[Chlordécone] À Paris pour dénoncer « la justice coloniale »

NON-LIEU DANS LE SCANDALE DU CHLORDÉCONE

Quelques dizaines de citoyens ont fait le déplacement sur la place de la Nation, samedi 14 janvier, pour protester contre la décision de non-lieu dans le scandale du chlordécone. La députée de la France Insoumise Mathilde Panot leur a apporté son soutien.

Sur les banderoles et dans les discours, les subventions à la banane – comparées à la faiblesse des fonds consacrés à la dépollution – étaient vivement dénoncées. (Photos Alfred Jocksan

« La mafia c’est yo ! » La sono est un peu timide et la pluie vraiment glacée, en cet hiver parisien sur la place de la Nation, mais le son des Antilles est là. La parole, la colère et les revendications aussi : « Nous avons lancé cet appel parce que nous voulons que la loi de la République s’applique de la même façon en Martinique, en Guadeloupe et en France métropolitaine !, s’insurge Paco, militant anti-chlordécone martiniquais de région parisienne. Je me souviens des procès de l’amiante, du Mediator, de pléthore d’autres scandales sanitaires : les coupables ont été condamnés et les victimes indemnisées. Nous ne pouvons pas nous contenter d’une justice coloniale ! Nous ne pouvons pas accepter la décision de non-lieu prise par les juges du tribunal de Paris et que les empoisonneurs coulent des jours heureux et ne soient pas inquiétés par la justice. »

Autour de Paco, sous des banderoles qui dénoncent le déni de justice et l’empoisonnement, quelques dizaines de citoyens protestent. Ensemble, avec plusieurs collectifs regroupés sous la bannière « #Chlordécone, non au non-lieu, justice et réparation », ils ont produit un document, une lettre ouverte, remise à la députée de la France Insoumise Mathilde Panot.

Cette dernière, la présidente du groupe la France insoumise à l’Assemblée nationale, les a « assurés du soutien politique de tout le groupe ». Pour l’élue, « impossible de laisser passer un non-lieu dans une affaire d’empoisonnement qui n’est pas une affaire du passé puisque les peuples antillais sont empoisonnés pour les 600 prochaines années ! »

Pas de désespoir

Mathilde Panot était la seule politicienne à s’être déplacée sur la place de la Nation samedi après-midi. En revanche, de simples citoyennes antillaises comme Muriel Octavius étaient venues « réclamer justice parce que tout le monde est au courant que la terre martiniquaise est empoisonnée et que les Antilles ont le record mondial du taux de cancers de la prostate. » La jeune mère de famille poursuit en évoquant les conséquences de la catastrophe sanitaire sur sa famille : « Ma fille a une adolescence précoce, à seulement dix ans, cela a été prouvé. Mon cousin a un problème de la thyroïde, ma sœur a un problème de la thyroïde. Actuellement, ils ne sont pas testés. Mais autour de nous, nous avons beaucoup d’amis dont les pères ont travaillé dans la banane et qui ont des cancers de la prostate ! »

Des paroles et de la colère sur la place de la Nation mais pas de désespoir. « Tant qu’il y aura un recours, il y aura de l’espoir », veut croire Alex Ferdinand, militant anti-chlordécone de longue date et co-fondateur de l’Assaupamar, de passage dans la capitale. « Les collectifs dont nous faisons partie ont déjà fait appel et nous irons obtenir justice devant la Cour européenne des droits de l’homme s’il le faut. Il y a une immense colère qui s’est levée en Martinique et il est maintenant évident que nous sommes en état de légitime défense. »

À Paris, Julien Sartre

A propos de l'auteur

Julien Sartre | Journaliste

Journaliste d’investigation autant que reporter multipliant les aller-retour entre tous les « confettis de l’empire », Julien Sartre est spécialiste de l’Outre-mer français. Ancien correspondant du Quotidien de La Réunion à Paris, il travaille pour plusieurs journaux basés à Tahiti, aux Antilles et en Guyane et dans la capitale française. À Parallèle Sud, il a promis de compenser son empreinte carbone, sans renoncer à la lutte contre l’État colonial.

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