Récit d’une drôle d’opération « Bloquons tout » : Près d’un millier de personnes dans les rues, éparpillées ou en cortège mais aussi des magasins vides, l’activité économique au ralenti. Ce 10 septembre n’était décidément pas un jour ordinaire.
Deux rassemblements, qu’on pourrait dire « encadrés », à Saint-Denis et Saint-Pierre et quelques actions plus spontanées et citoyennes éparpillées comme à Saint-Leu ou Saint-Paul. Voilà résumé l’opération « Bloquons tout » du 10 septembre 2025 à La Réunion. Continuera, continuera pas au gré de nouveaux appels, comme l’appel intersyndical du 18 septembre… Mystère.
Ce qui est sûr en revanche c’est que les colères multiples demeurent comme on a pu les entendre au gré des opérations.
Alors oui, le préfet a compté 900 personnes ayant participé au « Bloquons tout » du 10 septembre… et se plaît à remercier les 639 policiers et gendarmes mobilisés, comme pour souligner qu’il y avait autant d’agents des forces de l’ordre que de contestataires. Le représentant de l’État salue également « le sens des responsabilités des organisations syndicales qui ont veillé à ce que les manifestations déclarées se déroulent dans de bonnes conditions ».
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D’aucuns redoutaient « les fauteurs de trouble » en inquiétant la population sur les risques de débordement. Nous n’en avons pas vu même si les autorités annoncent « 7 interpellations pour des motifs divers (port d’arme prohibé, entrave, dégradations) ».
Quand même à Saint-Paul, cette scène cocasse : « Ce qui m’embête, c’est que c’est mon père qui est de droite qui va venir me chercher à la gendarmerie. » Le tout jeune homme, 16 ans à peine, un T-shirt peint « Antifasciste » dans le dos au dessus du chiffre« 1312 » vient de se faire interpeller sous le pont de Savanna pour avoir taggé en lettres rouges des slogans antifascistes.
« ACAB, c’est pas moi », se défend-il, conscient que, de toute façon, c’est lui qui a été pris la bombe de peinture en main. Le camarade qui l’accompagnait a aussi été emmené à la gendarmerie, même si le peintre tentait de le dédouaner. « Il n’a rien fait », plaide-t-il auprès des gendarmes.
Les militaires tentent l’apaisement. « Nous restons à l’écart, nous savons que notre présence peut être prise comme une provocation », explique l’un d’eux. De fait, leur présence est presque continue tant les passages des Dacia sont fréquents, quasiment toutes les minutes. Le papa arrive rapidement. « Vous allez lui mettre une amende », espère-t-il, avant de suivre la voiture qui emmène son fils à la gendarmerie.
Au rond-point de Savanna, ce mercredi matin, ils n’ont été qu’une cinquantaine au plus fort de la manifestation. Il y a là les militants d’Attac, de LFI dont des conseillères municipales, des têtes connues d’Extinction Rebellion. Dans l’Ouest comme ailleurs, les rues sont désertes. Les quelques automobilistes de passage prennent le tract qu’on leur tend et klaxonnent en signe de soutien. Devant le Super U de Saint-Paul, chaussée Royale, vingt ou trente autres militants, des syndicalistes FO de l’Education nationale, distribuent eux aussi des tracts en échange d’un coup de klaxon au son du maloya de l’artiste Ti Danyel.
200 manifestants à Saint-Pierre
A Saint-Pierre, plus de 200 personnes se sont rejointes dans une ambiance pacifique mais déterminée. Paroles de manifestants : Alexis Chaussalet : dénonce les 7 années de politique inégalitaire d’Emmanuel Macron, accusé de mépriser la population et de protéger les plus riches au détriment des plus précaires. Il appelle la population à se mobiliser pour « arrêter de se faire mépriser ».
Erika, citoyenne de Saint-Pierre : évoque un « gros malaise » lié aux décisions gouvernementales. Elle insiste sur le caractère citoyen et pacifiste du mouvement et appelle à rejoindre la mobilisation car « cela concerne tout le monde ». D’autres dénoncent la fatigue imposée aux travailleurs, retraités, chômeurs et précaires, toujours sommés de « faire des efforts ».
400 à Saint-Denis
À Saint-Denis, le plus gros rassemblement comptait 400 personnes devant la préfecture. Une vingtaine d’entre elles ont pris la parole pendant deux bonnes heures. Étaient notamment présentes la CGTR emmenée par Jacky Balmine, la FSU, l’Union étudiante 974, ainsi que des figures politiques comme Huguette Bello ou Jean-Hugues Ratenon. A la fin les manifestants se sont rendus au Barachois.
Thierry Hoarau (CGTR – Transports) raconte son licenciement malgré son statut de salarié protégé à la SPL Estival, il accuse le maire de Saint-Benoît… Jean-Yves Payet (CGTR, Union Ouvrière) s’émeut de la montée du racisme et dénonce les milliards donnés chaque année aux banques et au patronat. Le député Jean-Hugues Ratenon affirme que Macron doit démissionner, il souligne la souffrance quotidienne : factures impayables, personnes âgées sans moyens de se nourrir, vie chère. Et le chanteur performeur Dano en appelle à la solidarité artistique et citoyenne.
Sur les pancartes, les principaux slogans s’attaquaient au président de la République : « Macron dégage », « Allez Manu, encore un effort dehors ». Mais aussi à « la vie chère coloniale » ou aux dépenses militaires : « L’argent pour soigner, pas pour bombarder ». Et toujours en toile de fond l’indignation face au « génocide » en Palestine.
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