Alors que la France s’apprête à reconnaître officiellement l’État de Palestine à l’Onu, une initiative saluée comme un tournant diplomatique, le débat fait rage. Vingt personnalités du monde artistique appellent Emmanuel Macron à renoncer, Benjamin Netanyahu réaffirme son refus catégorique, et sur le terrain, les violences se poursuivent. Entre gestes symboliques et réalités politiques, cette reconnaissance interroge sur sa portée concrète.
L’appel des 20, une lettre à contre-courant de l’actualité
Les images des bombes continuent de nous parvenir depuis la bande de Gaza et les interviews des membres du gouvernement israélien se succèdent et nous rappellent les étapes qui feront des territoires palestiniens un nouvel eldorado pour la population israélienne.
Pourtant, malgré tout cela, des voix de la scène artistique et culturelle française, ont décidé ce week-end d’écrire un texte, appelant le président de la République à ne pas reconnaitre l’existence d’un état palestinien. Dans ce texte partagé par le Crif, connu pour ses positions pro-israéliennes, vingt personnalités, parmi lesquelles Arthur, Charlotte Gainsbourg, Joan Sfar ou encore Philippe Torreton, appellent Emmanuel Macron à ne pas reconnaitre l’état palestinien lors de l’Assemblée générale des Nations unies ce lundi 22 septembre.
Dans cette lettre, ces artistes et intellectuels, questionnent la reconnaissance d’un état palestinien « tandis que la guerre déclenchée par le pire massacre antisémite depuis la Shoah fait toujours rage » et demandent à ce que celle-ci ne soit effective que sous conditions : celles de la libération des otages et du démantèlement du Hamas.
Une lettre qui ne mentionne à aucun moment les violences perpétrées par l’armée israélienne, responsable à ce jour de plus de 100 000 morts depuis le 7 octobre 2023 comme l’explique un article du journal israélien Haaretz et surtout, qui ne remet jamais en question la politique d’expansion du gouvernement dirigé par Netanyahu qui laisse peu de place à la question des otages et leur libération.
Pour eux, le Hamas serait seul responsable de la situation actuelle. Une lecture unilatérale de l’histoire depuis la création de l’état d’Israël en 1948 jusqu’à aujourd’hui. Une lecture qui fait démarrer l’histoire à la date du 7 octobre 2023 et qui met sous le tapis toutes les paroles et les actes qui depuis des décennies enfreignent le droit international et font échouer la solution à deux états.
Netanyahu promet « qu’aucun état palestinien ne verra le jour »
Cette prise de position rejoint, dans ses grandes lignes, celle défendue depuis plusieurs décennies par Benjamin Netanyahu, farouche opposant à la création d’un état palestinien. Dans un article en date du dimanche 21 septembre, Libération rappelle que déjà en 1978, le Premier ministre actuel, alors connu sous son nom de Ben Nitay, se déclarait contre la possibilité d’un état palestinien lors d’un débat organisé à Boston.
Une position qu’il conserve aujourd’hui lors d’un discours prononcé ce même dimanche et qui suit la même réflexion que la lettre des 20 artistes et intellectuels français : « vous récompensez le Hamas et aucun état palestinien ne verra le jour à l’ouest du Jourdain. » À la fin de ce discours, il laisse même entendre une menace, celle d’une réaction face à la reconnaissance d’un état palestinien lors de l’Assemblé générale des Nations-Unies.
Une prise de parole d’Emmanuel Macron très attendue
Pourtant, alors que le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie et le Portugal ont reconnu officiellement l’état de Palestine ce dimanche, la France s’apprête à faire de même lors de l’ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU qui ouvrira ses portes ce soir-même. Si la reconnaissance de l’état palestinien est une avancée juridique et symbolique, on peut se questionner sur l’impact que cela aura sur la situation concrète sur le terrain. Dans un discours sur les réseaux sociaux prononcé le 21 septembre, Emmanuel Macron dit « vouloir la libération des 48 otages israéliens, le démantèlement du Hamas, un cessez-le-feu immédiat, la paix et le retour de l’aide humanitaire à Gaza. »
Une décision symbolique mais des actes toujours attendus
De jolis mots qui nécessiteront des actes courageux et concrets pour entraîner un changement de la situation. Pour Giyom, militant du collectif Réunion Palestine, « la reconnaissance d’un état Palestinien par la France et d’autres puissances du Nord n’a qu’une signification symbolique et ne sert à rien tant qu’aucune sanction concrète n’est prise à l’encontre d’Israël pour que soit stoppée l’annexion des territoires palestiniens et le génocide en cours. » Une mise en doute de l’impact d’une telle reconnaissance qui se comprend alors que le Premier ministre israélien, toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international sera normalement présent à New-York et que ses homologues palestiniens, eux n’ont pas vu leurs demandes de visas acceptées.
Pendant que les grandes puissances affichent leurs intentions à l’Onu, des initiatives citoyennes tentent, elles aussi, de peser concrètement sur la situation. C’est le cas de la flottille internationale Global Sumud, en route vers Gaza avec à bord du Jeannot 3 le docteur Yacine Haffaf.
Contacté dimanche matin par Parallèle Sud, il suit de près l’évolution de la situation sur place, maintenant le contact avec des familles palestiniennes et suivant l’actualité internationale. Pour l’ensemble de « l’armada pacifique », la reconnaissance pourrait modifier la donne concernant la protection des bateaux et des ressortissants des pays qui auraient reconnu la Palestine alors que les plages de Gaza devraient apparaître à l’horizon d’ici une semaine si les vents sont bons.
Aujourd’hui démarrent d’ailleurs la formation aux situations d’urgence en cas d’interception par les forces armées de Tsahal. « Notre priorité est de limiter le risque pour les vies humaines mais aussi de donner le moins d’éléments à charge pour les autorités israéliennes dans le cas extrême où nous serions interceptés et arrêtés », explique le médecin réunionnais.
Le drapeau palestinien symbole d’espoir
Cette mobilisation trouve un écho jusqu’à La Réunion, où la solidarité avec le peuple palestinien s’exprime à travers des gestes symboliques. Sur l’île, ce matin, c’est au dessus du bâtiment de La Région Réunion qu’a été hissé le drapeau palestinien par la président Huguette Bello pour qui « ce drapeau est à la fois un symbole d’espoir et un cri de solidarité. » Un geste symbolique, suivi par de nombreuses municipalités telles que Saint-Denis, Saint-Paul, le Port et Sainte-Suzanne.
Deux heures plus tôt, le préfet de l’île avait officié lors d’une cérémonie de lever des couleurs pour redonner des repères aux concitoyens « par ces temps troublés ». Une cérémonie surprenante dans sa temporalité alors que la veille, le préfet avait interdit de lever le drapeau palestinien suivant les propos tenus par le ministre démissionnaire de l’Intérieur. Bruno Retailleau considérait ces levers de drapeau comme contredisant le principe de neutralité des services publics alors même que les drapeaux ukrainiens, hissés sur de nombreux bâtiments publics depuis l’invasion russe, n’ont jamais dérangé personne.
Une incohérence de plus dans le paysage politique français que la reconnaissance pourra peut-être — ou pas — dissiper dans les prochaines heures. Entre gestes symboliques et réalités politiques, la reconnaissance française laisse en suspens une question centrale : peut-elle réellement changer la donne pour les Palestiniens ?
Olivier Ceccaldi
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