requin

L’incroyable mépris de Macron et de son gouvernement pour les vies humaines

Lundi 21 juillet 2022, Emmanuel Macron a reçu pendant une heure les éleveurs confrontés au loup. Le président leur a annoncé toute une série de mesures, avec la création d’une seconde brigade pour les prélèvements ainsi qu’une démarche au plan européen pour déclasser cette espèce de celles qui sont protégées. 

La dernière fois qu’un membre du gouvernement a mis au menu de sa visite le risque requin à la Réunion, c’était en septembre 2017 : Annick Girardin était alors ministre de l’Outre-mer. Cette année-là, les deux attaques mortelles y étaient sûrement pour quelque chose. Deux autres attaques mortelles survenues en 2019 n’auront suscité aucune émotion ni réaction de la part du gouvernement Macron. Cette problématique n’aura ensuite plus jamais fait l’objet d’une séquence officielle lors des innombrables visites ministérielles sur l’île. 

Seules trois réponses improvisées à une question d’un journaliste local lors d’une visite ont pu depuis être obtenues :
– la première, en 2018, de la part du ministre de l’outre-mer Sébastien Lecornu. Il nous a alors renvoyés à une « approche moderne de la biodiversité« , à savoir une cohabitation forcée avec des prédateurs mangeurs d’hommes, décidée depuis Paris par des énarques assujettis à l’écologisme, 

– l’autre, en 2019, de la part du président lui-même qui nous a assuré de sa volonté de rendre la mer aux Réunionnais d’ici 2022,
– enfin une dernière en 2022 toujours de la part de Sébastien Lecornu qui tente de justifier leur échec du fait du « covid ». 

Cette promesse d’Emmanuel Macron reste attendue même sans grand espoir, car la crise requin demeurera entière tant que perdurera l’arrêté d’interdiction « provisoire », déjà reconduit 11 fois successivement depuis le 26 juillet 2013, un arrêté qui concerne la totalité du littoral de notre île (hors lagon et dérisoires/éphémères espaces aménagés/protégés). 

Le gouvernement Macron s’est juste contenté depuis 2017 de tenir le cap d’une politique préventive lancée depuis 2014 basée sur la pêche. Là encore, le président n’a pas fait honneur à ses engagements de 2017 où il dénonçait lui-même l’incompatibilité d’une Réserve Marine en plein cœur d’une zone balnéaire. Une situation unique au monde, et qui n’a toujours pas fait l’objet de la moindre modification malgré nos demandes incessantes.
Et c’est d’ailleurs encore aujourd’hui tout l’enjeu : les organisations de défense des requins mangeurs d’hommes attaquent sans relâche chaque décision de pêche dans la Réserve Marine. Des décisions pourtant cruciales quand on sait que cet espace protégé englobe quasiment toutes les plages de notre littoral. C’est d’ailleurs en raison de ces règles inchangées depuis la création de la Réserve Marine en 2007, ignorant la présence des prédateurs, que l’État lui-même est débouté en justice d’une bonne part de ces démarches de sécurisation par la pêche. Encore récemment en mars 2022, l’arrêté autorisant la pêche après observation dans la réserve marine lancée par l’État a été jugé illégal par le tribunal administratif. 

On ne compte plus depuis 2011 les procédures et les procès des fous du dieu requin à la Réunion. Et face à la résistance locale, ils œuvrent en parallèle au plan national et international pour assouvir leurs sombres desseins. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir montré patte blanche d’un point de vue environnemental, entre l’invention dès 2014 des smart drumlines (alerte de capture en temps réel permettant de relâcher vivantes les espèces inoffensives), la protection totale de 5 espèces de requins de récif depuis 2015 (en « compensation » de la pêche des tigres et bouledogues), ou encore les innombrables autres contraintes imposées (type d’appât, horaires, localisation, contrôles, etc.). 

Qu’importe les efforts et le résultat (plus aucune attaque depuis mai 2019), rien ne suffit à contenter les écologistes, et plus que jamais cette politique préventive est sur la sellette, avec de nouveaux procès en cours. Forts du soutien des biologistes, tous engagés dans la création des réserves et la protection des requins, ils ont réussi à faire paraître en mars 2022 un texte inquiétant au niveau de l’UICN (puissant organisme international qui décide de la protection des espèces) qui se prononce contre la pêche préventive. Il est absolument certain qu’en dépit de la réalité des espèces tigre et bouledogue nullement menacées, car prolifiques et extrêmement répandues, ils devraient tôt ou tard arriver à leur fin à force de lobbying dans les couloirs des ministères et instances internationales. 

De l’autre côté, le grand mépris dont nous faisons l’objet s’illustre aussi sur la scène politique avec une réponse sidérante du ministre de la Mer le 3 mai 2022. À la question écrite d’une députée s’inquiétant du sort des requins, il indique « À la Réunion, les attaques récurrentes de requins sur l’homme ont conduit les autorités locales à prendre, en guise de catharsis, des arrêtés autorisant la destruction des squales ». 

La réponse aux 11 morts, 5 mutilés graves, une économie détruite, 10 ans d’interdiction de baignade serait une pêche « cathartique », juste pour apaiser la colère et la douleur notamment des familles ? 

Alors que de l’autre côté la préfecture de l’île de la Réunion répondant à une énième attaque des extrémistes de l’océan indique dans un communiqué le 20 juillet 2022 que cette même pêche préventive a conduit à diviser par 5 la fréquentation de nos rivages par les requins dangereux, et « qu’il n’existe pas à ce jour de solution opérationnelle permettant de s’affranchir de la pêche », dont l’efficacité porte des fruits évidents après trois années sans attaque et un bilan de 633 gros requins bouledogues et tigres prélevés depuis 2014. 

Il aurait été bon au contraire que les politiques ainsi que la justice s’interrogent sur la part de responsabilité de tous ceux qui se sont opposés depuis 2011 à la pêche préventive, la seule méthode efficace de réduction du risque utilisée dans le monde avec succès sur les plages protégées, depuis 80 ans en Australie et 50 ans en Afrique du Sud. 

Ainsi, d’un côté nous avons un président de la République au chevet des bergers alors que ce sont des brebis qui sont mangées. De l’autre, des familles et des acteurs engagés qui n’auront même pas été reçus, alors que ce sont des hommes, des femmes, des enfants qui se sont faits dévorer. 

D’un côté, le président de la République annonce des mesures et son engagement pour faire évoluer les règles de protection Européenne… De l’autre, il persiste à nous laisser en pâture, sans faire évoluer les règles de la Réserve Marine Nationale toujours incompatibles aujourd’hui avec la préservation des vies humaines. Nous ne demandons pas de moyens supplémentaires d’argent, mais juste l’ajout d’un article de bon sens au décret initial de la réserve marine : « en l’absence de moyens suffisants il est possible de déroger à la règle de protection des espèces pour protéger les vies humaines ». Ce simple point suffirait pour en finir avec cette « guéguerre », et apaiser définitivement notre île, en proie à suffisamment de difficultés pour demeurer indéfiniment dans une telle situation. 

En attendant le constat est amer et le message du président de la République on ne peut plus clair : mieux vaut être une brebis dans l’Hexagone qu’un être humain à l’île de la Réunion ! 

Jean-François Nativel

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