Cent vingt sept photos, beaucoup de doutes, de l’émotion, une volonté farouche d’y arriver, dix-sept personnes opérées d’une chirurgie bariatrique et une photographe. C’est ce que le CHU de Saint-Pierre nous propose à voir jusqu’au 15 avril.
Difficile de savoir qui on est, se connaitre et se reconnaitre quand on vient de perdre cinquante kilos. C’est ainsi que Marie Manecy, artiste photographe spécialisée en art en santé, vient en aide à dix-sept personnes qui, après une opération chirurgicale de l’obésité (sleeve ou bypass), doivent renaître et se reconstruire. L’exposition nommée Apprivoise est née de ce travail, et est à voir jusqu’au 15 avril dans le hall du pôle mère enfant, étage -2, du CHU de Saint-Pierre.
« Ce projet s’adresse à des personnes qui ont subi une chirurgie bariatrique depuis au moins dix à vingt-quatre mois, c’est-à-dire en phase de lune de miel, en pleine dynamique de perte de poids », indique Véronique Fontaine, coordinatrice administrative du centre spécialisé de l’obésité Réunion Mayotte, qui dépend du CHU (Centre hospitalier universitaire), soulignant que l’obésité est une maladie. « Le changement surprend les patients, ajoute Véronique Fontaine. Ils ont du mal à se reconnaître dans un corps qui change, qui retrouve légèreté, mobilité, estime de soi… »
Se trouver beau
Pour autant, la vie d’un opéré n’est pas facile les premiers temps. Il faut manger liquide, puis en purée, de toutes petites portions cinq à six fois par jour, avec un estomac qui est passé de 700 à 1000 millilitres à seulement 300 millilitres. Viennent les doutes, la dépression, le regard des autres, des proches qui souvent change, parfois les divorces. C’est là que la photo prend toute sa place, pour exprimer ce que l’on ressent et se trouver beau.
Julie Sérafim s’est représentée en mariée sur la plage de Grand-Anse. « Jusqu’à présent, je n’imaginais pas me marier, ou alors en tout petit comité, tellement je déteste être le centre de l’attention. Cette séance m’a permis de me préparer, et la confiance retrouvée permet d’envisager un grand mariage, avec toute la famille », se félicite la jeune mère de famille. Sur une autre photo, on la voit en plein doute sur le bien fondé d’avoir été opérée.
« Chacun établi un scénario que j’aide à réaliser. Sur beaucoup de photos, on voit des bras ouverts, la liberté retrouvée, la légèreté des vêtements qui volent… », raconte Marie Manecy, la photographe. Il lui faut trouver le lieu, l’ambiance, pour illustrer qui « veut se représenter en sortant d’un volcan », qui « se représente en mariée sur une balançoire dans un verger ». Souvent encore, pour représenter l’avant-après, ce sont les vêtements devenus beaucoup trop grands qui sont utilisés, les photos souvenirs d’un temps révolu. Aux 127 photos sont accolées 103 témoignages audio et un très touchant film qui sont présentés dans cette exposition.
Le projet « Apprivoise », photographies et exposition, se double d’une étude scientifique qui va en mesurer le bénéfice. Isabel Urdapilleta, professeure des université en psychologie sociale de la santé et psychologue, spécialisée dans la question de l’obésité accompagne ce projet et réalisera des entretiens avant et après le travail de photographie pour en mesurer les bienfaits et l’impact du programme artistique sur la santé et la psychologie des participants. Les résultats de son travail seront publiés dans une revue scientifique.
Philippe Nanpon
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