CYCLONE BELAL
Force du vent localement ou comparaison avec l’année d’avant, les critères pour espérer une indemnisation sont parfois absurdes. Les agriculteurs espèrent être indemnisés des pertes subies pendant Belal, Olivier Fontaine, secrétaire général de la chambre d’agriculture nous livre leur désarroi.
- Olivier Fontaine, l’état de catastrophe naturelle ne prendra pas en compte les dégâts causés par le vent. Comment réagit la profession agricole ?
- L’agriculture est protégée par un autre dispositif, celui de la calamité agricole. J’ai encore vu le préfet aujourd’hui (Ndlr : mardi, jour de manifestation), je lui ai posé la question. Le vent sera pris en considération m’a-t-il dit. Le rapport définitif sera publié vendredi (le 2 février) et transmis au ministre des Outre-Mer.
- Le calcul se base-t-il sur les mêmes critères partout en France? C’est rare des vents de plus de 140 km/h dans la Beauce.
- Non, il existe un régime spécifique pour l’outre-mer. Mais ce régime est vieillissant, nous demandons depuis longtemps à ce qu’il soit réétudié.
- Vous avez obtenu l’écoute du préfet?
- Il nous a promis une version light pour les dossiers et pas plus de cinq à six mois d’attente pour les indemnisations. Certains papiers, comme ceux qui concernent la MSA ne seront pas demandés ; cependant il faut être à jour quand même.
- Que pouvez-vous attendre comme indemnisations?
- Le chiffre de pertes agricoles est estimé à 39 millions d’euros. Il faut justifier de 13% de perte de chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente ou de 25% de perte de production, et les indemnisations ne couvrent que 35% au maximum des pertes estimées.
- Si le critère de vent de plus de 140 km/heure est effectif, comment savoir précisément où il a soufflé à cette puissance?
- En effet, La Réunion compte deux cents microclimats. Le vent ne souffle pas partout de la même façon, il y a des couloirs où le vent prend de la vitesse, ailleurs des zones sont restées à l’abri. La question de savoir si les stations météo sont représentatives est tout à fait pertinente et c’est l’un de nos points de discussion. L’an dernier, quatre communes de l’Est ont été exclues des indemnisations, tout simplement parce qu’il n’y avait pas de relevés localement. Pour pallier ce problème, les agriculteurs sont même prêts à installer des stations météo chez eux.
- Les comparaisons d’une année sur l’autre ne posent-elles pas, elles aussi, un problème ?
- Oui tout à fait. Comment comparer une parcelle de maraîchage où l’on fait tourner les cultures? On ne peut pas prendre ce critère en considération quand une année vous avez des bringelles et l’année suivante des carottes. La valeur du produit, sa fragilité, sa maturité sont différentes. Les risques et les coûts sont différents. Comparer d’une année sur l’autre, c’est aberrant ; ce serait tellement plus simple d’adopter un système de forfait.
- Et qu’en est-il des serres qui ont été débâchées? Et n’est-ce pas la responsabilité des pouvoirs publics qui ont annoncé des conditions extrêmes où, comme dans les hauts de Saint-Paul, on était relativement à l’abri?
- Les serres sont des structures et relèvent du système des assurances, pas des indemnisations de l’Etat. Mais personne n’est assuré car ces risques ne sont pas garantis ou, quand il est possible de les assurer, c’est hors de prix. Dans l’Hexagone, ils n’ont pas ces problèmes ; ils sont assurés et l’indemnisation est rapidement débloquée. Pour ce qui est des prévisions, la question mérite d’être posée mais je crains qu’il n’y ait pas de réponse.
- Il y a d’autres spécificités à La Réunion ?
- Le ravinement des chemins agricoles n’est pas pris en compte. Chez moi, dans l’Est, c’est un désastre, les chemins ont été transformés en ravines. La rivière aussi a débordé et tout noyé ; pourtant, c’est de la responsabilité de l’Etat de les entretenir, d’autant qu’il existe des crédits pour ça mais personne ne s’en occupe.
- Malgré tout vous semblez confiant?
- Le préfet a assuré que l’ensemble de La Réunion sera pris en compte. Et que les démarches seront plus simples, plus souples que d’ordinaire. J’ai en effet bon espoir que cette promesse sera tenue.
- Propos recueillis par Philippe Nanpon