LIBRE EXPRESSION
Madame la Ministre,
La lecture, dans Le Quotidien de La Réunion du 18 septembre 2025, de l’encadré mentionnant ma candidature « rejetée par Rachida Dati », m’incite à prendre enfin publiquement la parole.
En avril 2024, le jury de recrutement, composé notamment de représentants du FRAC, du ministère de la Culture, de la Préfecture, de la DAC-Réunion, du CNAP, de la Région et d’un artiste international, s’est prononcé en ma faveur. Ma candidature fut validée par le conseil d’administration du 13 juin 2024. Cette décision, officieuse tant qu’elle n’était pas confirmée par la ministre, s’est rapidement répandue, et j’ai reçu de nombreux encouragements. Dans l’attente d’une nomination officielle qui tardait à venir, et contrainte par le calendrier scolaire, j’ai déménagé à Saint-Leu en août, dans des conditions matérielles précaires, me projetant dans ce nouveau mandat avec enthousiasme et sens du service public.
En novembre 2024, le président du FRAC m’a adressé un courrier m’annonçant que ma candidature n’avait pas été retenue. Malgré ma demande écrite, je n’ai jamais été officiellement informée des raisons de cette éviction. Le recrutement a été relancé et, en janvier 2025, ma candidature a été d’emblée écartée, alors même que j’avais été finaliste quelques mois plus tôt. Ce n’est qu’avec l’article paru dans Le Quotidien en septembre 2025 que j’ai pu constater, pour la première fois publiquement et officiellement, que ma nomination avait été rejetée par la ministre.
Je ne conteste pas le droit qui revient à la ministre de nommer ou de ne pas nommer : la loi le prévoit. Ce que je conteste, c’est l’absence totale de transparence et le non-respect du principe du contradictoire. Pourquoi n’ai-je jamais eu l’occasion d’être entendue ? Pourquoi ai-je été condamnée au silence, laissée face aux insinuations et aux rumeurs, sans jamais pouvoir me défendre ?
Dans un contexte déjà marqué par des campagnes de dénigrement à mon encontre – courriers écrits dans mon dos, rumeurs, articles polémiques –, cette absence d’explication a eu pour moi l’effet d’une sanction sans procès. Elle nourrit l’idée, dangereuse, que j’aurais commis des fautes graves, alors qu’aucun élément ne l’atteste. Les rapports d’activité de l’École Supérieure d’Art de La Réunion, que j’ai dirigée pendant sept ans, témoignent au contraire de résultats solides : taux de réussite aux diplômes, ouverture internationale, développement artistique, structuration de la recherche et de la professionnalisation, malgré des moyens limités et des conditions de travail difficiles. Ces efforts ont été reconnus par différents audits et évaluations (organisationnel, financier, CHSCT, Cour des Comptes en 2021) ainsi que par le rapport élogieux du HCERES en 2019 et par l’évaluation conduite par la DAC-Réunion en 2021 pour l’accréditation de l’établissement.
J’ai toujours agi avec intégrité et avec le souci de l’intérêt général. Si j’ai pu servir de « fusible » dans un moment de grande tension, cela n’explique pas pourquoi, des années plus tard, l’acharnement et la suspicion persistent.
Ce rejet, décidé à Paris malgré un processus de sélection et une validation locale, soulève une question politique plus large, à l’heure où des membres du gouvernement déclarent vouloir « mettre fin au parisianisme de l’appareil d’État et cesser d’infantiliser les Ultramarins ». Pourquoi les choix collectifs et pluralistes, validés localement avec la participation de représentants de l’État, sont-ils si facilement balayés depuis Paris ? Dans un territoire ultramarin marqué par une histoire coloniale encore vive, cette fracture prend une résonance particulière. Elle nourrit le sentiment que les efforts menés à La Réunion ne sont jamais jugés à égalité.
Je n’ai rien contre le nouveau directeur du FRAC, à qui je souhaite pleine réussite. Mais je ne peux accepter que mon parcours professionnel soit durablement entaché de soupçons sans fondement, ni que ma voix ait été privée d’espace. Mon souhait est simple : ouvrir le dialogue, être entendue, répondre dans un cadre juste et transparent aux accusations implicites qui pèsent sur moi. J’ai saisi à cet effet le Défenseur des droits au niveau national.
Il ne s’agit pas ici de polémique, mais de droit. De respect des personnes. Et, au fond, de confiance que nous devons tous avoir dans nos institutions culturelles. Je demande simplement que la transparence, l’équité et le respect du contradictoire prévalent enfin.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma considération distinguée.
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