin devenu président, « président à vie » dira-t-on. Pour cela, il a renoncé à l’autonomie, il a renoncé au communisme pour adopter un discours de visionnaire aussi éclairé que consensuel.

Les années 1990 avaient confirmé la fin du manichéisme politique. Dans un contexte rendu plus complexe, les surprises politiques ne manquaient pas comme en témoignait l’élection de Paul Vergès au sénat en avril 1996 malgré un corps des grands électeurs majoritairement à droite. Difficile pour l’électeur d’y retrouver ses repères.

Plus que jamais le consensus est à la mode. En 1997, l’ensemble de la classe politique réunionnaise s’accorde autour d’un plan de développement largement inspiré par le PCR. Mais après l’échec de la réforme sur la suppression progressive de la surrémunération des fonctionnaires, Paul Vergès se concentre sur un autre combat.

Il devient un apôtre du développement durable. Ses premières alertes sur le réchauffement climatique sont d’abord moquées. Il s’agit cependant d’une tendance lourde de son discours désormais axé sur l’avenir de la planète, la poussée démographique et leurs conséquences économiques.

En 3013, en tant que président de l'ONERC Paul Vergès remettait à Pascal Canfin, Ministre de la Coopération, Le dernier rapport sur les impacts du changement climatique dans les Outre-mer. (Photo : collection privée)
En 2013, en tant que président de l’ONERC Paul Vergès remettait à Pascal Canfin, Ministre de la Coopération, Le dernier rapport sur les impacts du changement climatique dans les Outre-mer. (Photo : collection privée)

Le propos se veut suffisamment réaliste et visionnaire pour servir de bases au Rassemblement qu’il est en train de créer. En 1997, alors que le gouvernement Juppé est en mal de popularité suite à la réforme des retraites, l’accord entre le PCR et le PS se révèle solide à l’occasion des législatives qui donne 3 députés au PCR et 1 au PS.

La gauche compte alors 4 députés sur 5,16 maires sur 24 et deux tiers des conseillers généraux.

Les régionales de 1998 illustrent cependant le décalage entre les promesses de rassemblement et ce qu’entendent les électeurs. En présentant sur sa liste, outre les ténors du PCR et du PS, quelques personnalités de droite, Paul Vergès peut espérer, pour la première fois depuis le fameux 2 janvier 1956, obtenir une majorité à La Réunion. Sinon au suffrage universel, au moins en nombre de sièges obtenus. Mais les Réunionnais la lui refusent en ne lui accordant que 31,94% des voix et 21 élus sur 45 ! Ce qui oblige Paul Vergès à faire à nouveau alliance avec les 5 élus de Freedom.

Après huit jours d’intenses tractations, Camille Sudre devient le 1er vice-président et Paul Vergès accède enfin à la présidence de la Région Réunion. Il a confirmé, à ceux qui en doutaient encore ses qualités de stratège, de bluffeur et de fermeté. En effet, jusqu’au dernier moment, « l’homme en blanc» menaçait d’offrir, par sa neutralité, la majorité relative à l’ennemi Virapoullé s’il n’obtenait pas la présidence.

Loi Vergès sur le réchauffement climatique

Dans le même temps, le PS et le PCR perdent leur majorité au conseil général. S’il avait été aux commandes des deux exécutifs locaux, avec un gouvernement «ami» à Paris, le camp de Paul Vergès aurait-il pu imposer sa solution politique aux problèmes économiques et sociaux de La Réunion? Nul ne le sait.

Les adversaires de Paul Vergès ne se sont jamais privés d’affirmer qu’il représentait une menace pour le statut de l’île et, à l’orée du XXIe siècle, la « peur du largage » constitue toujours un fort argument de campagne. Cette peur, ajoutée à la crainte de surcoûts de fonctionnement inutiles, fait capoter le projet de loi du PCR de bidépartementalisation déposé en 1998.

Dans les rues de Saint-Denis et de Saint Pierre, 25 000 personnes se mobilisent contre un deuxième département. Malgré l’engagement du gouvernement Jospin, le PS local se divise en deux factions provoquant le rejet du projet dans les deux assemblées. Le slogan du « Koup pa nou » lamine la gauche aux municipales et cantonales de 2001. Modeste consolation, cette même année, Paul Vergès est réélu sénateur à la proportionnelle.

Paul Vergès préside la séance d'installation du sénat en tant que doyen de l'assemblée.
Paul Vergès préside la séance d’installation du sénat en tant que doyen de l’assemblée.

