En polynésien, Taravana signifie « fou ». Mais pas une folie sombre : une folie joyeuse, créative, une manière de refuser les cases et de réinventer les mondes. C’est exactement ce qu’incarne Taravana Péi, ce tout jeune groupe qui fait danser La Réunion et rêve déjà plus loin, en Polynésie.
La rencontre des îles et des cœurs
Au centre, il y a Sophon, qu’on appelle affectueusement Sofon, « fou parmi les fous ». Arrivé à La Réunion il y a près de trente ans, lui qui est né de parents cambodgiens à la frontière thaïlandaise, a trouvé ici pour la première fois le sentiment d’appartenir à un lieu. « Léo m’a appris à parler créole, les différences culturelles, religieuses, comment cuisiner, comment pêcher. Il m’a permis de me sentir très vite chez moi ici. », raconte-t-il. Léo, ami de toujours, originaire de Terre-Sainte, l’a accueilli comme un frère.
Sofon a rencontré à La Réunion Miren, sa compagne, née au Pays basque. Artisan bijoutière, musicienne au roulèr, elle partage sa vie entre art, famille et musique. C’est elle qui l’entraîne doucement vers la Polynésie, d’abord lors de courts séjours pour les bijoux avant de s’y installer plus longuement. C’est là-bas que Sofon a rêvé cette fusion inédite : le maloya de La Réunion et les rythmes polynésiens.
Une famille de musiciens fous
C’est aussi en Polynésie que va se faire la rencontre déterminante avec Poerava, danseuse et cheffe de troupe originaire de Tahiti ayant grandi en Bretagne. « En 2019, j’ai rencontré Miren et Sophon à Mouréa dans ma maison familiale et quand ils sont revenus sur La Réunion, il y a quelques années, il m’appelle et me propose de monter un orchestre pour accompagner mes troupes de danse polynésienne. Donc ça commence comme ça. »
Au départ, il s’agit de former un orchestre pour accompagner ses troupes de danseuses polynésiennes. Les chanteuses Patricia et Martine le rejoignent, puis arrive Melissa, au ukulélé hawaïen 8 cordes. Elle embarque ensuite son ami Raimanu, guitariste et ukuléliste, fils d’une mère polynésienne, ayant grandi entre Tahiti et la France.
Greg, enraciné dans le maloya traditionnel, rejoint à son tour le groupe, à la basse : « Moi qui suis à fond dans le maloya, le projet m’a tout de suite parlé. L’idée, c’est de créer un mélange musical et culturel. On appelle ça le Fenua Maloya, ça veut dire le Pays Maloya. C’est chez nous, c’est notre famille. »
Le Fenua Maloya : une musique de la folie et de l’amour
Petit à petit, Sofon suggère de monter un groupe en dehors de l’accompagnement des danseuses et lance la folle idée d’aller jouer sur scène. Avec Taravana Péi, c’est la proposition d’une fusion organique : le roulèr de Miren, le kayanb et la voix de Sofon, le ukulélé de Melissa et Poerava, les chants polynésiens de Patricia, Martine et Aia, les cordes de Raimanu, la rythmique de Greg.
Ils refusent les frontières, abolissent les distances. « On n’aime pas rentrer dans des cases. Si tu me dis que c’est pas possible, ça ne veut rien dire », sourit Sofon. Leur musique, c’est celle de l’ancrage et du déracinement, de la mémoire et de l’exil, des vagues qui se croisent et se mêlent.
Un festival, une utopie
Ce week-end, Taravana Péi a donné corps à cette folie douce en organisant le Festival Fenua Maloya au niveau du camping municipal de l’Etang-Salé. Un objectif, celui de financer les prochains projets du groupe : deux concerts en Polynésie en décembre et une première tournée hexagonale l’été 2026.
Alors, ce samedi 13 septembre, ils avaient réuni plusieurs exposants qui proposaient des produits en lien avec Tahiti ou la culture polynésienne avec par exemple une initiation au ukulélé et le pari fou de réunir au même moment une centaine de ukulélés. Pari presque tenu, à leur maximum, ils étaient soixante. Cette journée, c’était aussi l’occasion de s’évader un peu, en fermant les yeux pour voyager loin, bercé par le bruit des vagues et la douce mélodie des sons polynésiens.
Plusieurs groupes invités ont apporté leurs propositions singulières, toujours avec au centre la musique créole. Au moment de l’entrée en scène de Taravana Péi, on apprécie les doux rythmes polynésiens et la guitare de Raimanu avant d’être emporté par la force de la voix de Sofon. Tout au long du concert, les rythmes puissants du maloya et la douceur des sons polynésiens s’entrechoquent et se complètent. Un moment de partage, de ferveur, d’ancrage et d’ouverture.
De la fuzion à la création
En décembre prochain, Taravana Péi présentera ses premières créations originales en Polynésie, une manière de revenir au berceau de ce métissage musical et d’y faire entendre la voix d’un groupe né de la rencontre entre La Réunion, la Polynésie, le Pays basque, la Bretagne, le Cambodge et la France.
Taravana Péi, ce sont des vies, des cœurs et des rythmes qui s’entrelacent. Une folie, oui, mais une folie lumineuse : celle de croire qu’en musique, les frontières n’existent pas et que rien n’est impossible.
Olivier Ceccaldi
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