François Bayrou désavoué : un vote de défiance qui révèle deux visions irréconciliables de la société

Ce lundi 8 septembre, la rentrée parlementaire a tourné à l’épreuve de vérité pour François Bayrou. Engagé dans un discours déjà entendu, le Premier ministre a vu son gouvernement rejeté par une large majorité de députés. Derrière le refus de confiance, c’est Emmanuel Macron qui se retrouve directement visé, tandis que gauche et droite s’opposent frontalement sur le futur modèle de société.

Ce lundi 8 septembre, marquait une rentrée assez particulière pour les membres de l’Assemblée nationale qui retrouvaient pour la première fois les bancs de l’hémicycle depuis le 10 juillet dernier et la fin de la session parlementaire. 

Comme une impression de déjà-vu

Depuis le 25 Août, date à laquelle il avait annoncé sa volonté d’engager la responsabilité de son gouvernement lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre n’avait eu de cesse de sauter de plateau en plateau dans une volonté de persuader les Françaises et Français mais aussi peut-être de se convaincre lui-même. C’est d’ailleurs une sensation bizarre qui frappe à l’écoute des premières minutes de son discours, celle d’une redite de celui tenu deux semaines plus tôt

François Bayrou, face à cette « épreuve de vérité qu’il a voulu » dresse un tableau très sombre du monde qui nous entoure, rappelle que le pays est « au bord de la falaise ». Face au risque de surendettement qui menace, le Premier ministre, qui se place tantôt en bon père de famille, tantôt en capitaine d’un navire, ne voit qu’une solution, rehausser la production des entreprises françaises et encourager la consommation. 

Il rappelle, encore une fois, que «  face à l’urgence » il faut réduire les dépenses publiques pour récupérer près de 44 milliards d’euros en 2026, faisant référence à ces nombreuses mesures si décriées depuis qu’elles ont été annoncées en juillet dernier : suppression d’emplois publics, gèle de tous les budgets excepté celui des armées ainsi que des prestations sociales. 

Sur la question de la taxation des ultras riches, François Bayrou reste fidèle à lui-même, qualifiant la taxe Zucman de taxe anticonstitutionnelle, mettant en péril les investissements étrangers et qui favoriserait l’exil fiscal. Peu importe que ces affirmations aient été souvent débunkés par l’économiste lui-même et par de nombreux médias nationaux. Dans la pure ligne de ses prises de paroles précédentes, il se fera même leur plus fervent défenseur, déclarant que « Bernard Arnault et ses semblables sont devenus les cibles emblématiques d’une pensée magique ». 

Un refus de la confiance qui vise par ricochet Emmanuel Macron

Si le résultat des votes ne faisait pas de doute même pour le premier concerné pour qui « la chute irrévocable du gouvernement était annoncée depuis la première minute de son existence », les critiques de la politique générale ont très vite tournées à une critique du président de la République. 

C’est d’ailleurs peut-être une des seules fois où les camps de gauche (LFI, PS, GDR) et de droite ( UDR, RN, DR) ont été d’accord. Stéphane Peu, président du groupe GDR, désigne le président comme seul responsable d’une politique qui a vu s’accroitre les inégalités avec une mention particulière pour la situation dans les outre-mer : « là-bas, vie chère, bas salaires, chômage endémique, mépris des revendications, scandales environnementaux, survivance du colonialisme. » Pour Cyrielle Chatelain, présidente des écologistes, Macron est responsable de ne pas avoir écouté les Français.es lors des dernières élections législatives en ayant refusé de nommer Lucie Castets en tant que Premier ministre.  

Mathilde Panot, pour les Insoumis, déclare que c’est « la politique du gouvernement et le monde qu’elle défend » que les députés doivent juger. François Bayrou est désigné comme « le dernier visage d’une politique illégitime et obstinée. » À l’extrême droite, du côté de l’UDR et du RN, Eric Ciotti et Marine le Pen militent pour la dissolution de l’Assemblée nationale ou la démission du Président de la République. La présidente du Rassemblement national, sûre de la force de son mouvement, souhaite s’en remettre au peuple pour aller vers ce qu’elle nomme « la grande alternance. » 

Après Bayrou, l’affrontement entre deux philosophies politiques

Mais finalement, lors de cette session extraordinaire, c’est surtout deux philosophies politiques, deux visions de la société qui s’opposent. D’un côté, la gauche qui propose plus de justice fiscale et la mise en place de la taxe Zucman, pour reprendre les mots de la présidente de LFI et celle des Écologistes. Une philosophie politique qui propose d’augmenter donc la participation des foyers les plus riches à l’effort fiscal national. Mathilde Panot accuse d’ailleurs le Premier ministre « d’avoir appauvri l’État et affaibli les services publics en baissant les impôts sur les sociétés, en supprimant l’impôt sur la production, en supprimant l’ISF et en arrosant les transnationales de plus de 200 milliards d’aides publiques sans contrepartie. »

Une position que ne partage pas Eric Ciotti, qui critique ouvertement « une idéologie socialiste » du gouvernement sortant et considère d’ailleurs que « le mal français se trouve dans la fiscalité pesant sur ceux qui travaillent. » C’est peut-être là aussi que se fait la deuxième opposition entre ces deux philosophies politiques. Pour la droite, les travailleurs doivent être opposés à ceux qui ne travaillent pas, à cette société dite de l’assistanat. Laurent Wauquiez, du groupe DR, propose de limiter les aides sociales à 70% du SMIC pour « qu’on ne gagne jamais plus d’argent en restant chez soi qu’en travaillant. » 

C’est peut-être Marine Le Pen qui résume le mieux la position de son parti et de ses alliés lorsqu’elle parle de « la folie fiscale et migratoire » du président de la République et du gouvernement. Car que serait un débat politique sans que l’immigration ne vienne y trouver sa place ? Pour son allié de l’UDR, François Bayrou a refusé de « s’attaquer aux coûts et aux maux de l’immigration » alors même que les dépenses liées à l’immigration représentent moins de 1% du budget général à la date de septembre 2024 et que la part de la population immigrée dans les actes de violences reste bien inférieure à celle des ressortissants français. 

Finalement, dissolution, destitution ou statu-quo, seul le président de la République pourra nous dire dans les prochains jours ce qu’il en sera. Et s’il a bien remis sa démission hier soir après un vote à 364 voix contre et 194 voix pour, c’est peut-être François Bayrou qui avait vu juste dans l’épisode 8 de ses directs Youtube : « si l’on vous dit que la vie politique est un long fleuve tranquille, ne les croyez pas. »

Olivier Ceccaldi

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A propos de l'auteur

Olivier Ceccaldi

Aujourd'hui journaliste, Olivier a tout d'abord privilégié la photographie comme support pour informer notamment sur les réalités des personnes exilées face à la politique migratoire de l'Union européenne. Installé sur l'île de La Réunion depuis 2024, il travaille principalement sur les questions de société.

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