TIS technique de l'insecte stérile Langevin Saint-Joseph moustiques Aedes aegypti albopictus dengue chikungunya ruches abeilles

Contre le chik et la dengue, on stérilise le moustique tigre

Pour lutter contre la prolifération de moustiques, les études sur la technique de l’insecte stérile se poursuivent. Une nouvelle phase de tests va durer trois ans sur 200 ha à Saint-Joseph. 

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Nous comptions dessus pour enrayer l’épidémie de chikungunya en cours, eh bien c’est raté. Il faudra encore trois ans d’études et de tests avant de valider la technique de l’insecte stérile et de l’appliquer à grande échelle. Pour l’étude, il va falloir à l’IRD et au Cirad trouver quelque 1 000 volontaires qui voudront bien servir de cobayes.

Après les tests réalisés à Beauséjour Sainte-Marie en 2021 et 2022, l’expérimentation va se poursuivre à Saint-Joseph sur une surface de 200 ha. Le procédé consiste à élever et stériliser des moustiques mâles de l’espèce Aedes aegypti ou son cousin albopictus, le célèbre moustique tigre, tous deux vecteurs de la dengue et du chikungunya. On relâche en grand nombre ces mâles stériles après une irradiation, de manière à ce que les femelles ne trouvent plus de mâles fertiles. Ce qui réduit, dans un premier test tout au moins, la population de moustiques de 90 % en trois mois. « A Sainte-Marie, 300 000 mâles élevés au Ciroi ont été lâchés toutes les semaines », souligne Jérémy Bouyer, entomologiste au Cirad. Qui indique par ailleurs que cette nouvelle étude va mesurer le nombre de piqûres sur les humains dans la zone testée comparée à une zone limitrophe, mais aussi les cas de dengue et chikungunya. « On va aussi mesurer l’impact du produit insecticide que l’on associe aux moustiques stériles sur les abeilles et les chirosomes*», poursuit le chercheur.

Parce que, en plus de saturer un espace de moustiques mâles stériles, on les traite avec une substance qui contamine les femelles ainsi que les gîtes larvaires. « Le pyroproxyphène, un retardateur de croissance plus qu’un insecticide, qui compromet l’envol des larves nées malgré tout », explique Cécile Brengues, responsable de l’élevage de masse des moustiques à l’IRD. 

La technique de l’insecte stérile (TIS) a déjà fait ses preuves à Singapour, seul pays où la méthode est opérationnelle. A Saint-Joseph, Langevin plus précisément, on va réaliser un suivi épidémiologique de la dengue et du chikungunya, on étudiera le ratio entre le nombre de piqûres et la transmission des arboviroses, on comptera les oeufs et les éclosions et, surtout, on saura combien va coûter le traitement à l’hectare. Un chiffre à rapporter au bénéfice de l’opération, afin de savoir si la technique est « rentable ». Déjà, on sait combien coûte un malade, « ces données sont connues », assure Jérémy Bouyer. Car même si la méthode est efficaces, il faudra savoir qui va payer et si l’Etat est prêt à réaliser cet investissement.

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Les abeilles sont des témoins des atteintes potentielles à l’environnement.

En outre, les chercheurs étudient l’augmentation de la population de moustiques en fonction de la météo pour modéliser les variations et appliquer les traitements et lâchers avec plus de pertinence.

Pour Cécile Brengues, il s’agit d’une méthode complémentaire, pas d’une méthode miracle. « Ça ne marchera que si la lutte mécanique – c’est-à-dire la chasse aux gîtes larvaires – continue », dit-elle. 

« C’est la suite d’un beau projet de recherche et de santé publique », se félicite Christian Landry, premier adjoint au maire de Saint-Joseph. « L’Aedes représente un problème de santé de plus en plus prégnant et les méthodes traditionnelles montrent leurs limites », confirme Laurence Tibère de l’IRD. 

En tout cas, tous souhaitent l’aval de la population, que « les résultats soient appropriés par tous », espère Jean-Cyril Dagalin du Cirad, qui vante une « science qui est sur le terrain, pour résoudre un problème de santé avec des moyens techniques sophistiqués ».

Philippe Nanpon

*Le chirosome est un insecte diptère qui partage le même habitat que les moustiques Aedes et dont la larve est aussi appelée vers de vase.

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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