PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
Un titre ne devrait pas comporter de point d’interrogation. Mais quand on annonce un nouvel élan pour l’économie social et solidaire, il est difficile de ne pas être sceptique. Mieux vaut tard que jamais…
Disons le d’emblée, Parallèle Sud est « juge » et « journaliste » dans cette histoire de l’économie sociale et solidaire. ESS, trois lettres issues d’un jargon qui ne parle pas forcément à tout le monde. Pour faire court, ça recouvre tous ces gens qui voient le monde économique avec une autre intention que celle de faire grossir des comptes en banque, tous ces gens qui espèrent avoir un impact positif sur la société et l’environnement, tous ces gens qui prônent le bien-être au travail grâce à une gouvernance démocratique.
C’est ce que veut faire et être l’association Parallèle Sud, créée le 28 juin 2021. Nous étions donc directement intéressés par la tenue de la première conférence régionale de l’ESS qui s’est tenue le 29 novembre dans le cadre somptueux du Moca. Mais comme nous sommes aussi « journalistes », nous avons un regard forcément critique sur les grands messes et les annonces…
Cette première conférence, censée se tenir tous les deux ans depuis la loi cadre de l’ESS de 2014 arrive donc un peu tard… La nouvelle majorité régionale s’est engagée à favoriser l’ESS, plus que ne le faisait la précédente mandature. Mais le vice-président délégué Frédéric Maillot, moins d’un an après sa prise de fonction, est devenu député et a passé le relai à Evelyne Corbière, ce qui peut expliquer un nouveau retard à l’allumage.
Evelyne Corbière a donc eu l’honneur de marquer ce « nouveau départ » de l’ESS tout en questionnant la tendance qu’a l’économie marchande de se réclamer des valeurs du « social » et du « solidaire » tout en accumulant les bénéfices… « Nous sommes plus riches, mais sommes nous plus heureux »?
Pas « bankable »
La Région affiche son intention de ne pas soutenir le « social washing » et le « greenwashing ». Ce nouvel élan coïncide avec la montée en puissance de la Chambre régionale de l’ESS (CRESS), renforcée en effectifs et relogée dans des locaux plus fonctionnels.
La nouvelle équipe de la CRESS s’est employée depuis le début de l’année à remobiliser les réseaux de l’ESS. Depuis le mois d’août dernier, elle a organisé des ateliers aux quatre coins de l’île pour écrire un « schéma régional de l’économie social et solidaire » qui s’intégrera lui-même dans le « schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation » (SRDEII).
Un schéma de plus, un nouveau « livre blanc » à rajouter à la liste ? C’est toujours mieux que rien. Mais quelles actions concrètes pour vraiment favoriser le milieu associatif ? Virginie Lepicard, de l’association Reutiliz (projet de recyclage du verre) a bien rappelé à l’assemblée que « les associations n’ont pas une image bankable ». « Elles n’inspirent pas confiance aux financeurs, alors que partout, les gens se perdent dans leur travail et se retrouvent dans les valeurs de l’économie sociale et solidaire ».
Celles qui sont déjà bien installées sur la place devraient pouvoir bénéficier des orientations définies dans le nouveau plan. Elles ont pu participer à son élaboration. Quant aux autres… Elles trouveront peut-être, enfin, un interlocuteur de bons conseils auprès de la CRESS ou de France Active. Espérons…
Dans les faits récents, une association qui se crée ne peut compter que sur ses propres ressources pour passer le cap de la première année. A Parallèle Sud, nous avons pu constater qu’aucune institution n’est armée pour fournir les conseils élémentaires concernant la rédaction des statuts, le juridique, le comptable, le financement… Les premiers accompagnements ne se dégagent qu’à partir du moment où l’association est employeuse… Et comment devient-on employeur ? Ansort aou !
Il paraît que les collectivités seraient réticentes à débloquer des fonds et de l’énergie pour « les premiers venus ». « On a tellement vu passer de projets farfelus qui ne voient jamais le jours », a-t-on entendu… Okay, il faudrait donc considérer cette invitation au « Ansort aou » comme une épreuve obligatoire pour prouver que les « rêveurs » peuvent devenir des « réalisateurs ». La défiance vis à vis des ces associations « non bankables » va hélas se cacher dans les moindres détails. Par exemple, la conférence de l’ESS aurait pu faire intervenir une association à but non lucratif plutôt qu’une société privée pour assurer la prestation de restauration de son événement… Mais les habitudes ont la vie dure.
« On n’est pas des mendiants »
Trèves de sarcasme, un nouvel élan est promis. Le président de la CRESS, Frédéric Annette, fait le voeu de construire une « école du bénévolat » pour accompagner « les militants » de l’ESS. « Le terrain est en attente de reconnaissance et il est décisif pour l’ESS de changer d’échelle ». La secrétaire générale des affaires régionale de la préfecture, Nathalie Infante évoque même « un engagement pour sauver le monde ». Et la Région de promouvoir « un énorme accompagnement financier de l’Etat et de l’Europe ». Le plan de la CRESS prévoit entre autres, d’organiser un salon de l’ESS, d’établir un label de l’ESS, de promouvoir l’ancrage territorial, d’organiser l’interconnaissance : « mettre des noms sur des visages »…
Il est vrai que, chiffres à l’appui, l’ESS représente 24 425 emplois à La Réunion et 632 millions d’euros de masse salariale. Elle est surtout présente dans le secteur du médico-social. Est-ce pour autant que les salariés de ces structures-là sont mieux considérés que ceux du privé ? Bénéficient-ils de cette fameuse « gouvernance démocratique » définie par la loi de l’ESS ?
Sans faire de généralité, les exemples ne manquent pas où les valeurs de l’ESS sont dévoyées au sein même de l’ESS. La CRESS-Réunion qui devient le bras armé de la Région semble en tout cas à l’écoute des « militants ». C’est d’ailleurs avec cet esprit « militant » que Frédéric Auré, le directeur de la CRESS a rappelé le leitmotiv, sorti des réunions préparatoires : « On n’est pas des mendiants » !
Franck Cellier
Prix 2022 de l’ESS
A l’issue de la première conférence de l’ESS à La Réunion, deux entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) se sont vu remettre le prix de l’ESS 2022
La Maison des parents pour son projet d’accueil et hébergement de proches de malades hospitalisés à proximité du CHU de Bellepierre afin de rompre l’isolement des malades (particulièrement les enfants) et leurs familles. Il s’agit d’éviter l’isolement des enfants hospitalisés en leur permettant d’avoir leurs parents près d’eux.
Les Alchimistes péi pour leur projet d’optimisation du retour au sol de la matière organique contenue dans les biodéchets pour rendre les sols vivants et lutter contre le réchauffement climatique tout en créant des emplois locaux. Il s’agit de stopper l’enfouissement, produire un engrais local et créer une filière d’emplois