LIBRE EXPRESSION
C’était il y a quelques années. J’avais attiré l’attention de nos responsables de collectivités sur la délicate situation du monde des Petites et Moyennes Entreprises (PME) de notre île qui présentent elles aussi des offres lorsque des appels d’offres sont rendus publics.
J’avais alors cité le cas d’une commune de notre île où se tenait une Commission d’Appels d’Offres pour l’attribution, entre autres, d’un marché qui concernait un certain nombre de chemins bétonnés.
J’avais alors précisé qu’il n’est point important de citer ni la Commune, ni les entreprises ici concernées, car ce que nous relations alors pouvait valoir pour chacune de nos Collectivités, Sociétés d’Économies Mixtes ou autres.
Mon propos visait simplement à attirer l’attention des décideurs pour qu’ils n’hésitent pas à partager avec les bureaux d’études par eux choisis et avec leurs services techniques ce qu’ils peuvent avoir, en leur qualité de responsables de politiques économiques et sociales, comme préoccupations en ces temps de crise économique : une équité soutenue dans la préparation des documents qui réglementent les attributions de marchés publics placés sous leur autorité.
Ainsi, je citais ce cas où, pour réaliser 12 chemins bétonnés, des élus siégeant en CAO avaient à choisir en final entre deux entreprises, toutes les deux ayant largement la capacité technique de réaliser lesdits chemins. Toutes les deux entreprises ont sur ce plan des références vérifiables sur les territoires de la Commune ou de la micro région concernées.
Une logique qui commence à être admise veut que les Maîtres d’Ouvrages, dans le cas de travaux ne présentant pas de difficultés techniques majeures, font du prix l’élément déterminant. Ainsi, il est courant que celui-ci soit pris en compte pour 60% dans les critères de choix, laissant 40% pour la valeur de l’offre technique. Il est même arrivé que lesdits critères aient pu être positionnés respectivement à 70% et 30%.
L’objectif d’une telle logique est clair : permettre à des entreprises classées comme moyennes ou petites, et qui ont apporté la preuve qu’elles ont la capacité de réaliser les travaux demandés, d’accéder à des marchés publics quand elles ont fait l’effort de présenter les prix les meilleurs. Bien entendu, il ne s’agit pas pour une CAO d’être dupe de prix fantaisistes anormalement bas.
Dans le cas du marché pour les 12 chemins bétonnés, une PME présentait toutes les garanties techniques que de tels travaux demandent. Et son offre financière était la meilleure. Pourtant, cette PME n’a pas été attributaire du marché, au motif que le délai d’exécution était supérieur de quelques semaines à celui de la grosse entreprise arrivée en seconde position. Le critère du délai avait été fixée à 10%, laissant 50 % à celui du prix et 40 % aux critères techniques .
C’est la vision administrative qui l’avait emporté sur une considération politique visant à tenir compte des réalités de la PME, une vision administrative nullement adaptée à la période que nous vivons et à la nécessité de prendre des risques, c’est-à-dire de prendre et assumer ses responsabilités.
Il ne s’agit surtout pas ici d’en vouloir à la grosse entreprise. Elle a elle aussi besoin de marchés en ce moment. Nous posons simplement la question de savoir s’il est opportun, pour qui inspirent et rédigent les dossiers de consultations des entreprises, d’y introduire des aspects de règlements qui facilitent, voire forcent à l’élimination d’autres, plus petites mais tout autant capables de remplir, dans certains créneaux de la vie économiques, un rôle social dans notre île. La PME n’a pas les moyens de la grosse entreprise. Fallait-il qu’elle soit pour autant pénalisée sur une question de quelques semaines de délai d’exécution pour 12 chemins bétonnés, alors que son offre coûtait moins cher à la collectivité ?
Plus que jamais, il importe que nos décideurs se désolidarisent des logiques de ceux qui sont loin des réalités sociales du terrain, et qu’ils sachent faire valoir une vision réaliste et humaniste de leur rôle. Notre société a tout à y gagner.
Raymond Lauret
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.