UN CONCERT RACONTÉ PAR LE BISIK
Vendredi 15 novembre, le Bisik à accueilli deux étoiles, – ou plutôt deux soleils –, qui ont illuminé un public venu nombreux pour l’ouverture officielle du Festival Blues Maron à Saint-Benoit. Une soirée remplie d’émotion et d’enchantement, où le blues et le maloya se sont unis grâce à leurs racines créoles communes. Un voyage exceptionnel, riche de sens et de profondeur, qui a su captiver les quelques 130 spectateurs présents.
Tandis que le Téat Plein Air vibrait aux rythmes de Boubacar Traoré et de Votia, le Bisik inaugurait en même temps et sans solennité, la deuxième édition du Festival Blues Maron avec un plateau tout aussi vibrant. Une soirée placée sous le signe du métissage qui a offert au public venu nombreux de riches découvertes et de belles émotions.
Entrée en matière saisissante, avec Zanfan la Poussière, qui malgré leur fragilité a enchanté la salle avec un maloya frais et percutant. Puisant dans les profondeurs du patrimoine musical réunionnais, le groupe raconte des histoires universelles tout en restant ancré dans leur identité fièrement créole, une fusion des musique folklorique, Maloya, séga, polka, valse !
« Le kayamb chavire » évoque le bruit des vagues qui frappe les galets des côtes bénédictines, tandis que les arpèges s’élèvent et enveloppent les spectateurs. Les visages s’illuminent, et la scène devient un voyage où tradition et émotions s’entrelacent.
Etienne Rey, leader charismatique du jeune groupe, dévoile une voix singulière qui glisse avec aisance le long des fils nylon de sa guitare, rejoints en harmonie par Vanessa Bile-Audouard, Julien Rivyèr, François Fock-Chow-To et Frédérick Célestin. La cadence du triangle s’accélère, le roulèr de Julien martèle des rythmes sombres et transperçants, une main frappe la peau, l’autre la batterie… les cœurs du public commencent à battre à l’unisson.
Un maloya enraciné et transcendé
Ces multi-instrumentistes ont brillé par leur polyvalence : tantôt vulnérable, tantôt enragé, ils insufflent une énergie magnétique à chaque morceau. Les congas de Frédéric, aux rythmes chauds et syncopés se mêlent aux chimes, ces cloches tubulaires qui évoque le bruit des étoiles et saupoudrent l’espace d’une poussière… magique.
“Vanessa” : Un instant d’émotion brute, sublimé par une trompette qui annonce un chant d’amour dévoué. Étienne s’interroge sur le sens de son existence sans “elle”. Ce morceau s’entrelace avec une reprise envoûtante de “Canzone Appassiunata” qui nous transporte en Italie. Les influences valse-tango fusionnent avec le maloya, tandis que la clarinette et la trompette soulignent des transitions de genres parfaitement maîtrisées.
Une dédicace d’Etienne à ses dalons d’ici et de la France avec “Po Ibou”, ce morceau qui dépeint les douleurs et contradictions de l’amour : “L’amour i fé mal, na poin ciment, lèr pou pren, i pren le temps”, alternant entre maloya mélancolique et sega-maloya à l’accordéon saccadé, un titre qui a littéralement percé les cœurs.
Véritable clou de ce début de spectacle : “La di mon péi la Frans”, morceau qui explore les contradictions identitaires entre La Réunion et La France. Habité par l’émotion, Etienne livre une performance viscérale, mêlant douleur et fierté. Avec des paroles percutantes comme “Mon kozman lé faible, mon kreol lé makote, mon zoreil lé makote”, Zanfan La Poussière frappe fort et questionne les enjeux identitaires sans tabou. L’arc du bobre et les percussions amplifient cette intensité, et la salle répond avec des claps enthousiastes dans une énergie collective.
C’est après un “Kreol”, célébrant la fierté d’une culture enracinée dans la diversité et la résistance que le public conquis, salue le groupe avec l’impression d’avoir vécu une véritable catharsis musicale. “Mersi Bonpé” à Zanfan La Poussière pour cette prestation lumineuse qui ouvrait magistralement cette soirée mémorable !
Après un changement de plateau rondement mené, les spectateurs se préparent pour la deuxième partie de cette soirée, avec une légende vivante du Blues Cajun : Cédric Watson accompagné par les Flyin Saucers Gumbo Specials venus eux de Bordeaux.
Cédric Watson et les Flyin Saucers Gumbo Specials : Une traversée entre Louisiane et Blues créole
Immédiatement le Bisik se transforme en un bayou brulant. Ce voyage musical est un aller simple vers les confins du sud de la Louisiane pour le public de Saint-Benoît immédiatement conquis.
Dès les premières notes de “Cedric’s Zydeco”, la salle s’est imprégnée d’une énergie festive et contagieuse. Les instruments joyeux et les percussions virevoltantes des Flyin Saucers insufflent une dose de bonne humeur irrésistible. L’accordéon de Watson danse au rythme du frottoir de Fabio Izquierdo, accompagné de Cédric Le Goff (Claviers Vocals) Lucas Gauthier (Guitar Vocals) Jean-Charles Duchein (Bass) et Stéphane Stranger (Drums)
Une alchimie sonore enflamme la scène. Les musiciens, décontractés ; virtuoses et authentiques, captent l’attention de tous, offrant une véritable explosion de joie, un orgasme auriculaire.
