Compost du collège de la Marine Vincendo

A quoi il ressemble ton compost ?

Plus que valoriser nos biodéchets, faire son compost permet de nous réinscrire dans un cycle vertueux, dans notre environnement proche. Le produit est consommé et, en fin de parcours, il retourne à la terre pour nourrir le sol et faire pousser les légumes du potager. Début 2024, chaque particulier devra savoir valoriser ses déchets organiques. Pourtant nous sommes loin de maîtriser la technique. C’est l’essor de toute une filière qui pourrait bien se dessiner à moyenne échéance.

Au collège de la Marine Vincendo, la classe d’Ulis est référente pour le roule-roule. Le roule-roule, c’est le nom d’un compost rotatif, fabriqué à partir d’anciens chauffe-eau solaires arrivés en fin de vie. La cuve en inox est réutilisée, remise en service par la Casud. Chaque semaine, les équipes du collège introduisent dans un des deux bacs 20 à 25 kg de denrées alimentaires issues des restes de la cantine scolaire. Ils ajoutent à ça 10 à 15 kg de broyat. Les copeaux de bois vont absorber le surplus d’eau et vont permettre à la nourriture de se décomposer correctement. « Le problème que nous avons rencontré c’est que nous n’avions pas assez de broyat avec toute la pluie que nous avons eu ici », rapporte Myrose Berne, la conseillère principale d’éducation (CPE) de l’établissement.

Laurent Dennemont corrige le tir. Il ajoute un seau de broyat, mélange le tout finement. « Ca permet d’aérer et de structurer la matière », précise-t-il. La bouillie marron prend peu à peu une autre consistance, un peu plus épaisse. Le maître composteur a installé le roule-roule il y a deux mois et est chargé de son suivi. « Là on voit un lombric, c’est la star du compost. Mais en fait, c’est tout un écosystème que l’on trouve à l’intérieur ». Il montre les petits vers qui s’agitent sur le tas d’aliments en décomposition. « Là, c’est un cent-pieds ».

Pas d’odeur, pas d’asticot

Lorsque le compost est correctement réalisé, il n’a plus d’odeur, il n’y a pas non plus d’asticots. Pour l’instant, on n’y est pas encore. Mais l’installation est encore en phase d’expérimentation, dans le but de voir ce qui fonctionne le mieux à l’usage, en fonction aussi de la quantité de matière.

Chaque semaine, la CPE ou un agent prend la température du compost. « Pour que ça se décompose correctement, la matière doit monter à plus de 60 degrés en température », explique Laurent Dennemont. « Mais pour ça, il faut qu’il y ait une certaine quantité de matière. Quand tu mets au fur et à mesure, ça ne chauffe pas. Le retournement est très important. Tu arroses le compost et tu nourries les bactéries. Il y a un pic de température trois jours après. Cela créé une hygiénisation de la matière. »

Pour les particuliers qui souhaitent améliorer la réalisation de leur compost, vous pouvez écouter les conseils de Laurent Dennemont. Il est aussi le créateur et le président du réseau compost citoyen :

« Les élèves ont constaté le gâchis de nourriture »

En ce qui concerne le collège de la marine Vincendo, tout à commencé lorsqu’il a participé il y a quelques années à un concours du Département des collèges fleuris. Les équipes éducatives et les élèves ont créé un petit jardin, ils ont remporté le second prix. « Mais par la suite l’entretien prenait beaucoup de temps et d’énergie », précise Joselito Huet, le responsable des agents de l’établissement.

Portés par la volonté et la dynamique des équipes encadrantes, les collégiens ont progressivement adapté les espaces et ont transformé le jardin en potager, avec des plantes aromatiques et des légumes, bissap, radis… Ils ont même installé un poulailler au fond du jardin. Des actions concrètes accompagnées d’une sensibilisation en classe à la découverte de la nature et à la protection de l’environnement. « En 5 ans de sensibilisation, on voit l’évolution des élèves », souligne la CPE. « C’est eux-mêmes qui ont constaté le gâchis de nourriture à la cantine et demandé ce qui pouvait être mis en place. Ils sont très attentifs et très exigeants. On ne peut pas se permettre de faire un jardin et de ne pas s’en occuper derrière. »

Nourrir le sol pour nourrir la plante

« Il ne s’agit pas de faire du compost pour faire du compost, c’est un retour à la terre. On remet de la vie dans les sols. C’est vraiment le changement de paradigme de l’agroécologie. On ne nourrit pas la plante, on nourrit le sol qui nourrit la plante. » Avec sa brouette, Laurent Dennemont déverse une première partie du compost fraîchement réalisé dans le jardin avant de remonter dans sa voiture direction le Tampon. Prochaine étape : le restaurant Happy Time, situé en plein centre-ville.

Il est 13h, les tables en terrasse sont bondées. A l’entrée de l’établissement, une affichette met en avant le compost installé dans des bacs en bois. « Happy Time a été le premier restaurant de l’île à gérer ses déchets organiques de manière totalement autonome, sous la supervision d’un maître composteur », précise Laurent Dennemont.

La volonté de réduire les déchets est une des particularités du restaurant. Les équipes font leur possible dès les cuisines. A la fin du service, il ne reste qu’un petit seau, que le chef cuisinier associé dépose dans le bac central de l’installation de bois. A gauche, le bac de structurant, rempli de broyat fourni par le maître composteur, à droite le bac de maturation, qui contient le compost déjà retourné. C’est la première fois depuis l’installation au mois d’octobre que Laurent Dennemont va vider ce bac.

« Je suis en train d’inventer mon métier »

Il explique le processus qui se met en œuvre depuis le dépôt des biodéchets jusqu’à la récolte du compost :

L’activité qu’exerce Laurent Dennemont n’existait pas il y a quelques années. « Je suis en train d’inventer mon métier », affirme-t-il, heureux de chaque jour poursuivre ses constats empiriques, ses expérimentations. A La Réunion, on trouve encore peu de maîtres composteurs, les formations sont également peu développées. Rien ne laisse présager l’essor qui s’annonce dans les années à venir.

Et pour cause : des directives européennes ont amorcé un changement de regard sur les produits organiques. De déchets, ils doivent devenir des ressources. La législation s’est mise en place progressivement depuis 2010, pourtant les pouvoirs publics n’ont pas anticipé. Actuellement, seuls les producteurs de plus de 10 tonnes de déchets organiques sont obligés de valoriser cette matière. Au 1er janvier 2023, la loi visera les organismes qui en produisent plus de 5 tonnes. Et un an plus tard, elle concernera tout le monde, jusqu’au simple usager. Nous tous. Un tiers de nos déchets pourront ainsi finir au compost.

« 50% du coût des déchets, c’est la collecte »

Il s’agit d’un énorme chantier à mettre en place au niveau des intercommunalités chargées de la gestion des déchets. Or, « 50% du coût des déchets, c’est la collecte », ajoute le professionnel. Plusieurs options s’offrent à elles : ouvrir une nouvelle filière de ramassage et de traitement, ou sensibiliser la population et l’encourager à traiter par elle-même ses biodéchets. Enfin, dans ce contexte, on voit difficilement comment se passer de la mise en place d’installations collectives, à l’échelle d’un quartier ou d’un immeuble par exemple.

L’avenir est ouvert. Espérons que les petites sociétés trouvent leur place sur ce grand marché. Dans l’interview que nous avons réalisée, Laurent Dennemont s’attarde sur les enjeux pour la société réunionnaise où jusqu’à présent tout déchet était enfoui.

Jéromine Santo-Gammaire

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.

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