Entre-temps, en 2000, Paul Vergès, fidèle à ses préoccupations sur le réchauffement climatique, fonde l’Agence régionale de l’énergie de La Réunion (Arer). Il apparaît comme un président bâtisseur et visionnaire. La route des Tamarins, qui sera ouverte en 2009, doit désenclaver le Sud. Mais il s’agit aussi de réfléchir à la sortie du tout automobile et de la dépendance des produits pétroliers avec le développement des énergies renouvelables.

Tout nouvel aménagement doit également prévoir les conséquences de la montée des océans. Le chantier d’une nouvelle route du Littoral, pourtant inscrit dans le programme de la majorité régionale perd son caractère d’urgence et est remis à plus tard.

Au Sénat, sage parmi les sages, il dépose une proposition de loi faisant du réchauffement climatique une priorité. La loi Vergès est adoptée à l’unanimité par les deux assemblées. En 2002, il est tout naturellement nommé président de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) créé par « sa » loi. Grâce à l’aide budgétaire de la métropole, il entend faire de La Réunion un exemple mondial pour les autres îles.

2004, les germes de la défaite

Ces préoccupations qui seront plus tard au centre du Grenelle de l’environnement sont censées élever Paul Vergès au-dessus des partis pour conclure sa carrière en beauté. Depuis quelques scrutins, à chaque fois qu’il y participe, les commentateurs de la vie politique parlent de son « ultime » combat.

C’est mal connaître le personnage qui confie qu’il ne connaît pas meilleur définition de son devoir de responsabilité que l’oraison funèbre prononcée par Henri Lapierre en hommage à Raymond Vergès: « Jusqu’au dernier jour, il s’est battu et seule la mort l’a arraché de l’arène ».

Le président de Région, Paul Vergès accueillait une université marine de l'océan Indien. (Photo : collection privée)
Le président de Région, Paul Vergès accueillait une université scientifique marine de l’océan Indien. (Photo : collection privée)

Le centre de gravité de La Réunion se déplaçant à nouveau vers la gauche après l’élection presidentielle de 2002, Paul Verges ne rate pas une occasion de critiquer la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Le Monde fait même état d’un incident l’opposant au ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy lors d’une réunion à Matignon des présidents de Région. Furieux de s’être fait couper la parole par le futur président, Paul Verges claque la porte.

Les élections régionales de 2004 tournent au plébiscite. Tout en poursuivant sa stratégie d’Alliance avec Freedom et quelques personnalités de la société civile, Paul Verges mène campagne contre la politique « antisociale» du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. Avec 32,82% des voix, la droite locale et unifiée, paie cash l’impopularité gouvernementale.

La gauche profite quant à elle de sa division. La liste de Paul Verges frôle les 45% et celle du PS dépasse les 22%. Cette large victoire porte pourtant en elle les germes de futures défaites car PCR et PS sortent fâchés de l’aventure.

Un premier accident vasculaire cérébral

Entre les deux tours, les formations de gauche ont été incapables de s’entendre pour bâtir une liste commune. Lors d’une rencontre restée fameuse à Boeuf Mort, dans les hauts de La Possession, Paul Vergès, sûr de sa victoire, refuse la fusion. Les socialistes se sentent humiliés, ils ne participeront pas à l’exécutif de la seconde mandature de Paul Vergès à la Région. Le président réélu explique son attitude par des différences d’analyse sur le développement de La Réunion mais il est déjà clair qu’il pense à sa succession et à la place qui reviendra à ses proches, c’est-à-dire au noyau dur des dirigeants de l’Alliance et à sa famille.

Son fils Pierre retrouve un mandat de troisième vice-président de Région après une parenthèse de deux décennies, il devient président de la SR21, Sem régionale chargée du développement durable et solidaire, puis président de l’Ile de La Réunion Tourisme (IRT).

Sa fille Françoise, dont les compétences d’historienne sont internationalement reconnues, devient directrice du projet de Maison des civilisations. Et la conseillère Maya Césari, chargée de l’innovation, présente la particularité d’avoir été la fille adoptive de Laurent Vergès.

Sans parler d’une mission confiée au fils de Pierre. Bref, Paul Vergès réunit tous les ingrédients susceptibles de déclencher une offensive contre la « dynastie Vergès». A droite bien sûr mais également dans son propre camp.

Hermétique à la critique, son plaisir à prendre part à toutes les joutes politiques se décuple. En juin 2004, « parce que le PS n’avait pas respecté sa parole» il mène une liste d’Alliance pour l’outremer aux élections européennes et retrouve son mandat de député européen. Un mandat dont il démissionne trois ans plus tard.