Laplie tombé, ouaouaron chanté
Tandis que la pluie s’invite subrepticement dans les jardins, la chaleur monte dans la salle et urisson de nostalgie parcours l’assistance avec “I’m on the wonder”, qui pèse émotionnellement de tout son poids, le cœur douloureux et désireux d’un amour perdu, “you took my love and now you’re gone!”.
Une atmosphère douce-amère résonne dans nos cœurs et particulièrement pour ceux qui ont vécu un chagrin d’amour. Un moment suspendu qui prend à la gorge et fait briller les yeux, trahis par les lumières scintillantes qui parcouraient la salle en pleine adoration.
On s’imagine là-bas, à l’autre bout du monde, dans un train à vapeur avec une brindille entre les dents. Un voyage express au plus profond de soi. Quel spectacle !
“C’est la vie” marque un tournant épique dans le concert. Ce bijou énergisant, fait chanter et taper des mains tout le public en parfaite communion.
Le public ne se fait pas prier pour chanter en chœur en réponse au refrain : “ça ça me fait chanter” – c’est la vie – simple et universel. Il s’abandonne et accepte la musique et la parole de l’artiste généreux comme un gospel : C’est aussi ça la vie au Bisik.
Mêlant réflexion et célébration, ce titre universel est une ode à l’acceptation des aléas de la vie qui invite à danser, à chanter, à faire face à l’adversité.
“Si toi tu plantes une mauvaise graine, mon nègre, Tu recevras une mauvaise herbe, mon nègre” en rappel de la sombre histoire de l’esclavage dont les victimes ont donné naissance au Blues et au Maloya.
En somme « on récolte ce que l’on sème, et c’est à nous seul de nous libérer et propager le bonheur ». à méditer…
Le titre s’achève mais les spectateurs continuent de chanter a capella ce refrain accrocheur, rythmé par les claquements des mains et les corps ondulants. “C’est la vie !” Impossible donc de passer à autre chose, et c’est Cédric et Les Flyin Saucers qui accompagnent cette fois le public en musique, un instant rare et précieux, un bijou créole qui témoigne de la ferveur dans ce moment de bonheur extrême et de célébration, probablement l’instant le plus intense de cette deuxième partie de soirée.
A vrai dire, il n’y avait que des instants singuliers, des sourires expressifs et des regards complices échangés pour témoigner de la symbiose entre nos musiciens tout terrain. Comme touchés par la grâce, le public lève les mains au ciel sur les complaintes effrénées de l’orgue de Cédric Le Goff. Le public galvanisé applaudit à la fin de chaque solo, à ne plus savoir où donner de la tête ! Cédric à l’accordéon ou au violon, Fabio Izquierdo à l’harmonica, Lucas à la guitare, Jean-Charles à la basse et Stéphane à la batterie.
Du bon blues enjoué, mais aussi des cœurs brisés, avec “Ma petite femme”, blues langoureux, au tempo typiquement accentué, où les émotions sont soulignées des caresses de la batterie de Stéphane Stranger. Les lamentations de l’harmonica de Fabio crispent les visages de frissons, et les mains se secouent en mimant “Waouh, c’est trop bon!”.
Les basses riches et dynamiques de Jean-Charles Duchein surélevent les solos de guitare de Lucas Gautier, un ensemble puissant qui époustoufle tous les spectateurs. On était vraiment en Louisiane, rocking-chair, salopette et chapeau de paille !
“That’s old-school creole!” lance Cédric avant de faire résonner son violon aux notes magiques, parfois posé façon cowboy, juste contre le cœur. “Baby please don’t go !” chantent-ils tous en harmonie avec une précision déconcertante qui assure la cohésion de cet ensemble assurément specials (avec l’accent américain, of course).
Un final rayonnant pour une rencontre musicale inoubliable
Pour conclure en apothéose, “Le Sud de la Louisiane” a célébré la chaleur et la convivialité de cette région chère à Cédric Watson, mettant en avant le climat chaud, la nourriture délicieuse et le fort sentiment de communauté entre amis et familles, ici à La Réunion, on s’y reconnait forcément. Derniers titres, derniers rappels ; derniers échanges de solos, de regards complices et rires entre ces meilleurs amis. Le public est sous le charme !
La salle, ce soir-là, a été transportée dans un univers où la musique fédère les âmes et célèbre l’identité de chacun, une vraie fierté pour nous de les avoir accueillis.
Le Festival Blues Maron a su captiver l’audience en rapprochant deux genres musicaux : le Blues et le Maloya. Ces deux styles, porteurs de l’histoire et des émotions des peuples africains, se sont rencontrés pour fusionner en une expérience sonore incomparable.
Une soirée au Bisik encore une fois exceptionnelle, une célébration musicale qui transcende les frontières et les cultures. Une rencontre riche en émotions et en découvertes reliant passé et présent avec une énergie exceptionnelle.
Un immense merci à tous pour votre présence et votre curiosité.
Le Bisik
Photos : Iris Mardémoutou
Contribution à titre bénévole
Changement d’ambiance la semaine prochaine mais rendez-vous tout aussi vibrant avec une soirée Dub-Reggae, avec Youthie et Ashkabad. Le Before du Alive Dub Festival organisé par nos amis de Steel Alive qui célèbrent leur dixième anniversaire. Une soirée reggae dub électro électrisante flirtant avec des sonorités venues d’ailleurs. On aime le frisson au Bisik !
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