Mathieu Raffini représentait La Réunion au contre-sommet de la SADC (Communauté de développement des États d’Afrique australe) le week-end dernier à Madagascar. Il relaie le message des « peuples en lutte ».
C’est devenu une habitude, lorsque le mouvement des peuples de l’océan Indien, mené par le Centre de recherche et d’appui pour les alternatives de développement – océan Indien (CRAAD-OI), organise un contre-sommet, le QG des Zazalé envoie une délégation pour La Réunion. Après le contre-sommet de la COI en avril dernier, un contre-sommet de la SADC (South African Development community) s’est tenu du 15 au 17 août.
Mathieu Raffini, l’un des deux membres de la délégation réunionnaise, raconte.
Alors que le sommet officiel de la communauté regroupant 16 pays d’Afrique australe s’est tenu dans la capitale Antananarivo, le contre-sommet a dû se déplacer à Antsirabe. 12 heures de route pour une distance de seulement 166 km, signe du délabrement continu du réseau routier malgache.
Pourquoi cet éloignement ?
Mathieu Raffini évoque une capitale « surmilitarisée » tant à cause du sommet que de la tension sociale palpable. « Franchement, Tana était littéralement en état de siège, à chaque point de rue, il y avait les flics ou l’armée. Donc nous n’avions pas de possibilité de faire quoi que ce soit. Ça me donnait l’impression du village Potemkine (village en carton-pâte pour masquer la misère) Il y avait des drapeaux et des lampadaires pour accueillir le sommet, ils ont même fait tourner leur téléphérique qui était à nouveau à l’arrêt après le sommet. »
Pour l’anecdote, le contre-sommet s’est tenu dans le domaine où les autorités françaises de l’époque avait exilé le sultan marocain Mohamed V en 1954 et 1955. Tout un symbole…
Pourquoi autant de militaires à Tana ?
« Je ne pense pas que c’était à cause de nous… c’est juste que vraiment, la situation sociale est intenable. 80 % de la population est sous le seuil de pauvreté de 1€ par jour. » Il évoque l’empoisonnement récent d’une trentaine de personnes qui pourrait être lié aux fréquentes coupures d’électricité. « Des quartiers ont été démolis à Tamatave au profit de groupes impérialistes. A Tuléar, un projet d’extraction de terres rares va servir les intérêts américains… »
Le contre-sommet des peuples, qu’est-ce que c’est ?
Il y avait une vingtaine de délégations issues de tous les pays de la SADC. « Il y avait des Mauriciens, Rodriguais, Comoriens, Sud-Africains, Mozambicains, Zimbabwéens, Zambiens, Swatiniens, Congolais, une délégation de la RDC et aussi un soutien du Brésil. »
Quel est le sens de la présence de Réunionnais, la France ne faisant pas partie de la SADC ?
« Mon discours à chaque fois était de rappeler notre rôle spécifique… La Réunion, elle n’est pas membre de la SADC mais on n’est pas naïfs du rôle que joue notre pays, de l’impérialisme français dans la zone, que ce soit sur les îles éparses ou dans le projet gazier de Total au Cabo Delgado au Mozambique »
Quel message exprime le contre-sommet des peuples ?
« Il y a un besoin d’alternative. La SADC, en l’état actuel, ne sert pas les intérêts des peuples, au contraire elle permet la facilitation des groupes prédateurs dans l’ensemble de la zone à Tuléar à Madagascar, dans les mines du Congo ou au Cabo Delgado. On tenait aussi à réaffirmer toute notre solidarité avec les peuples en lutte contre le colonialisme et l’impérialisme : la Palestine, le Congo, le Soudan, et tous les autres peuples en lutte. »
En plus des discours militants ?
Un festival de l’écologie a eu lieu à 500 mètres du contre-sommet, porté par la jeunesse malgache : « Il y avait des stands, des concerts… Ça permettait de faire le lien avec la population d’Antsirabe et d’apporter un petit instant festif. »
Après le contre-sommet ?
En décembre, une nouvelle session de « l’école de l’écologie politique » doit se tenir à l’île Maurice. « C’est surtout pour les jeunes de toute la zone l’occasion de se former politiquement à l’écologie politique, à l’écosocialisme. » Une délégation réunionnaise y participera très certainement.
En conclusion…
« Plus que jamais, on voit que la solidarité entre les peuples, et en particulier dans notre zone, elle est importante. La seule façon de lutter efficacement contre la montée des logiques de guerre et les prédations écologiques et sociales, c’est de ne pas rester isolé. Comme disent les Zazalés : kan in lé toushé, bin i toush tout’. »
Entretien : Franck Cellier
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