HUMEUR
On savait déjà depuis la dernière visite du président Macron en 2019, que l’Elysée tenait les journalistes locaux en piètre estime : fouillés, parqués et tenus à distance du président.
Six ans après, ça ne s’est pas arrangé. La tendance est lourde. Ce que nous montre le voyage 2025 d’Emmanuel Macron à La Réunion c’est le fossé qui s’élargit entre le pouvoir et la population.
On voudrait nous faire croire que le contexte, c’est-à-dire les gens, auraient changé. Ils seraient devenus méchants et dangereux ; les temps seraient à la radicalisation en attendant la guerre qui se prépare… Et il faudrait donc protéger le président. En vrai, les gens, ils continuent à vivre, à s’aimer (ou pas), à espérer du bonheur pour leurs enfants, à travailler, à faire face.
Agence de voyage de la « presse présidentielle »
La distance que leur impose le service d’ordre de l’Elysée est ressentie comme du mépris. Elle explique en partie l’impopularité de la majorité macronienne telle qu’elle se révèle à chaque scrutin. Etienne Satre l’a constaté pour Parallèle Sud. Le très indépendant Tangue l’a également vécu et analysé. Tout comme Imaz Press.
Le Tangue et Parallèle Sud n’ont pas eu accès aux tribunes officielles, et ça ne nous empêche pas de dormir. Il est tout de même intéressant, voire flippant, de savoir comment s’est préparé le voyage d’Emmanuel Macron. Il y a d’abord eu un dessaisissement quasi total du service communication de la préfecture de La Réunion qui a juste transmis aux rédactions une circulaire de l’Elysée, le 3 avril dernier.
En plus des documents demandés pour obtenir une accréditation, cette note annonçait les tarifs pour monter dans l’avion : 2 280 € pour participer à l’ensemble du voyage (Mayotte, La Réunion, Madagascar et Maurice), 1 643 € pour l’option « nationale » (Mayotte et La Réunion), et 1 500 € pour l’option « internationale » (Madagascar et Maurice). Il n’était pas précisé les modalités de remboursement en cas d’annulation.
L’Association de la Presse Présidentielle, en lien avec le service de presse de la Présidence de la République, proposait également des nuitées : de 170 € à 200 € la nuit. Ça s’adressait donc plutôt aux journalistes parisiens. En tout cas, le caractère « agence de voyage » et les centaines d’euros à débourser nous ont complètement dissuadés de répondre à ce genre d’offres.
Hologramme
Et puis, plus rien… Rien sur le programme de la visite. Lorsque des informations ont fini par sortir chez nos confrères, elles étaient laconiques et ne comportaient aucune indication sur les lieux de passage du président. Les rédactions ont-elles été tenues de respecter un « embargo », ou n’étaient-elles informées qu’au dernier moment pour se rendre sur place. Pas pratique en tout cas pour les citoyens qui auraient souhaité saluer le président ou manifester…
« Manifester », hum, hum… C’est paraît-il un droit constitutionnel. Mais, le 19 avril, la préfecture a émis un arrêté pour interdire la circulation et le stationnement sur le Barachois et du côté de la colonne de la Victoire. Surtout pour « interdire de manifester dans le secteur du centre-ville de Saint-Denis » et même d’y consommer des boissons alcooliques.
Touche pas à notre président. Koz pa li. Les gendarmes sont venus nombreux pour faire respecter les consignes et c’est hélas ce que les Réunionnais retiendront de ce passage express ainsi que quelques maigres annonces relayées — comme ils ont pu — par les médias locaux. Si tu veux savoir où est Emmanuel Macron, regarde sur l’application Waze, il suit la piste des képis. Et si tu veux entendre ce qu’il a à dire, tu peux consulter la page Facebook de l’Elysée qui diffuse ses interventions en direct.
Voilà comment l’Elysée a fini par réduire l’exercice présidentiel à une suite de « séquences hors-sol ». La prochaine fois, ça coûtera moins cher d’envoyer un hologramme.
Franck Cellier
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