Danielle Swagger, la voix féminine qui bouscule les codes de l’industrie

Arrivée à La Réunion il y a huit ans, la rappeuse et mannequin originaire du Botswana incarne une musique authentique et sans artifices, dans un univers où les inégalités persistent. Son dernier single, Nothing to lose, s’inscrit dans une quête de sincérité et de paix intérieure.

L'artiste a été nominée 2 fois aux Botswana Music Awards 2023
L’artiste a été nominée 2 fois aux Botswana Music Awards 2023

Lorsque Danielle Swagger prend la parole, sa voix douce et posée capte immédiatement l’attention. Pourtant, derrière cette tranquillité apparente se cache une énergie brute qui se libère dès qu’elle saisit le micro. Ici, pas de hurlement, juste une intensité rare, celle d’une artiste qui s’exprime avec une force naturelle.

Née à Gaborone, capitale du Botswana, Danielle Swagger s’initie très tôt à la scène musicale. C’est dans les rues de sa ville et sur les scènes d’open mics universitaires qu’elle forge ses premières armes. « C’est là que j’ai commencé à développer mon art », raconte-t-elle, en repensant à ces soirées où les mots fusaient, bruts, portés par l’urgence de s’exprimer.

Dans son clip « Wipe ’em Out », Danielle Swagger est accompagnée du pianiste réunionnais Fabio Marovin.

Le déclic, il survient le jour où elle pousse la porte d’un studio d’enregistrement. Une session comme tant d’autres et pourtant, quelque chose se passe. « Ce n’était pas parfait, mais c’était moi. J’avais besoin de m’exprimer, de me sentir vivante. » Un moment fort qui marque un basculement pour l’artiste, également mannequin. « Je n’étais pas sûre de moi, mais je savais qu’il y avait un message plus grand à transmettre. »

Une musique authentique

Installée depuis près de huit ans sur l’île de La Réunion, Danielle Swagger y a posé ses valises après avoir suivi son mari et manager Christophe Durand. Ce changement de vie lui a offert un nouveau souffle. Ici, elle a trouvé un espace idéal pour sa création artistique. Son dernier single, Nothing to Lose, résume parfaitement sa démarche. Une production épurée et un texte frontal, où chaque mot est pesé avec un texte qui va droit au cœur. Un appel à la foi et à l’acceptation de soi. « C’est ma façon de demander à Dieu de me guider sur mon chemin », confie-t-elle.

Chez elle, pas de compromis. Elle se tient droite dans ses convictions, sans chercher à plaire. « Si je ne m’aimais pas à cause de ce que les autres pensent, je serais une imbécile », lâche-t-elle. Une phrase simple, mais qui résonne fort. Car au-delà de l’affirmation personnelle, c’est un message adressé à tous ceux qui cherchent encore à se réconcilier avec eux-mêmes.

Danielle Swagger a fait la UNE du numéro de mai du magazine Celebrity WORLD.
Danielle Swagger a fait la UNE du numéro de mai du magazine Celebrity WORLD.
Danielle Swagger est aussi mannequin.
Danielle Swagger est aussi mannequin.

Défier l’industrie

Dans un milieu musical où les codes restent profondément inégaux, Danielle Swagger se distingue par son refus d’entrer dans le moule. Elle aborde sans détour les difficultés qu’elle rencontre en tant que femme noire dans le rap. « Si tu ne te montres pas à moitié nue, tu n’es pas choisie. Je ne fais pas partie de celles qu’on sélectionne, peut-être à cause de la couleur de ma peau. Mais je refuse ce système », explique-t-elle avec conviction.

Des propos qui s’inscrivent dans une réalité encore trop souvent ignorée. Selon une étude du collectif Change the Rap (2021), en France, seulement 12 % des artistes féminines sont présentes dans les grands festivals de rap. Parmi celles qui y figurent, beaucoup ont la peau claire ou sont métissées. Un phénomène qui renvoie à une forme de discrimination souvent négligée : le colorisme. Un terme popularisé dans les années 90 par l’écrivaine et activiste afro-américaine Alice Walker. Celui-ci désigne une hiérarchie de teinte de peau, qui privilégie les teints clairs au détriment des plus foncés. Une dynamique présente non seulement dans les communautés noires, mais aussi dans l’industrie musicale. La chercheuse Maboula Soumahoro l’explique ainsi : « La peau claire est souvent perçue comme plus désirable, plus « marketable » dans les milieux artistiques. »

Parallèlement, le sexisme demeure un obstacle majeur dans l’univers du rap. Malgré des figures marquantes comme Diam’s ou Shay, les femmes restent largement minoritaires. En 2023, un rapport de la SACEM indique que les femmes représentent seulement 10 % des auteures-compositrices dans le secteur de la musique urbaine, une statistique qui témoigne d’une inégalité persistante dans un milieu encore largement dominé par les hommes.

Sur la lignée de Kendrick Lamar

Danielle Swagger s’impose comme une artiste qui privilégie l’authenticité avant tout, évitant les artifices et les conventions de l’industrie musicale. « Je ne me mets pas à côté d’artistes qui chantent des chansons d’amour juste pour plaire. Moi, je fais de la musique originale, authentique, futuriste. Des morceaux qui peuvent être étudiés à l’école », affirme-t-elle sans détour. À travers ses textes, elle aborde des thématiques complexes, mêlant révolte sociale et quête de sens, offrant ainsi une réflexion profonde sur le monde qui l’entoure.

Elle se nourrit de ceux qui ont su marquer leur époque sans se laisser éclipser par les tendances. Des artistes comme Kendrick Lamar ou Booba, qui ont su imposer leur propre vision et rester fidèles à leurs convictions. « Ce sont des figures qui traversent le temps, parce qu’elles imposent une parole forte et engageante. C’est ce que j’aspire à faire », explique-t-elle.

Actuellement, Danielle Swagger travaille sur son premier album, un projet qu’elle mène avec exigence. « L’album arrive, mais je prends mon temps. Chaque morceau est une étape vers ce que je suis, il doit être fidèle à mes émotions et à mes convictions. ».

Nafida Abdillah

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