Abdou remet un panier alimentaire à madame Itema, bénéficaire de l'aide du CLAP.

A Saint-Pierre, les agents du CLAP au chevet des personnes isolées avant l’arrivée du cyclone Garance

Alors que l’alerte rouge a été déclarée à 19h sur l’île et que le cyclone tropical Garance est en approche, les équipes du CCAS de Saint Pierre s’activent depuis le mercredi 26 février pour tenter d’apporter un soutien logistique et moral aux personnes les plus vulnérables. 

Il est 14 h lorsque Stéphane et Abdou quittent le CCAS (Centre communal d’action sociale) de Saint-Pierre en direction de Montvert-les-Hauts. Tous deux travaillent pour le CLAP (Centre Local d’Aide aux Personnes âgées) de la commune et sont mobilisés dans le cadre du dispositif d’urgence mis en place avant l’arrivée du cyclone.

« Depuis hier, nous avons repris la liste des 232 personnes vulnérables que nous tenons régulièrement à jour et nous avons appelé chacune d’elles pour connaître leurs besoins », explique Abdou, assistant social. « Pour certains, il s’agit de besoins matériels, tandis que d’autres ont surtout besoin d’être rassurés et informés », précise Stéphane.

Rencontre avec Patrice, un cyclone dans les bois

À leur arrivée au Domaine Vidot, à Montvert-les-Hauts, Patrice, un SDF de 43 ans, les attend sous un kiosque. Surpris par leur visite, il leur confie avoir reçu leur appel avec étonnement, n’ayant plus eu de nouvelles du CCAS depuis près de deux ans, date à laquelle des agents étaient venus le voir lors du dernier recensement.

Après plusieurs minutes de discussion, Patrice accepte de leur montrer son lieu de vie : une tente installée dans les bois, où il vit depuis trois ans avec sa chienne Noisette. Le dispositif est précaire et, avec l’approche du cyclone, le risque que la toile s’arrache ou qu’un arbre s’abatte sur lui est élevé. Pourtant, Patrice reste inflexible. Malgré les mises en garde d’Abdou et le rappel de Stéphane sur l’existence d’un centre d’hébergement d’urgence à proximité, il refuse d’abandonner son refuge.

« Des cyclones, j’en ai déjà vécu ici, et jusqu’à présent, je m’en suis toujours sorti », dit-il. Pour lui, qui a « choisi de vivre dans les bois », il est « inconcevable de quitter (sa) maison ». Finalement, Patrice accepte le panier alimentaire et le kit d’hygiène remis par Stéphane, puis les agents reprennent leur route vers la Ravine des Cabris pour une autre distribution.

Montvert les Hauts. Patrice, accompagné de sa chienne Noisette nous emmène vers son lieu de vie. Pour lui, il hors de question de quitter sa forêt.
Montvert les Hauts. Patrice habite cette tente depuis près de trois ans et passera la nuit ici alors que le cyclone Garance approche.
Patrice nous accueille sous un kiosque au domaine Vidot. C'est là qu'il se réfugie les jours de pluie.
Montvert les Hauts. Patrice nous accueille sous un kiosque au domaine Vidot. C’est là qu’il se réfugie les jours de pluie.

Monsieur Pattiama, entre attachement et raison

Chez Monsieur Pattiama, une kaz en dur trône au milieu de la cour, entourée de kaz en tôles. Une chambre, une petite salle à vivre et une cuisine : tout cela a été construit grâce à l’aide du CCAS.

