Des cirques aux lagons, La Réunion à l’épreuve du tourisme

En 2024 l’île a battu son record de fréquentation avec 556 534 visiteurs extérieurs. Une performance qui interroge car depuis vingt ans, la courbe stagne entre 400 000 et 550 000 touristes extérieurs par an. On est loin de l’objectif affiché dans les années 2010 d’atteindre le million de visiteurs extérieurs à l’horizon 2020.

En 2003, les dépenses touristiques globales atteignaient environ 365 millions d’euros. En 2019, elles s’élevaient à 1,8 milliard d’euros, dont 63 % provenaient du tourisme local selon une étude des Comptes économiques rapides de l’Outre-mer (CEROM), une collaboration entre l’IEDOM, l’Insee et l’AFD. En 2024, les recettes générées par les visiteurs extérieurs seuls atteignent près de 470 millions d’euros, malgré une stagnation du nombre d’arrivées. Une grande partie des dépenses touristiques provient des réunionnais eux-mêmes.

Faut-il encore chercher à attirer plus de monde ?

Depuis plusieurs années, le Comité Régional de Tourisme de la Réunion via l’IRT, mène des campagnes promotionnelles à l’extérieur du territoire pour le valoriser comme destination touristique. Pourtant, la clientèle reste majoritairement française (80 %), et très affinitaire avec 43 % des visiteurs en 2024 qui sont venus pour voir la famille ou des amis, tandis que 49 % ont voyagé pour découvrir l’île.

Données de l’Observatoire Régional du Tourise | IRT | Rapport complet accessible ici

Dans divers endroit de la planète, des citoyens se soulèvent contre le tourisme de masse. De nombreux exemples de villes ou territoires qui limitent les flux touristiques démontrent une évolution qui tend vers un tourisme plus qualitatif que quantitatif.

Le tourisme extérieur apporte sont lot de conséquences négatives. De nombreux logements sont mis en location touristique et ne sont donc pas disponibles pour les locaux. Cela participe à la hausse du coût de l’habitat et donc impacte le pouvoir d’achat et les capacités locatives. Les cirques, ti pa ti pa, deviennent des lieux attractifs pour des traileurs, randonneurs, curieux, qui sont de plus en nombreux dans les sentiers… au risque de les voir perdre leur charme, sans oublier les conséquences pour la faune et la flore. A La Nouvelle, c’est un premier Bureau d’Information Touristique qui s’est ouvert pour les touristes de passage dans le cirque de Mafate, signe de l’orientation que prend le cirque.

En mer, pendant la saison des baleines, il se trouve beaucoup de bateaux pour amener les touristes les voir. En ajouter encore pourrait accroître la pression, préjudiciable à ces animaux. Le lagon et ses coraux à l’agonie peuvent-ils supporter davantage de pression humaine ?

A La Réunion, il n’est pas évident d’imaginer qu’il soit possible d’accueillir davantage de touristes alors que les infrastructures ne sont pas extensibles à l’infini. De plus, le classement au patrimoine mondial, la fragilité des milieux naturels, la géographie escarpée, la pression sur l’eau, les déchets et l’habitat, tout pousse à limiter les flux et à les répartir dans l’espace et le temps.

Une tendance mondiale se dessine

En 2024, le tourisme international a atteint 1,4 milliard d’arrivées, presque autant qu’en 2019. Le secteur représente 10 % du PIB mondial et 357 millions d’emplois. Mais la croissance se transforme car le touriste d’aujourd’hui cherche du sens, de l’authenticité, du lien, pas seulement du soleil.

L”île intense peut répondre à cette attente. Non pas en imitant les grands resorts mauriciens, mais en affirmant ce qui fait sa singularité et sa force, une île vivante traversée par l’histoire, un lieu d’accueil et de complexité, pas une carte postale figée.

La Réunion a tout intérêt à miser sur un tourisme de qualité. D’une part, faire rester les touristes plus longtemps peut augmenter les retombées locales. D’autre part, la richesse et la diversité du patrimoine naturel, historique, culturel, peuvent être valorisés sans investissements majeurs tout en préservant l’existant.

Le tourisme n’est pas une fin en soi. C’est un outil. Il peut enrichir un territoire comme le vider de sa substance vive. La Réunion va devoir faire un choix.

Jean Fauconnet

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A propos de l'auteur

Jean Fauconnet

Journaliste. Engagé depuis de nombreuses années pour le respect des droits, Jean contribue au média Parallèle Sud de diverses façons.

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