Lâcher de pétrels au cap Lahoussaye

Une seconde chance pour six pétrels au cap Lahoussaye

Chaque jour, la Séor relâche plusieurs pétrels de Barau piégés par les lumières de la ville. Cinq cents de ces oiseaux rarissimes ont déjà été ramassés en un mois. 

Lâcher de pétrels au cap Lahoussaye Christian Léger président de la Séor
Lâcher de pétrels au cap Lahoussaye avec Christian Léger, président de la Séor.

« Les parents de ces jeunes pétrels sont déjà repartis il y a un mois », indique Christian Léger, président de la Séor (Société d’études ornithologiques de La Réunion). Dans sa main, un oiseau marin prêt à prendre la mer, récupéré quelque part dans l’île à la suite d’une chute, perturbé par les lumières de la ville. Un petit lancer du bord de la falaise, l’oiseau plonge vers la mer avant de se redresser et de filer vers le large. 

Du sol, handicapé par ses ailes comme l’albatros décris par Beaudelaire, l’oiseau de mer ne peut plus s’envoler. Après quelques explications données par Christian Léger au public présent ce mercredi 30 avril, le pétrel de Barau va prendre son envol depuis le cap Lahoussaye, il lui faut une falaise pour s’élancer. Il ne reviendra dans l’île, dans la colonie qui l’a vu naître au Grand Bénard ou au piton des Neiges, pour nicher, que dans quatre à cinq ans, une fois qu’il aura atteint sa maturité sexuelle. «Les adultes, on en retrouve quelque fois à terre, beaucoup plus rarement ; pour autant, ils sont expérimentés en vol, ont une meilleure vue, et surtout volent de jour», explique le président de la Séor.

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Pendant tout ce temps, l’oiseau reste en mer. Tout comme ses parents qui ne reviendront se retrouver dans leur terrier qu’en octobre prochain. « On en retrouve jusqu’en Australie ou en Inde », souligne Christian Léger. Car le pétrel de Barau, qui ne niche qu’à La Réunion, est un grand navigateur. Pour preuve, les parents qui quittent chacun à leur tour le nid pour aller pêcher de quoi nourrir leur unique petit de l’année vont jusqu’au sud de Madagascar récolter le précieux poisson. « Il leur faut une petite semaine pour faire l’aller, le retour et le temps de pêcher », indique le spécialiste. Et pour dormir, ces oiseaux sont équipés de deux demi-cerveaux qui leur permettent de se reposer en restant plusieurs jours sans dormir, tout comme les baleines.

Les pétrels ne pondent qu’un oeuf par an. Une faible fécondité compensée par une espérance de vie d’une trentaine d’années. C’est pourquoi, quand un adulte meure, a fortiori pendant l’élevage du jeune, « c’est une catastrophe » pour l’espèce estime le président de la Séor, car le seul parent restant ne pourra nourrir seul le poussin. Quelque six à huit mille couples nichent chaque année dans seulement trois colonies, alors qu’ils étaient un peu partout dans les Hauts quand l’homme est arrivé. Mais, entre les attaques des chats au nid, les noyades du terrier par la pluie d’un cyclone comme cette année avec Garance, ou les échouages des jeunes troublés par les lumières de la ville, ce n’est pas huit mille nouveaux pétrels qui prendront la mer d’ici le milieu du mois de mai. 

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  • Lâcher de pétrels au cap Lahoussaye Christian Léger président de la Séor

C’est pourquoi il est tellement important pour la survie de l’espèce, endémique de La Réunion, d’éteindre les lumières de la ville pendant quelques semaines par an. Les jeunes se repèrent à la lumière de la lune pour se diriger vers le large, et toute pollution lumineuse sur son parcours peut le leurrer et causer sa chute. Malgré les quelques efforts déployés par les communes, on en ramasse plusieurs chaque jour, preuve que ces efforts sont loin d’être suffisants. « Il faudrait tout éteindre pour que ça marche », estime Christian Léger. Quand les pétrels s’élancent autour de 19 heures, les communes comme Saint-Pierre se félicitent d’éteindre les boulodromes à 20 heures. La ville de Saint-Paul, pourtant parmi les bons élèves, a vu quand même soixante-dix oiseaux ramassés depuis fin mars et le début des envols. Cinq cents en tout pour l’ensemble de l’île, sans compter ceux qu’on ne retrouve jamais, enlevés par les chats ou les chiens. L’an dernier, huit cents avaient été ramassés rien qu’à Cilaos. 

Philippe Nanpon

Si vous avez trouvé l’un de ces oiseaux, placez le dans une boîte en carton, ne le nourrissez pas et appelez la Séor au 0262 20 46 65. 

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon

Journaliste. Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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