L’élevage bovin, à La Réunion, est gravement handicapé par la leucose bovine. Un plan d’éradication est mis en place, mais il tarde à donner les résultats escomptés.
« La leucose sera éradiquée en 2023 », avait promis Emmanuel Macron, président de la République, en 2019. Pour autant, on est loin du compte. Au mieux, « depuis le lancement du plan d’assainissement en 2020, la dynamique engagée a permis une réduction significative du nombre de bovins positifs : une baisse de plus de 60 % a été observée entre janvier 2022 et aujourd’hui, avec un passage de 3 844 à 1 428 animaux positifs » nous indique la préfecture.
« Parallèlement, le nombre de cheptels officiellement indemnes a doublé. On note également une progression constante du nombre de cheptels qui, bien que ne bénéficiant pas encore d’une qualification officielle, ne comptent plus aucun bovin positif : 841 cheptels étaient dans ce cas au 1er décembre 2024. Le taux de prévalence a ainsi considérablement diminué, passant de 23 % au 1er mars 2021 à 9,7 % au 14 avril 2025 », poursuivent les services de l’Etat par voie de communiqué. Devant le flou entretenu sur la répartition de ces résultats entre les productions laitière et viande, nous reposons la question. « Cette politique d’assainissement est menée au niveau de l’ensemble de la filière bovine », nous a-t-on répondu.
20 000 bovins
Du coup, nous avons contacté les responsables de chacune des productions bovines. Le directeur de la Sica Revia, Kent Técher, nous indique que, sur 14 000 têtes de bétail de races à viande, il ne reste que quelque 80 animaux leucosés. Les conditions d’élevages, plus extensives que celles de la production laitière, expliquent en partie ces bons résultats. Martha Mussard, présidente de la Sica Lait, est presque aussi optimiste : « Sur les 50 exploitations laitières de l’île, 35 seront indemnes en 2025, 45 en 2027 et toutes en 2028 ». Cinq ans après ce qu’avait promis le président de la République, et on n’y est pas encore.
La filière compte 6000 bovins, dont 3000 vaches en production. Pour assainir les troupeaux, il faut, soit renouveler tout le cheptel d’un coup, soit isoler les animaux positifs de ceux qui sont indemnes, pour petit à petit en ajoutant des génisses saines arriver à un troupeau sain. A condition qu’il n’y ait pas de recontamination.
«Pareil qu’avant»
Nous avons ensuite contacté des éleveurs. Et ce n’est plus la même chanson ; leurs avis sont très différents de ceux des autorités. « La Sica Lait en est toujours au même point, ils n’ont jamais rien fait », estime ainsi Christopher Bègue, qui a vendu son troupeau et s’est reconverti dans la production d’ananas. L’agriculteur dénonce un système productiviste intenable : « Ils veulent des vaches qui donnent 10 000 litres par an ; il vaut mieux faire moins mais que la vache soit à toi. Parce que le taux d’amortissement d’une vache, c’est sept ans, et elles sont abattues à quatre ans. Ce n’est pas tenable ». Nous avions rencontré il y a quelque temps un vétérinaire qui nous avait expliqué le problème de ces vaches épuisées trop vite. Quant à la filière viande, Christopher Bègues dénonce qu’on abatte les bovins à 17 mois, avant que la maladie ne soient détectable.
Un de ses collègues, éleveur à la Plaine-des-Caffres, tient le même discours. « C’est pareil qu’avant, rien n’a changé, estime celui qui demande à rester anonyme. Mon troupeau était indemne il y a cinq ans, il est contaminé aujourd’hui », affirme-t-il. Ne reste qu’à attendre 2028 pour savoir qui a raison.
Philippe Nanpon
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