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L’emploi et l’économie à la recherche d’un second souffle

Le 29 juillet dernier la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) a publié les chiffres du marché du travail du 2e trimestre 2025. En parallèle, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) a communiqué son rapport trimestriel des défaillances d’entreprises en Outre-mer. Ces documents donnent un aperçu concret de la situation actuelle de la dynamique économique du territoire et ses implications sur l’emploi.

Sur le papier, le 2ᵉ trimestre 2025 apporte une bonne nouvelle avec un nombre de chômeurs qui baisse légèrement à La Réunion. Dans la réalité, le chiffre reste massif et le tissu entrepreneurial de l’île montre des signes inquiétants de fragilité. En effet, selon la DEETS, un peu plus de 175 000 personnes sont aujourd’hui inscrites à France Travail, dont la majorité doit activement chercher un emploi. Les sans-emploi stricts reculent de 3 % sur le trimestre, mais sur un an, la tendance repart à la hausse. Autrement dit, ce regain n’absorbe pas les mois précédents.

Du côté des entreprises

Dans le même temps, les créations d’entreprises reprennent un peu de vigueur depuis le début de l’année. Bpifrance relève une hausse ces derniers mois, portée notamment par les micro-entrepreneurs. « En avril 2025, 1 150 entreprises ont vu le jour à La Réunion », souligne l’observatoire, un signe que l’initiative économique existe toujours. Cependant, dans le même temps, les défaillances d’entreprises atteignent un niveau record en Outre-mer. Pour la Réunion, l’IEDOM précise « 1 098 procédures de cessations ou liquidations judiciaires sont enregistrées sur les douze derniers mois, soit 15,5 % de plus qu’un an auparavant ».

Ce contraste entre la volonté d’entreprendre et la difficulté à durer illustre un lien direct avec l’emploi car sans entreprises solides, pas d’embauches durables. Un acteur local résume l’enjeu : « Pour l’instant, nous n’avons pas de solution pérenne… Il faut une mobilisation générale et une vraie feuille de route ».

Evolution des défaillances d’entreprises à La Réunion

Du côté de l’emploi

Malgré un nombre de formations important, une montée en compétences et en qualification des individus sur le territoire, la situation reste bloquée. D’un côté il y a les difficultés rencontrées par nombre d’entreprises, de l’autre des grands groupes qui ne jouent pas toujours le jeu de la montée en compétence, de la redistribution des bénéfices et tout cela participe à une politique salariale tournée, parfois, davantage vers l’extérieur du territoire.

De plus, il y a souvent une inadéquation entre les formations fournies et les besoins réels des entreprises. Ainsi les formations Conseiller de vente (vendeur en magasin), Manager d’univers commerciaux (MUC) ou autres sont souvent utilisées par les entreprises comme de la main d’œuvre pas cher qui remplacent des salariés titulaires et qui à la fin de la formation se retrouvent, pour beaucoup , au chômage. C’est loin de l’objectif affiché de former, diplômer, pour ensuite embaucher. Ainsi, les témoignages de chômeurs ne comptant plus les formations faites, les diplômes acquis et pourtant restant au chômage, sont légion. La majorité des formés n’a pas d’emploi dans les six mois suivant la formation (Source France Travail).

France Travail est donc en première ligne pour permettre la réintégration dans l’emploi des demandeuses et demandeurs. Comme le relève la FSU Emploi Réunion qui « dénonce l’inefficacité persistante des politiques de l’emploi depuis 2017 […] 156 190 personnes étaient inscrites à France Travail en catégories A, B ou C, dont 116 490 sans emploi, et que le chômage de longue durée progresse encore pour toucher 52,5 % des inscrits contre 43,7 % au niveau national ». De plus, le syndicat pointe un essoufflement des politiques d’insertion, marqué par l’explosion des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation (+50 %), la chute des reprises d’emploi (–28 %) et une digitalisation à marche forcée qui éloigne les usagers plutôt que de les rapprocher du marché du travail.

L’INSEE dans sa publication du 29 avril 2025 démontre aussi de fortes injustices. Il en ressort que les locaux n’ayant jamais quitté l’île sont 10% de moins à être salariés, et moins diplômés. De plus, le rapport révèle que le taux d’emploi est de 75% pour les hexagonaux, très au-dessus de la moyenne locale. Il en ressort également qu’à diplôme identique, les ressortissants de l’hexagone sont plus souvent cadres. La disparité de traitement entre les Réunionnais et les hexagonaux, moralement indéfendable, bloque la montée en compétence, l’évolution hiérarchique et plafonne les revenus.

Une vision à long terme

Dans ce contexte inquiétant, les mesures d’économies demandées par le premier ministre François Bayrou pour raboter les droits au chômage vont fortement peser. D’une part, s’il n’y a pas assez d’emplois proposés et si les salaires ne sont pas en cohérence avec le coût de la vie, quel emploi trouver ? Ce sera une simple diminution de droits strictement économiques ne pouvant avoir d’impact sur la reprise d’emploi. D’autre part, l’ouverture des droits au chômage permet aux inscrits de créer leur entreprise avec France Travail avec l’Arce qui s’élève à 60 % des droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), ce qui coûte moins à l’assurance chômage et dynamise le marché. Diminuer cet apport à la création revient à fragiliser les structures au démarrage, voire même dissuader ces créations.

C’est donc une contraction économique évidente, au détriment des plus fragiles, qui va s’exercer.

Avec un taux de chômage 10% plus élevé que dans l’hexagone, des groupes ultra dominateurs et une politique de mise — ou remise — à l’emploi défaillante, une inégalité de fait entre hexagonaux et Réunionnais, le territoire a un besoin urgent de politiques économiques adaptées au contexte insulaire. Le risque est grand de se retrouver dans quelques années avec un marché sclérosé totalement tourné vers des emplois de services tenus uniquement par des grands groupes où les Réunionnais seraient relégués à de la main d’œuvre pas chère et les richesses créées n’iraient que dans certaines poches. Cela ne vous rappelle rien ?

Jean Fauconnet

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A propos de l'auteur

Jean Fauconnet

Journaliste. Engagé depuis de nombreuses années pour le respect des droits, Jean contribue au média Parallèle Sud de diverses façons.

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