Marie-Claude Derby autrice

Marie-Claude Derby présente son roman sur l’incarcération féminine

Marie-Claude Derby viendra présenter son nouveau roman Les jours égarés au Malakafé , dans les locaux d’Ecopratik à Cambaie demain jeudi. Elle nous raconte son parcours d’écrivaine, son processus de création et son nouveau roman qui traite de l’incarcération des femmes.

Votre nouveau roman, Les jours égarés, raconte l’histoire d’une femme incarcérée. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est l’histoire d’une jeune maman qui mène une vie tout à fait normale, jusqu’au jour où elle se retrouve incarcérée. Mais le basculement commence un peu avant, et on comprend que ce n’est pas forcément pour la raison à laquelle on s’attend. J’ai voulu maintenir un certain suspense, car on croit au départ que son emprisonnement est lié à un motif précis, mais finalement, il s’agit d’autre chose.

Le roman suit son parcours derrière les murs d’une prison, mais il ne se limite pas à cet univers. D’autres personnages entrent en jeu, d’autres histoires se croisent. On découvre aussi les raisons qui ont mené ces différentes femmes à l’incarcération. Le récit déborde sur plusieurs sujets, mais je préfère ne pas tout dévoiler.

Marie-Claude Derby sera présente au Malakafé à Cambaie jeudi

Votre roman, Des jours égarés, aborde l’univers carcéral féminin. Est-ce une fiction ou vous êtes-vous inspirée de faits réels ?

C’est un récit purement fictif. J’ai été invitée le 8 mars 2023 par l’association Lire pour en sortir à rencontrer un groupe de femmes détenues qui avaient lu mon précédent livre, M’a vi oute fiy. C’était la première fois que je rentrais dans un centre pénitentiaire, et cette expérience m’a profondément bouleversée. J’ai ressenti une forte émotion en voyant ces femmes, mères, jeunes filles ou grand-mères, perdre leur liberté. Cela m’a inspiré pour écrire ce roman, en me basant sur mes émotions et en imaginant une histoire cousue de toutes pièces.​

Comment avez-vous abordé l’écriture de ce roman ?

Je me base beaucoup sur mes émotions. Quand je rencontre des gens, peu importe le contexte, je ressens beaucoup leurs émotions. Dans le cas de ces femmes détenues, même si elles parlaient peu, j’ai ressenti quelque chose de lourd, de pesant. Avec mon imagination débordante, j’ai créé une histoire en utilisant ces émotions pour transmettre à mes personnages. Je me suis documentée sur Internet pour comprendre comment se passe la détention, mais j’ai inventé toute l’histoire.​

Pouvez-vous nous parler du personnage principal de votre roman ?

C’est une jeune maman qui a une vie tout à fait normale et qui va se retrouver incarcérée pour des raisons que le lecteur découvrira. Elle va vivre un séjour très compliqué en prison. Le roman explore son ressenti, son état d’esprit lorsque sa vie bascule, la culpabilité qu’elle ressent d’avoir fait quelque chose et de faire souffrir ceux qui sont à l’extérieur. La peine est double.​

Avez-vous mené une enquête sur le milieu carcéral féminin pour écrire ce roman ?

Non, je n’ai pas voulu faire une enquête. Je me base sur mes émotions. Quand j’ai rencontré ces femmes, même si elles ne parlaient pas beaucoup, j’ai ressenti quelque chose de lourd. Avec mon imagination, j’ai créé une histoire en utilisant ces émotions. Je me suis documentée sur Internet pour comprendre comment se passe la détention, mais j’ai inventé toute l’histoire.​

Pouvez-vous vous présenter en tant que personne et en tant que romancière ?

J’écris depuis que je suis petite. J’écrivais pour mes frères et sœurs quand on habitait dans les hauts de Saint-Paul. À 19 ans, j’ai quitté La Réunion pour la métropole et l’Angleterre, et j’ai arrêté d’écrire. En revenant ici, l’écriture est revenue par hasard. Un jour, au cirque avec mes filles, j’ai vu une petite fille avec un bâton de barbe à papa, et l’écriture est revenue. J’ai commencé à écrire dans les cahiers de mes filles. Mon premier livre, Orlane et les mots sacrés, est sorti en 2010. Ensuite, j’ai écrit d’autres romans, dont L’âme de l’océan 1 et 2. J’ai écrit énormément, mais je n’envoie pas tout. J’ai plein de livres dans mes tiroirs.​

Pouvez-vous nous parler de votre roman précédent, M’a vi oute fiy ?

Ce livre est né d’un souvenir d’enfance. Quand j’étais petite, on avait un chemin de terre dans les hauts de Saint-Paul, et on avait très peur. Je suis revenue vivre là, et un jour, en remontant ce chemin, j’ai eu l’idée de ce livre. Il parle de la réputation des filles à l’époque, de la peur des familles que leurs filles tombent enceintes sans être mariées. Ce n’est pas une biographie, j’ai inventé toute une famille avec plein d’aventures. Ce livre rappelle à beaucoup de monde leur enfance.​

Est-ce que votre écriture est ancrée à La Réunion ?

