Il fallait s’y attendre. Les propos de Frédéric Maillot sur le groupe Lady La Fée à propos du PRMA ont fait réagir. Nous avons rencontré les membres du groupe qui défendent une culture réunionnaise élargie jusqu’au cabaret punk.

Quand Frédéric Maillot, conseiller régional et député de la deuxième circonscription, a déclaré dans les colonnes de Parallèle Sud à propos du PRMA (Pôle régional des musiques actuelles) où il est membre du conseil d’administration qu’« un groupe de hard rock qui fait des reprises de Chantal Goya, il n’y a pas de raison qu’il soit aidé », nous savions que les réactions seraient vives. Car, même s’ils ne sont pas cités explicitement, tout le Landerneau de la musique réunionnaise a souri en reconnaissant le groupe Lady La Fée. Nous avons rencontré les membres du groupe, Loki Lonestar et Lionel – El Lion – Siffrid, mardi 3 juin, pour écouter leur indignation.
Une indignation d’abord sur la sémantique. « Nous ne faisons pas de hard rock, mais parfois du metal », précise Loki Lonestar, qui souligne que leur reprise de Chantal Goya, Un Lapin, est du hip hop.
Sémantique toujours, le pôle régional des musiques actuelles est destiné à soutenir les musiques actuelles, terme dont la définition est assez précise (*), et pas seulement le maloya ou les musiques traditionnelles. « Il s’agit d’un dispositif national, avec un cahier des charges assez strict », souligne un fin connaisseur de l’industrie de la musique. Il en veut pour preuve les compilations qu’éditait le PRMA, où toutes sortes de musiques se côtoyaient. « C’est grâce à Zong ou à Nutcase qu’on arrive à Maya Kamaty ; qui va dire que Maya Kamaty ne fait pas de la musique réunionnaise ? », poursuit celui qui demande à rester anonyme, en défendant le système actuel, réservé aux professionnels, « injuste mais imparable ».
Printemps de Bourges en 2007
De fait, qui déciderait ce qu’est où non de la musique réunionnaise ? Comment compter les notes, les mesures, les temps « binaires des musiques afro-malgaches » ou « ternaires du séga et du maloya » comme l’évoquait Frédéric Maillot pendant notre entretien ?
Lady La Fée est issu d’un groupe qui avait, en son temps, marqué les esprits. Nutcase, créé en 1996 au Tampon, adepte d’un style punk des plus hardcore, avait été sélectionné pour participer aux Découvertes du Printemps de Bourges en 2007 pour l’Île de France, où il était alors basé. Son chanteur charismatique, Loki Lonestar, est né d’une famille tamponnaise depuis plusieurs générations. Jusqu’en 2019 et son retour définitif dans son île, Loki participe à de nombreuses formations : Nutcase, Heys, Tricksterland, Micropointe. Depuis, c’est Lady La Fée.
« Notre concept de freaks cabaret, c’est de mélanger le septième art avec la pop culture des années 80 et 90 », explique le chanteur, « afin de faire passer des messages sans être moraliste ni prise de tête ». Il parle d’ « ovni baroque, intemporel et rétrofuturiste, de mélange de musique avec d’autres arts comme le cirque, le théâtre, la danse ou l’humour nourrit de culture réunionnaise, nationale et internationale ».
« Il suffit d’accepter de ne plus avoir de chaînes »
« On n’a pas à s’immiscer dans la création artistique », recadre de son côté Marie-Jo Lo-Thong, la directrice des affaires culturelles, qui cofinance le PRMA avec la Région, défendant « l’ouverture sur le monde » de la jeunesse musicale réunionnaise.
Et quand bien même. Lady La Fée reprend, en « hard rock » ou en hip hop, quantité de morceaux du répertoire local. « C’est arrivé avec le défi que nous avait lancé Bernadette Ladauge rencontrée sur un plateau de télévision : revisiter le patrimoine réunionnais avec notre cabaret punk », raconte Loki Lonestar. « Nous avons donc joué un spectacle entier, au Badamier en 2021, avec des reprises d’Alain Peters, Michel Admette, Jean-Paul Volnay, Bastèr, Luc Donat ou les PP 400 de mon grand-père. Et bien sûr Bernadette Ladauge », se souvient-il. « On est libres. Il suffit d’accepter de ne plus avoir de chaînes », justifie-t-il son style punk.
Et ça marche. Le groupe joue régulièrement, tant dans le circuit traditionnel que dans les écoles à l’approche de Noël « pour parler de culture réunionnaise et d’écologie », et au-delà des mers. En août, ils seront en tournée dans l’Hexagone pour une vingtaine de dates, et y retourneront en décembre. « On nous demande, ce sont eux qui sont venus nous chercher », fanfaronnent Loki Lonestar et El Lion. Qui invitent, dans un pied de nez dont ils ont le secret mais tout à fait sérieusement, Frédéric Maillot à les rejoindre sur scène pour une première partie ou un morceau en commun. Le défi sera-t-il relevé ?
Philippe Nanpon
(*) Musiques actuelles est un terme institutionnel créé par les directions régionales des Affaires culturelles en France. L’expression désigne plusieurs genres musicaux, tels que le jazz, la chanson, les musiques traditionnelles, le rock, la pop, les musiques électroniques et le hip hop, par opposition à la musique de chambre ou à la musique classique. (Wikipédia)
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