Adriana Smith, jeune infirmière afro-américaine de 30 ans, a été déclarée en mort cérébrale en février dernier. Enceinte de neuf semaines au moment des faits, elle a été maintenue sous assistance respiratoire contre la volonté de sa famille, en vertu d’une loi anti-avortement en vigueur en Géorgie. Son corps a été utilisé pour mener la grossesse à terme. Une situation presque inconcevable quand on la regarde depuis La Réunion, où les femmes ont le droit de disposer de leur corps, un droit protégé par la loi Veil du 17 janvier 1975.
(Photo : Adriana Smith et son fils aîné de 7 ans. Source Image : GoFundMe, publiée sur le site 7 sur 7)
Originaire d’Atlanta, Adriana Smith se rend à l’hôpital début février 2025, victime de violents maux de tête. Elle est enceinte de neuf semaines. Les médecins la renvoient chez elle avec de simples médicaments, sans procéder à des examens approfondis.
Quelques jours plus tard, la jeune femme est victime d’un accident vasculaire cérébral massif dû à des caillots sanguins dans le cerveau. Le diagnostic tombe : mort cérébrale. Nous sommes le 19 février 2025.
Mais ce n’est pas la fin pour Adriana. Du moins, pas pour son corps. En vertu de la « Heartbeat Law », une loi en vigueur dans l’État de Géorgie interdisant l’avortement dès détection d’un rythme cardiaque fœtal (environ six semaines), les médecins sont contraints de maintenir la défunte sous assistance respiratoire afin de poursuivre la gestation. La famille n’a pas été consultée. Aucune volonté écrite d’Adriana n’a été prise en compte.
« La décision de maintenir ma fille en vie aurait dû revenir à la famille », déclare April Newkirk, sa mère, au Washington Post.
Des associations de défense des droits des femmes dénoncent une instrumentalisation du corps féminin et une atteinte grave à la dignité humaine. Pour elles, cette affaire illustre les dérives d’une législation qui réduit le corps des femmes enceintes à un simple vecteur de reproduction.
Un bébé prématuré et à haut risque
Le vendredi 13 juin 2025, un bébé de 822 grammes, prénommé Chance, est extrait par césarienne du corps d’Adriana. Il est aujourd’hui en soins intensifs néonataux. Selon les médecins, le nouveau-né risque de graves séquelles : cécité, handicap moteur, troubles neurologiques.
« Il pourrait être aveugle, incapable de marcher, et peut-être même ne pas survivre à sa naissance », témoigne April Newkirk.
Selon les experts médicaux, une grossesse menée dans un corps en mort cérébrale comporte de lourds risques pour le développement du fœtus : manque d’oxygénation, médicaments incompatibles, conditions métaboliques non optimales.
Et après ?
Une fois le bébé né, Adriana Smith a été débranchée le mardi 17 juin 2025. Son corps, vidé de son souffle depuis près de quatre mois, a enfin pu cesser d’être utilisé comme incubateur d’après les dernières infos de Ouest France, publiées le 18/06/2025.
Une situation difficile à imaginer en France et à la Réunion
En France, les femmes disposent du droit légal à l’avortement depuis la loi Veil de 1975, aujourd’hui comme le rappelle le Ministère de la Santé, l’ IVG est autorisé jusqu’à 14 semaines de grossesse. Selon les données publiées en septembre 2023 par la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) près de 244 000 IVG ont été pratiquées dans le pays, soit 16,8 pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans.
À La Réunion, ce taux monte à 25,5 ‰, révélant des disparités liées à l’accès à la contraception et aux inégalités sociales. Face au cas d’Adriana Smith, la comparaison est saisissante. Si la France a récemment inscrit le droit à l’IVG dans sa Constitution (mars 2024) et engagé une reconnaissance des femmes condamnées avant 1975, ces avancées rappellent que rien n’est jamais acquis. Le cas américain souligne combien les droits reproductifs peuvent reculer brutalement, et pourquoi une vigilance constante reste nécessaire, y compris sur notre propre territoire.
Une loi qui fait débat : la dignité des femmes remise en question
Ce cas soulève une question vertigineuse : que devient le corps des femmes après la mort ? A-t-il droit au repos ? À la dignité ? À la volonté de celles qui l’ont habité ? Ou peut-il être réquisitionné par une loi, au nom d’un fœtus ?
Dans un pays où les droits reproductifs sont remis en question, l’affaire Adriana Smith rappelle que le combat pour l’autonomie corporelle des femmes est loin d’être terminé.
Florian Mazona
Contribution bénévole
Depuis La Réunion, regarder l’Amérique faire reculer les femmes
Adriana Smith, jeune infirmière afro-américaine de 30 ans, a été déclarée en mort cérébrale en février dernier. Enceinte de neuf semaines au moment des faits, elle a été maintenue sous assistance respiratoire contre la volonté de sa famille, en vertu d’une loi anti-avortement en vigueur en Géorgie. Son corps a été utilisé pour mener la grossesse à terme. Une situation presque inconcevable quand on la regarde depuis La Réunion, où les femmes ont le droit de disposer de leur corps, un droit protégé par la loi Veil du 17 janvier 1975.
⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation. Vous souhaitez signaler un commentaire abusif, cliquez ici.