Après avoir œuvré de 1979 à 1984 pour faire reconnaître les spécificités des îles lointaines au sein de l’Europe, Paul Vergès s’emploie à impliquer l’Union européenne dans le co-développement avec les autres pays de la Commission de l’océan Indien. Un travail diplomatique qui lui tient à cœur tant il estime que La Réunion ne peut se développer dans l’ignorance de ses voisins.

Le parti se divise

En février 2005, il laisse son fauteuil de sénateur à sa suppléante Gélita Hoarau. Mais en juillet 2006, les lois de la médecine viennent lui rappeler qu’à plus de 80 ans, il lui faut changer de rythme. Il est victime d’un accident vasculaire cérébral dont il se relève rapidement après deux jours d’hospitalisation et deux mois de convalescence. Mais il reconnaît « revenir de loin». « Ce qui m’est arrivé, c’était de ma faute. J’ai abuse de mon rythme de travail», dit-il. Il pense alors à déléguer davantage.

Pourtant l’année suivante, le voilà reparti au combat. Il signe en janvier 2007 les accords de Matignon dans lesquels l’État s’engage à financer les futurs grands chantiers du tram-train et de la nouvelle route du littoral à hauteur de 2,2 milliards d’euros. Lors de la campagne présidentielle, le réchauffement de ses relations avec Nicolas Sarkozy le conduira a ne pas soutenir Ségolene Royal dès le 1er tour en lui préférant Marie-George Buffet. C’est la première fois depuis 1981 que PCR et PCF se retrouvent dès le premier tour pour des raisons plus circonstancielles qu’idéologiques.

Sa consigne de vote aboutit à un flop puisque la candidate communiste recueille dans notre île moins de 3% des suffrages au premier tour contre 46% à Ségolène Royal. Preuve que plusieurs élus communistes, emmenés par Huguette Bello ou Éric Fruteau, préferent « faire » Ségolène Royal dès le premier tour et ne suivent plus les ordres et la stratégie du chef.

Nouvelle surprise en juin, Paul Vergès se porte candidat dans une circonscription imprenable, celle du Tampon, face au jeune loup de l’UMP, Didier Robert, Il est sévèrement battu avec seulement 37,58% au second tour. Son fils Pierre est quant à lui tout aussi sévèrement éliminé dans la circonscription de l’Est face à Jean-Claude Fruteau.

« Ce n’était pas un suicide, ça a, au contraire, permis de créer une division à droite et de jeter les bases d’une nouvelle majorité au conseil général», justifie-t-il. Mais les majorités hétéroclites auxquelles se rattache Paul Vergès sèment de plus en plus le trouble. On y trouve des adversaires d’hier comme le couple Dindar et André Thien Ah Koon. L’incompréhension monte. Les discours de Paul Vergès pour un développement durable et solidaire finissent par agacer.

La spirale des défaites

En 2010, alors que le climat politique marqué par l’impopularité du gouvernement UMP est fort comparable à celui de 2004, Paul Vergès croit pouvoir réitérer l’élection régionale victorieuse de 2004.

On attribue à Paul Vergès la réalisation de la route des Tamarins. (Photo : collection privée)
On attribue à Paul Vergès la réalisation de la route des Tamarins. (Photo : collection privée)

Il fait fi des critiques sur son âge (85 ans) et sur sa famille. Même s’il vire en tête au premier tour avec 30,23% des voix, il est cette fois-ci contraint à faire alliance avec les socialistes (13%) pour espérer battre son bourreau du Tampon, Didier Robert qui dispose d’un réservoir de voix supérieur au sien.

Hélas, le PS n’a pas oublié l’humiliation de Boeuf Mort de 2004 et lui rappelle cruellement le proverbe créole « Na un jour i appelle demain». Il maintient sa liste au deuxième tour. En toute logique Didier Robert arrive en tête avec 45% des voix qui lui permettent d’obtenir une majorité absolue de sièges. Pour la première fois depuis 1983, Paul Vergès est renvoyé dans l’opposition régionale aux côtés des socialistes.

Les pensées solitaires

Il ne décolère pas contre le PS accusé « d’avoir contesté les objectifs stratégiques de la Région (tram-train, route des Tamarins et Maison des civilisations) et d’avoir porté atteinte à l’avenir en organisant la division et en donnant le pouvoir aux adversaires ». Son élection au Sénat en septembre 2011 lui offre certes l’honneur de présider la cérémonie d’investiture et de prononcer un discours humaniste salué par l’ensemble de la classe politique, mais elle ne le console nullement.