Interrogé sur le fait que sa nouvelle cuisine est toujours flambant neuve, Monsieur Pattiama explique qu’il utilise encore l’ancienne, par habitude. Lorsqu’on lui demande où il compte passer le cyclone, il hésite. « J’habite dans cette maison depuis que je suis marmaille, et des cyclones, j’en ai vu passer des dizaines. Alors pourquoi changer mes habitudes ? »

Abdou et Stéphane insistent doucement. « Cette fois, il vaudrait mieux rester dans la kaz en dur, elle résistera bien mieux que la tôle », lui expliquent-ils. Il acquiesce, pensif. À voir ses kaz en tôles encore debout malgré les tempêtes passées, on pourrait presque croire qu’elles sont indestructibles. Mais face à la force du cyclone annoncé, mieux vaut ne pas tenter le sort.

kaz en tôles chez monsieur Pattiama.
Ravine des Cabris. « J’habite dans cette maison depuis que je suis marmaille, et des cyclones, j’en ai vu passer des dizaines. Alors pourquoi changer mes habitudes ? »
explique monsieur Pattiama.
Monsieur Pattiama cuisine toujours dans sa kaz en tôle, comme depuis toujours quand il était
Ravine des Cabris. Monsieur Pattiama cuisine toujours dans sa kaz en tôle, comme depuis toujours quand il était marmaille.
Dans la petite kaz qui lui a été construite avec le soutien du CCAS, Monsieur Pattiama n'a toujours pas fini d'enlever les protections des meubles.
Ravine des Cabris. Dans la petite kaz qui lui a été construite avec le soutien du CCAS, Monsieur Pattiama n’a toujours pas fini d’enlever les protections des meubles.
Dans la cour de monsieur Pattiama, le temps semble s'être arrêté.
Ravine des Cabris. Dans la cour de monsieur Pattiama, le temps semble s’être arrêté.

Madame Itema, l’inquiétude d’une aînée isolée

La tournée se termine dans le quartier de Ligne Paradis, chez Madame Itema Joséphine, 95 ans, qui habite seule. Abdou et Stéphane s’assurent qu’elle sera bien entourée durant le cyclone et qu’elle ne manquera de rien.

Installée en fauteuil roulant depuis peu, elle redoute surtout les fortes pluies et les risques d’inondation. « Si jusqu’à présent je n’ai jamais eu d’eau chez moi, on ne sait jamais ce qui peut arriver », confie-t-elle en désignant la porte d’entrée qui donne directement sur la route. Après quelques échanges avec elle et son fils, le binôme termine enfin sa mission et prend la route du centre-ville de Saint-Pierre.

Abdou rend visite à madame Itema chez elle pour lui apporter un panier alimentaire.
Ligne Paradis. Abdou rend visite à madame Itema chez elle pour lui apporter un panier alimentaire.
Madame Itema, chez elle quelques heures avant l'arrivée du cyclone Garance.
Ligne Paradis. Madame Itema, chez elle quelques heures avant l’arrivée du cyclone Garance.
Madame Itema craint que l'eau ne rentre chez elle alors que c'est le premier cyclone qu'elle va vivre en fauteuil roulant.
Ligne Paradis. Madame Itema craint que l’eau ne rentre chez elle alors que c’est le premier cyclone qu’elle va vivre en fauteuil roulant.

Dernier appel avant le couvre-feu

« Une grosse partie de notre travail, c’est de faire du social, écouter les gens, leur permettre de se livrer et de ne plus se sentir isolés », explique Abdou alors que son téléphone sonne une dernière fois. Une habitante du quartier du Lavoir appelle, inquiète. Seule et diabétique, elle craint de vivre le cyclone isolée.

Arrivés chez elle, Stéphane et Abdou la rassurent et lui proposent une solution : elle peut être prise en charge dans un centre d’hébergement d’urgence, où d’autres travailleurs sociaux du CCAS veilleront sur elle.

Finalement, un rendez-vous est fixé pour plus tard. Stéphane et Abdou rentrent chez eux alors que le couvre-feu approche. Un court répit avant une possible nouvelle urgence dans la nuit. Demain, une autre mission les attend, lorsque le cyclone sera passé et qu’il faudra, encore une fois, être présents pour les plus fragiles.

Olivier Ceccaldi (article & photos)

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