Oui, M’a vi oute fiy se passe vraiment dans une famille réunionnaise. Des jours égarés se passe aussi à La Réunion, dans une ville avec une prison fictive. Je ne décris pas autant la réalité, je décris plus l’univers de la prison. L’âme de l’océan se passe aussi à La Réunion, mais c’est une histoire fantastique. Quand j’écris, il y a toujours un thème : le cirque, l’océan, la famille, la prison.

Quel est votre métier en dehors de l’écriture ?

Je suis écrivaine publique. Je rencontre beaucoup de gens, des personnes qui ne savent pas lire ou écrire, ou qui ont des difficultés, mais aussi des personnes qui n’aiment pas faire de démarches administratives ou qui n’ont pas les moyens matériels, comme un ordinateur chez eux.

Je suis là pour les aider à rédiger leurs courriers, faire avancer leurs dossiers, les rassurer. Aujourd’hui, tout va tellement vite avec le numérique que beaucoup de gens se sentent perdus. Dans la collectivité où je travaille, ce dispositif existe depuis 2010, et il y a de plus en plus de monde qui en a besoin. C’est vraiment utile.

Vous voyez l’écriture de romans comme une passion parallèle ?

Oui, c’est une passion. C’est comme si je faisais un sport après mon travail : j’écris. Et j’écris beaucoup, je crie aussi avec mes mots, derrière mon écran.

Quelles actions de promotion accompagnez-vous autour de Des jours égarés ?

Le roman est sorti en métropole le 20 mars, mais il arrive petit à petit dans les librairies réunionnaises. Le lancement officiel à La Réunion aura lieu jeudi 24 avril au Malakafé, avec une première séance de dédicaces.

D’autres dédicaces sont prévues dans les librairies, à la Fnac, et lors de salons du livre. Ça s’organise progressivement, en fonction de l’arrivée des ouvrages.

Je suis aussi en contact avec Lire pour en sortir, l’association qui m’avait invitée en détention l’an dernier. J’aimerais retourner à la rencontre des détenus à Saint-Denis, Saint-Pierre, et peut-être Le Port. Je ne sais pas si je reverrai les mêmes femmes, mais ce serait important pour moi d’échanger avec ceux et celles qui liront ce roman, car il parle du ressenti de la privation de liberté, de cette perte qui bouleverse une vie.

Votre roman interroge finalement sur la condition humaine dans ce contexte.

Oui, ça touche à l’humain, à la condition de l’homme sur terre. Est-ce qu’on est fait pour vivre enfermé ? Bien sûr, il y a des règles dans la société, il faut les respecter, mais je m’interroge. En écrivant, je m’interroge sur ces choses-là, et je me dis que peut-être les lecteurs s’interrogeront aussi.

Quand on passe devant une prison, on ne s’arrête pas forcément pour penser à ceux qui sont à l’intérieur. Pourtant, dans notre quotidien, on croise sûrement des gens qui ont un proche incarcéré, mais on n’en parle jamais. Il y a de la honte, on cache.

Et pour les femmes, c’est encore plus tabou. Le milieu carcéral est souvent associé aux hommes, mais il y a aussi des femmes, peu nombreuses, mais bien présentes.

Ces personnes sont les oubliés de la société, les oubliés des familles parfois. Même les enfants, comment vivent-ils quand leur mère est en prison ? C’est une question que je me suis posée en écrivant, et que le roman explore aussi, à travers les deux jeunes enfants de mon personnage principal.

Votre personnage, finalement, traverse une situation dans laquelle tout le monde pourrait se reconnaître.

Oui, je pense que ça peut arriver à n’importe qui. Le roman montre comment une vie peut basculer, souvent pour des raisons qu’on n’imagine pas. Je joue un peu avec cette idée : le lecteur croit que c’est pour une raison précise, et finalement, c’est autre chose. Il y a une forme de surprise, mais surtout, le lecteur traverse avec ce personnage son parcours, ses espoirs, ses pertes, ses rencontres.

Parce que la prison, c’est aussi un lieu de sociabilisation, un espace de rencontres, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. J’ai imaginé ces interactions, sans savoir si elles sont exactement comme ça dans la réalité, car je n’ai pas mené d’enquête approfondie. Mais j’ai essayé de m’approcher au plus près d’une vérité émotionnelle.


Propos recueillis
par Léa Morineau

A propos de l'auteur

Léa Morineau | Etudiante en journalisme

Cocktail de douceur angevine et d'intensité réunionnaise, Léa Morineau a rejoint l'équipe de Parallèle Sud pour l'éducation aux médias et à l'information, elle s'est rapidement prise au jeu du journalisme. A travers ses articles, elle souhaite apporter le regard de sa génération et défendre un journalisme qui rayonne au-delà des apparences.

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