Paul Vergès au meeting de Jean-Luc Mélenchon au Port en avril 2011. (Collection privée)
Paul Vergès au meeting de Jean-Luc Mélenchon au Port en avril 2011. (Collection privée)

Au contraire. L’effectif des grands électeurs du PCR aurait dû permettre à sa liste d’obtenir deux sièges mais il a manqué près d’une centaine de voix, soit une hémorragie sans précédent dans un parti réputé pour sa discipline.

Le soir de l’élection, s’estimant désavoué sans toutefois le formuler de la sorte, Paul Verges annonce qu’il va démissionner. Ce qu’il ne fera jamais, donnant ainsi un signe supplémentaire d’une fin de carrière nébuleuse.

Voire stratosphérique… En conservant sa tribune de parlementaire, il multiplie les interventions et conférences de presse au cours desquelles il reproche sans relâche à la classe politique réunionnaise son aveuglement face aux grands enjeux sociaux, environnementaux, démographique et géopolitique des décennies à venir.

Le vide se fait peu à peu autour de lui. Il perd en un an, son épouse Laurence le 3 novembre 2012 et son frère Jacques le 16 août 2013. Elle était son indéfectible soutien, le pilier de la famille. Il était, malgré leurs destins séparés, son complice de toujours, son partenaire de l’échiquier, son vrai-faux jumeaux.

Jacques et Paul Vergès réuni lors des obsèque de Laurence Vergès. (Photo : collection privée)
Jacques et Paul Vergès réunis lors des obsèques de Laurence Vergès. (Photo : collection privée)

Paul Vergès déplorait le caractère solitaire de ses pensées, ayant perdu ceux avec lesquels il avait l’habitude de confronter ses analyses.

Les élections municipales puis départementales et régionales de 2014 et 2015 confirment l’effondrement du parti auquel il ne reste plus qu’un maire, à Sainte-Suzanne, zéro député, zéro conseiller régional. L’ex-Alliance s’est dissoute dans une dernière union avec le Progrès de Patrick Lebreton qui a pu nourrir le sentiment d’avoir été trompé tant le PCR ne lui a apporté aucun bonus électoral aux régionales.

À cette occasion, Paul Vergès avait coprésidé avec Jean-Claude Fruteau, un « comité de parrainage » censée « durer pour vingt ans » et qui a disparu sans que personne ne s’en inquiète. Même «le bon soldat» Claude Hoarau et son fils Fabrice, qui était pourtant l’un des quatre derniers co-secrétaires généraux, finissent par quitter le PCR.

Paul Verges, quant à lui, consacre une partie de son énergie de nonagénaire à l’écriture d’un livre testament que lui consacre Gilles Bojan, «L’Immortel». Il fait la tournée des librairies pour le dédicacer. Comme si le lecteur l’intéressait désormais davantage que l’électeur.

Le personnage historique qu’il est devenu, le visionnaire du futur que chacun reconnaît en lui, avait fini par se brouiller avec le présent.

Franck Cellier

Grandeur et décadence d’un parti atypique

Plus qu’un parti communiste, le PCR a surtout été le parti de Paul Vergès. Il a le plus grand mal à s’imaginer un avenir sans son fondateur.

En novembre 1956, lorsque les chars russes pénètrent dans la capitale de Hongrie, Témoignages clame son soutien à l’Union soviétique alors que le Martiniquais Aimé Césaire claque la porte du PCF. Cela suffit-il à ranger Paul Vergès parmi les apparatchiks inconditionnels de l’internationale communiste, comme le fait à l’époque le préfet Perreau-Pradier ?

Évidemment non. Le cadre du PCF devenu secrétaire général fondateur du PCR a de tout temps prôné l’ouverture vers les non-communistes. Avec René Payet en 1955, Eric Boyer en 1988, Pierre Lagourgue dès 1983, Nassimah Dindar en 2008, André Thien Ah Koon en 2010…

Nul doute cependant qu’il a adhéré à la méthode organisationnelle des partis communistes autour de son comité central, de ses cellules et organisations satellites (Union des femmes de La Réunion dès 1958, l’Organisation démocratique de la jeunesse réunionnaise en 1960, l’Union générale des travailleurs réunionnais de France en 1963, etc.).

Perversion du communisme

Même s’il vante en 1968 la réussite des kolkhozes soviétique et s’il adopte l’année suivant un discours révolutionnaire lors d’un voyage à Cuba, Il marque clairement sa différence lors du Congrès communiste mondial à Moscou en 1969. Dans le seul livre bilan de son action politique qu’il ait publié, D’une ile au monde, il insiste longuement et dans plusieurs chapitres sur la perversion du communisme.

