Ce lundi 23 juin, alors que le projet de loi de refondation de Mayotte était présenté à l’Assemblée Nationale, l’ONG Solidarités international tenait une conférence de presse dans un café parisien pour alerter sur l’urgence d’une refonte globale de l’accès à l’eau sur l’archipel.
C’est une date symbolique qu’a choisie l’ONG pour alerter une nouvelle fois sur la difficulté structurelle d’un accès à l’eau pour tous à Mayotte. Un an a passé depuis la fin de l’épidémie de choléra, les députés doivent se prononcer aujourd’hui sur l’avenir du projet de loi de refondation pour Mayotte et c’est aussi une date qui marque un demi anniversaire depuis le passage de Chido, cyclone dévastateur sur l’archipel.
L’urgence post Chido
Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido frappait l’archipel de plein fouet, causant d’importants dommages structurels. Plus de 60 % des routes secondaires ont été rendues impraticables, 45 établissements scolaires ont été endommagés, et près de 20 % des foyers ont connu des coupures prolongées d’électricité. Les infrastructures hydrauliques ont particulièrement souffert : plusieurs stations de pompage ont été mises hors service et les réseaux d’adduction d’eau potable ont subi des ruptures majeures, privant temporairement plus de 80 000 habitants d’accès à l’eau courante, aggravant la pression sur une ressource en eau déjà fragile.
Face à ce constat et à l’urgence, le premier ministre François Bayrou a lancé dès les jours suivants le plan Mayotte Debout, un plan en trois étapes censé régler les problèmes immédiats tout en proposant une approche plus globale et pérenne pour une refondation complète de Mayotte. Pourtant, à la lecture du texte du projet de loi pour la refondation de Mayotte présenté ce même jour devant les députés, on peine à trouver mention d’une véritable refonte du système d’accès à l’eau.
Des infrastructures en mauvais état
Solidarités International rappelle que l’archipel connaît depuis longtemps des difficultés structurelles d’envergure avec un accès à l’eau extrêmement dégradé ; sur l’ensemble du territoire mahorais, plus de 30% de la population est dépourvue d’un accès direct à l’eau potable et sur les 70% restants, l’accès à l’eau reste partiel avec des coupures d’eau fréquentes. Une situation compliquée qui s’est aggravée suite au passage de Chido.
Après le cyclone, l’ONG, déjà présente à Mayotte, a d’ailleurs intensifié son activité en apportant une réponse d’urgence en multipliant les distributions de kit hygiène, désinfection des captages d’eau et la mise en place d’une mission de production et de livraison d’eau potable appelée watertrucking. Des solutions prises dans l’urgence mais qui ne peuvent pas être considérées comme des solutions à long terme par Elise Duloutre, responsable juridique pour la Mission France. « Le Watertrucking est toujours d’actualité mais c’est une mission considérée comme d’urgence qui ne permet pas d’assurer une continuité du service public » explique-t-elle.
Le texte du projet de loi ainsi que celui de la loi d’urgence votée en février dernier, se focalisent sur les moyens de production de l’eau potable en proposant de nombreuses solutions telles qu’une nouvelle usine de dessalement censée voir le jour en 2027, la mise en service des deux forages existants et la création d’un troisième, la construction d’une troisième retenue colinéaire. Aucune mention des moyens déployés pour rendre l’accès à l’eau plus efficace n’est faites.
Migrantisation des problèmes publics
Au contraire, le texte se focalise sur des thèmes tels que la sécurité, la lutte contre l’habitat informel et l’immigration illégale qui seraient responsables de bien des maux sur l’archipel. Une lecture du texte qui est confirmée par le ministre des outre-mer lui-même lors de son audition par les sénateurs, le 13 mai 2025. Selon Manuel Valls, « le sous-développement des infrastructures économiques et des services publics (de Mayotte) est entretenu par les deux fléaux qui rongent l’île depuis des années : l’habitat illégal et l’immigration clandestine ». En luttant, contre les bidonvilles et les personnes exilées, qui sont la population la plus touchée par l’absence d’accès à l’eau, le ministre ainsi que le projet de loi désignent un bouc émissaire. On se retrouve face à une « migrantisation » des problèmes publics de l’archipel.
Pour aller vers un service public de l’eau
Pourtant, Solidarités International rappelle que même pour les personnes vivant hors des bidonvilles et raccordées au réseau urbain, l’accès à l’eau reste incertain avec de nombreuses coupures (actuellement, l’eau est coupée 1,5 jour sur 3) et une qualité de l’eau distribuée qui reste questionnable (l’ARS conseille, lors de la réouverture du réseau d’attendre quelques heures et de faire bouillir l’eau avant de la consommer). Pour Élise Duloutre, « la lutte contre la précarité en eau doit faire partie intégrante de la réponse pour lutter contre une précarité plus globale » sur l’archipel.
C’est dans cette optique que l’ONG avait proposé plusieurs amendements au projet de loi pour « assurer un accès aux services essentiels auquel serait inclus l’accès à l’eau » ou prévoir « un accompagnement des collectivités pour la réalisation d’un diagnostic global ». Des pistes qui ont toutes été rejetées et qui ne figurent pas dans le texte qui était présenté aux députés. L’ONG espère néanmoins que les questions d’accès à l’eau à Mayotte ainsi que sur l’ensemble du territoire entrent progressivement dans le débat public.
Olivier Ceccaldi
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