LITTERATURE
Je manque probablement d’objectivité. pardonnant plus facilement les erreurs, voire les ignominies des artistes, que celles des politiciens ou hommes d’affaires. Politicien et affairiste étant d’ailleurs le plus souvent un pléonasme. Cela dit, il sera surtout question de mâles dominants dans cet article, ce qui m’évitera la difficulté de respecter l’orthographe inclusive.
Les glands de ce monde
Certes, les artistes sont parfois guidés aussi par l’argent, par l’ego. Et les politiciennes peuvent avoir les dents encore plus longues que leurs confrères masculins. Quand je parle de dents longues, je ne fais aucune allusion à celles de notre nouvelle ministre de la culture. Ce n’est pas le moment de se fâcher avec la représentante des écrivains et autres artistes, même s’il y a peu de chance qu’elle découvre un jour cette chronique. Encore faudrait-il qu’elle ait seulement parcouru quelques rubriques littéraires et best-sellers avant sa nomination. Mais revenons à mon sujet d’aujourd’hui : la différence de traitement, non pas entre les hommes et les femmes, mais entre les artistes et les grands dirigeants de partis ou d’entreprises. Ceux que les féministes amatrices de jeux de mots pourraient surnommer « les glands de ce monde ».
Toute cette communauté artistique qui était pourtant restée bien silencieuse pendant des décennies, est tombé à bras raccourcis sur Obélix, qui avait trop tendance à exhiber son menhir devant les petites filles et leur little poney. Quelques vieux croûtons ont pris sa défense, et parfois changé d’avis, disant avoir mal lu la pétition. Des écrivains qui lisent mal, on peut espérer qu’ils étudient mieux leurs contrats. Et peut-être ont-ils craint de subir le même sort que le monstre désacralisé.
La paille et la poutre
On a donc regardé la poutre que Gégé n’arrêtait pas d’exhiber, mais certains n’ont pas vu le madrier qu’ils avaient dans l’oeil. Quand je dis dans l’oeil, je ne pense pas au roman de Bruno Lemaire. Sachons, là aussi, séparer le politique de l’artiste. J’avais déjà évoqué dans ma précédente chronique les termes employés par les médias pour qualifier le Cyranoeud déchu (truculent, abject, grossier, rayez les mentions inutiles selon votre degré d’indignation) . C’est pourquoi j’aimerais que ces mêmes médias procèdent de même avec tous les autres abuseurs, harceleurs qui détruisent leurs employés, et souvent leurs peuples, et à qui, quand ils meurent, on élève des statues, on rend des hommages vibrants. Je ne cite pas de noms, mais il ne se passe pas une semaine sans qu’on en trouve un exemple, ici comme ailleurs. La mort semble toujours absoudre tous les enfoirés de la terre. Sauf s’ils se sont vraiment montrés plus abjects que les autres, et encore, même dans ce cas, ils trouveront des adeptes pour leur pardonner. On connait cette phrase de Blanche Gardin : « mon boulanger est pédophile, mais il fait de la très bonne baguette ». De même, Hitler a fait tuer des millions d’innocents, mais il a construit des autoroutes.
Abus de faiblesse
A un degré plus modeste, ceux qui ont un certain pouvoir en profitent parfois, pour ne pas dire souvent, pour pratiquer un véritable abus de faiblesse sur leurs « inférieurs », nous avons tous pu assister à ce genre de choses, en entreprise, ou même en famille. Voire témoigner pour les plus courageux. Mais chut ! On ne peut généralement rien prouver, et la victime se retrouve en position de coupable, ainsi que ceux qui ont voulu d’aider.
Alors, faute de pouvoir lapider les puissants, on se console en tapant sur les artistes, dont l’égo est certes aussi démesuré que celui des politiciens et grands patrons, mais qui ont moins de relations leur permettant de rebondir.
Si D.S.K. avait tripoté une femme de ménage en France, l’affaire n’aurait-elle pas été étouffée ? C’est au moins une chose à mettre au crédit des Américains : même avec un très bon avocat, on vous verra les menottes aux poignets. Vous avez vu tous ces membres du gouvernement français mis en cause depuis quelques années dans des scandales sexuels ? Tous ou presque ont bénéficié d’un non-lieu. Le politicien et l’homme d’affaires se débrouillent toujours pour remonter à la surface. L’artiste connu, lui, joue sa carrière. Et même mort, on n’oublie pas ses erreurs.
Exemple : La R.A.T.P. envisageait de donner le nom de « Serge Gainsbourg » à une station de métro, en hommage au poinçonneur de la Porte des Lilas. Mais l’inceste de citron et autres provocations le rendent à présent banni de la société. Par contre, les arrêt de bus, les rues, les places, portent encore le nom de personnages bien plus douteux.
Mais ce ne sont pas des artistes.
Alain Bled