La 78 ème édition du tour Cycliste Antenne Réunion a été annulé ce lundi 25 août par l’organisateur et le comité Régional. L’encadrement de la course la plus attendue à La Réunion ne peut pas être assuré cette année, selon Michel Bénard et Karine Dudon, qui ne veulent pas exposer les coureurs au danger. Les participants réunionnais, de Maurice et de l’hexagone sont déçus : une préparation en vain et une incompréhension à moins d’un mois de l’échéance.
Comme chaque année, le Tour Cycliste Antenne Réunion devait se tenir au mois de septembre. Pour des raisons de sécurité, cette 78e édition n’aura pas lieu. Michel Bénard, organisateur en charge de l’évènement avec son association Anim’services, évoque un manque de moyens pour assurer la sécurité des 122 coureurs sur les 7 étapes programmées. Une déception collective que partage Michel Bénard, attaché à cet évènement et au sport réunionnais depuis des dizaines d’années : « Il est annulé parce qu’on n’a pas pu réunir les garanties nécessaires afin d’assurer la sécurité. L’année dernière, on a fait le tour avec des moyens limités, et on ne veut plus le revivre. Pour assurer la sécurité, il aurait fallu des moyens de protection, d’encadrement, des signaleurs. On était dans la dernière ligne droite de l’organisation mais c’est tellement incertain qu’on ne veut pas prendre de risques. Aujourd’hui dans l’étude du dossier au niveau de la préfecture, la sécurité était mise en avant. Je veux bien prendre le risque et aller à l’encontre, mais là, c’est beaucoup trop risqué pour les coureurs, pour les partenaires et pour l’image du Tour. Il faut que la raison prenne le pas sur la passion », déclare-t-il.
Cette annulation vient d’un accord passé à contrecœur avec le comité régional de cyclisme de La Réunion. Karine Dudon — présidente du comité depuis décembre dernier mais très impliquée dans la vie sportive de la discipline depuis de nombreuses années — explique avoir pris cette « décision très difficile avec Michel » pour la sécurité de tous. « La sécurité des coureurs est une priorité. Il faut comprendre que cela a été compliqué de devoir se résoudre à annoncer que le Tour n’aura pas lieu. Cette résolution prise est loin d’être de gaieté de cœur. Il va falloir y faire face. L’année passée, beaucoup de personnes ont insisté sur la sécurité du Tour. La responsabilité que cela engage, ceux que je vois râler sur les réseaux sociaux ne se rendent pas compte. Samedi dernier, la Vuelta Junior a été annulée après la mort d’un coureur de 17 ans en pleine course.
Alors pour le Tour, l’ensemble des moyens de sécurité n’étant pas réunis, il fallait avoir le courage de ne pas le maintenir. C’est compliqué, incompréhensible pour beaucoup, mais nous avons voulu éviter d’exposer les coureurs plus que de raison ».
Une vingtaine d’équipes devaient participer à cette édition du 13 au 21 septembre. Elles se retrouvent désemparées face à la nouvelle. Pour certains, ce sont des mois de préparations qui tombent à l’eau à moins d’un mois de l’échéance. L’annulation du Tour arrive dans un climat tendu autour de la sécurité des courses, surtout depuis un évènement dramatique survenu en 2023 à La Réunion. Lors des championnats régionaux sur route il y a deux ans, le coureur du Vélo Club de l’Est Florian Sandira avait chuté à 80km/h en évitant une voiture, qui n’avait rien à faire là. Plongé dans le coma suite au choc contre un trottoir, le monde du vélo à La Réunion et notamment le Vélo Club de l’Est s’étaient mobilisés pour une meilleure protection du peloton.
Jimmy Taocali le président du Vélo Club de l’Est (VCE) à Bras-Panon — qui devait alligner une équipe sur la ligne de départ en septembre — rappelle les faits. Suite au drame, il voulait réunir les clubs de l’île pour revoir l’organisation de courses et réfléchir à de nouvelles mesures de sécurité. « Les clubs ne se sont pas mobilisés au moment qu’il fallait. J’ai pris il y a 2 ans l’initiative d’organiser une réunion pour tenter de trouver des solutions sur la sécurité des courses. Sur 20 clubs de La Réunion, on compte sur les doigts d’une main ceux qui sont venus. Si tout le monde avait joué le jeu à ce moment-là, le tour aurait peut-être eu lieu aujourd’hui. Même pour organiser des courses, ça devient trop compliqué, on ne compte plus qu’une dizaine de courses de route sur le calendrier annuel » nous raconte-t-il. Selon lui, une annulation de ce type était inévitable au regard des mesures nécessaires de sécurité qu’il aurait fallu prendre depuis deux ans.
L’annulation semblerait être causée par un manque de moyens économiques pour assurer la sécurité des sept étapes. Le président du Club pannonais explique que mobiliser un peloton de gendarmerie pour le Tour coûterait entre 12 000 et 17 000 euros selon les tarifs officiels publiés par le Sénat. Il ajoute également que les bénévoles se font de plus en plus rares pour être signaleur au bord des routes, obligeant à payer des organismes privés. On imagine évidement que d’autres coûts viennent s’ajouter à l’addition finale comme la logistique, les infrastructures, les assurances, le corps médical, les arbitres, commissaires, ou encore des frais d’administration…
« C’est sûr que ça fausse la préparation des coureurs », nous dit Jéremy Lenclume, champion régional sur route et XCO en 2025 (U23). Même si le Dionysien a atteint d’autres objectifs en cyclisme cette saison, l’annulation du Tour vient avorter sa fin de saison et celle de son équipe : « C’est sûr qu’il y avait certaines ambitions personnelles et collectives pour ce Tour, le parcours avait l’air sympa. […] Niveau sécurité, je comprends entièrement la décision, ce n’est pas facile à accepter, surtout à moins d’un mois de l’échéance, mais il ne faut pas jouer pas sur la sécurité. »
Le coureur de 21 ans revient lui aussi sur l’édition précédente à laquelle il a participé. Tout comme Michel et Karine l’ont dit, la sécurité n’était pas suffisante et ce n’est pas quelque chose à revivre. « L’année dernière, en traversant la ville de Saint-Leu, y’avait pas de gendarmes, même si on était avec une superbe équipe de bénévoles, ça n’a pas suffi. On slalomait entre les voitures, pareil sur le boulevard Sud, c’était vraiment dangereux ».
Concernant le calendrier annuel de courses, Jéremy Lenclume se dit chanceux de pouvoir s’amuser aussi bien en VTT que sur la route. Ça lui permet d’avoir des courses assez régulièrement en alternant les deux disciplines tout au long de l’année. Il mentionne néanmoins le fait que les coureurs réunionnais sont moins « rodés » que ceux de métropole lors du Tour par exemple, à cause justement d’un calendrier moins rempli. Le champion de la Réunion U23 reste tout à fait optimiste en finissant par dire « on peut se débrouiller et se battre quand même ».
Sans évoquer l’impact économique de cette annulation du Tour comme les billets d’avion d’une dizaine d’équipes, leur logement ou autres engagements financiers liés à l’organisation, le Tour Cycliste Antenne Réunion doit et va sûrement redresser la barre pour l’année suivante, mais par quels moyens ? La sécurité de la course à étape repose sur des leviers financiers certes, mais les institutions et l’État n’encouragent visiblement pas ce genre de manifestations sportives d’envergure à se dérouler à moindre frais, dans une société où 1 personne sur 4 est en surpoids selon d’ARS.
Etienne Satre
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