DEFAILLANCES JUDICIAIRES
Le gouvernement a décrété faire de la lutte contre les violences intrafamiliales une priorité. Celle des policiers et des gendarmes, celle des Préfets de Région, celle de la Justice. L’affaire d’Elvina Périanmodely illustre parfaitement le cas de ces femmes dont les souffrances ont trop longtemps été ignorées et continuent parfois de l’être. En 2013, lorsqu’elle a perdu son bébé à 6 mois de grossesse – après les coups de son compagnon – elle était juste seule. Après avoir été refusées à plusieurs reprises, ses plaintes ont été classées sans suites. Elle l’a appris il y a quelques semaines. Samedi 8 octobre, près de 80 personnes ont rendu hommage à la petite Marie devant le tribunal de Champ Fleuri. Elle raconte son histoire dans une vidéo réalisée en partenariat avec Krea’Zot.
« Samedi, c’est le travail de deuil qui s’est fait et qu’on n’avait jamais pu faire », réalise quelque jours plus tard Elvina Périanmodely. En rentrant du rassemblement, la femme de 47 ans, employée bancaire, et ses filles sont encore bouleversées. « C’est comme si on était parti aux funérailles, on a pu enfin faire notre devoir de mémoire ». « Ma fille n’est pas un animal, elle a une existence, on ne peut pas la faire disparaître comme ça sans reconnaissance, sans suites judiciaires, sans rien. » Ce samedi 8 octobre, près de 80 personnes se sont rassemblées sur le parvis du tribunal de Champ Fleuri à Saint-Denis pour rendre hommage à la petite Marie.
Plaintes refusées
L’enfant, née à 6 mois de grossesse à cause des coups de son père sur sa mère, a lâché son dernier souffle une heure après le premier. C’était en 2013.
Dans la foulée, Elvina fait une septicémie et manque de peu de mourir à son tour. Son compagnon qui l’a mise à la porte le soir des coups vient chercher le corps de l’enfant accompagné de policiers en uniforme, laissant entendre qu’elle serait à l’origine du décès. « Je me suis demandée comment j’avais pu laisser faire ça… » confie Elvina Périanmodely. « Mais j’étais en état de choc, les policiers étaient là, je sortais des calmants, des antibiotiques, il y avait eu les souffrances… »
Condoléances
Les mois suivants, meurtrie physiquement et psychologiquement, Elvina tente de porter plainte. Les années qui suivent, elle a en fait essayé à plusieurs reprises de faire enregistrer sa plainte au commissariat de Saint-André, puis ailleurs, sans succès. Les policiers, proches de son ancien compagnon, ont tout bonnement refusé ses plaintes, malgré les différentes preuves portées par la victime : certificats médicaux, témoignages des enfants ou encore textos de l’homme violent.
Là, devant le tribunal ce samedi, le groupe a observé 5 minutes de silence. Après quelques prises de parole, une plaque a été accrochée et chacun a pu déposer une fleur « comme on fait avec un cercueil ». « Tout le monde m’a présenté ses condoléances, puis on a fait le lâché de ballons, c’était très émouvant. » De nombreuses personnes, amis ou simples connaissances, sont venues spontanément soutenir la mère de famille lorsqu’elles ont appris son histoire. « Personne n’était au courant, ils étaient choqué d’apprendre ça sur RTL. A l’époque, il n’y avait que certains amis très proches que j’avais mis au courant. Eux non plus n’ont pas pu voir l’enfant. C’était horrible. »
« Reconnaître son statut de victime »
Elvina Périanmodely est plus que jamais déterminée aujourd’hui, et la présence de ces nombreux soutiens lui donne de la force. « Il y aura d’autres rassemblements, il devra y avoir des explications », souligne Elvina, soutenue par différentes associations et collectifs (l’Union des femmes réunionnaises, les Révoltés du 974, le Cevif, Protégeons nos enfants, Femmes solid’air…). Elle a appris il y a quelques semaines le classement sans suites des trois plaintes qu’elle était finalement parvenu à déposer. Désormais, elle se tournera vers le doyen des juges d’instruction. « Je pensais vraiment que Justice serait faite, qu’on reconnaitrait à Marie son statut de victime. Mais non. Il semble que l’on valide plutôt la voix du silence pour les victimes. »
Nous avons rencontré Elvina. Elle raconte son histoire dans un long entretien réalisé avec Kréa’Zot. (Pour en voir un court extrait, c’est sur Facebook.)
Jéromine Santo-Gammaire