Nous étions alors en 1993 et il fallait assumer à la fois la fin du bloc soviétique et l’héritage de l’idéal communiste. Presque simultanément, il annonçait sa démission du secrétariat général du parti pour, écrit-il, « se consacrer à des mouvements plus rassembleurs». La faucille et le marteau disparaissent de la manchette de Témoignages pour être remplacées par ces mots: «journal fondé en 1944 par le Dr Raymond Vergès».

Paul Vergès finit par faire sienne la formule de l’historien Yvan Combeau: « Le PCR est le parti central de La Réunion autour duquel s’organisent le pour et le contre, l’avenir et le passé».

Dans les faits, bien qu’il ait confié la direction du PCR à Élie Hoarau et à Pierre Vergès, il n’a jamais cessé d’agir et d’être respecté comme le seul et unique leader d’un parti qui cultive le culte de la personnalité. Le centralisme démocratique s’est toujours organisé autour de lui et de ses analyses.

Huguette Bello, forte d’une popularité grandissante, s’est opposée publiquement et à plusieurs reprises aux décisions du comité central.

Le système a immanquablement fini par se lézarder. Il y eut d’abord les départs dans les années 1970 de personnalités fortes comme Georges Sinamalé puis

Jean-Baptiste Ponama. Mais le parti avait vite surmonté ce genre de désaccords inévitables dans l’histoire d’une organisation politique.

En revanche, la dissidence sourde qui a commencé à se manifester à la moitié des années 2000 a fini par mettre en danger le PCR. La députée-maire de Saint-Paul Huguette Bello, d’abord, forte d’une popularité grandissante, s’est opposée publiquement et à plusieurs reprises aux décisions du comité central. Elle a été rejointe dans la fronde par le maire de Saint-André, Éric Fruteau.

Les affres de la notabilité

Cette division s’est traduite dans les urnes lors des élections sénatoriales de 2011 lorsqu’une centaine de voix de grands électeurs communistes a manqué à la liste conduite par Paul Vergès.

Quelques mois après, lors des législatives de 2012, dans les sept circonscriptions, aucun candidat du PCR n’a réussi à se qualifier pour le second tour alors que la gauche captait les deux tiers des suffrages. Seule Huguette Bello s’en était sortie avec les honneurs, élue largement (dès le premier tour) mais elle avait alors clairement assumé la rupture et avait battu son ex-parti, alors représenté par Jean-Yves Langenier.

Depuis, le PCR s’est engagé, à marche forcée, vers sa reconstruction dans l’espoir de faire émerger de jeunes dirigeants. «Je souhaite être un simple militant et aider la nouvelle génération», leur disait Paul Vergès lors du 8e Congrès en juillet 2013. Huit congrès en 54 ans, c’est peu.

Mais la fréquence de ces grands raouts s’est accélérée depuis 2006 après 25 ans sans congrès. Il y en a eu quatre en huit ans (2006, 2009, 2010 et 2013). Hélas pour eux, le travail des militants communistes ne s’est soldé que par des reculs électoraux comme si la voix que Paul Vergès n’a jamais cessé de porter, ne trouvait plus d’écho.

Durant ses dernières années, le patriarche ne cessait de déplorer les dérives de « petits bourgeois» de certains responsables du parti. Il leur reprochait de s’accrocher à des fauteuils de notable quand il les exhortait a se sacrifier au nom de la lutte. Son discours avait du mal à passer d’une part parce qu’il prenait sa source dans les années héroïques et révolues de la répression. D’autre part parce que son image de « fugitif» s’était écornée au profit de celle de «président» ayant placé de nombreux membres de sa famille à des postes à responsabilité

Commémoration

Non à l’oubli ! Paul Vergès aurait eu cent ans le 5 mars dernier. Pour l’heure, seul le Parti communiste réunionnais, qu’il a fondé, appelle à commémorer ce centenaire en invitant à une réflexion approfondie sur la pensée de l’ancien président de Région. Conscient de l’oubli dans lequel sombre ce siècle écoulé, Parallèle Sud réédite en plusieurs épisodes le récit de la vie de Paul Vergès de 1925 à 2016. Ces textes de Franck Cellier sont aujourd’hui introuvables dans les archives du Quotidien qui les avait publiés le 13 novembre 2016. 

LES SOURCES

Ce récit de la vie de Paul Vergès a été écrit à partir des informations que Paul Vergès lui-même ainsi que d’autres ont pu délivrer ces vingt-huit dernières années au fil de l’actualité. Mais également grâce aux travaux de journalistes, écrivains et universitaires :

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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