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Qui pour arrêter la pollution des leds 100% gratuites ?

ÉDITO

Quand c’est gratuit, c’est toi le produit. Sur leurs pages Facebook jusqu’à leurs étals du marché de gros, les agriculteurs se font draguer par des marchands de lumens. Comment résister à la vague marketing quand il n’y a rien à débourser, juste à cliquer et à signer pour acquérir des leds solaires par milliers ?

Le Père Noël est battu. On ne réfléchit même pas face à une telle offre, forcément « limitée » et à saisir avant qu’il ne soit trop tard. On ne réfléchit pas jusqu’à ce que Parallèle Sud lève le voile sur ce détournement mercantile de la loi sur la transition écologique et annonce « l’alerte sur l’éblouissante escroquerie des leds plein champ ».

Les commentaires suscités par cet article montrent pourtant que la pollution est générale, aux quatre coins de l’île, dans les hauts et les bas. Les surfaces agricoles se sont transformées en Disneyland en quelques semaines… pour reprendre l’une des comparaisons citées par les internautes. On a des pistes d’avions partout.

Hélas, ce ne sont pas les avions qui vont s’y crasher — quoi qu’on ne soit jamais à l’abri d’un ivrogne aux commandes — mais les pétrels qui sont censés être protégés tout comme le reste de la faune sauvage ou domestique. « Mes poules pays se relevaient la nuit », raconte le planteur Popeye qui a vite éteint les 1 300 lampes que des ouvriers mauriciens avaient plantées dans ses champs.

Même gratuites, ces fameuses leds solaires ont fini par empoisonner la vie de leurs bénéficiaires. Ils ont attiré les voleurs et les insectes nuisibles, ils ont encombré leurs lieux de travail, ils ont perturbé leurs animaux, ils provoquent aujourd’hui les moqueries du voisinage. Le photographe Timaoul, ulcéré par la pollution lumineuse produite, leur a même proposé des « cordes à pendre » qu’il installerait gratuitement : « ils ne se rendent pas compte qu’on est en train de les exécuter ? », s’est-il exclamé.

Chronique d’une pollution annoncée

Le pire est à venir car les prochaines grosses averses et cyclones balaieront les milliers de leds. Les équipements bon marché « made in China », la ferraille, le plastique, les panneaux solaires et leurs piles au lithium se mélangeront à la boue, souilleront les terres ou finiront dans les ravines puis l’océan…

C’est le comble quand on sait qu’ils ont été financés par un dispositif légal censé diriger les bénéfices des plus gros pollueurs — TotalEnergies, Engie ou EDF — vers des opérations d’économies d’énergies.

Mais il y avait une faille dans la réglementation comme l’explique Vincent Chausserie-Laprée, ingénieur décarbonation de l’industrie à l’Ademe (Agence de la transition écologique) dont le logo apparaît parfois sur les offres miraculeuses de leds solaires. Les installateurs ont détourné la loi pour vendre des leds à un prix 7 fois supérieur à leur coût de fabrication.

Et les payeurs — Total, Engie, EDF… — n’ont rien contrôlé, ni repéré. L’opération n’a pas d’autres intérêts pour eux que celui de s’acquitter de leurs obligations en se payant des CEE (Certificats d’économies d’énergie). Qu’importent les profits indécents des intermédiaires et l’utilisation d’une main d’œuvre étrangère à moindre coût — chinoise pour la fabrication, mauricienne pour l’installation — pour capter des subventions françaises…

Qui pour arrêter la gabegie ? N’y a-t-il pas un Office, une Agence, un Parc pour saisir la justice et suspendre l’absurdité polluante de ces leds solaires en plein champs ?

Franck Cellier

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A propos de l'auteur

Franck Cellier

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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