[Bisik] Des étoiles plein le cœur avec “Lo swar”

OLIVYE ET SPACE GALVACHERS DAN TEAT LE BAMBOU EK BISIK

On vous promettait un concert inédit – c’était la première fois que le projet se produisait à La Réunion – et inattendu… Et le moins que l’on puisse dire c’est que le projet « Lo Swar » entraîné par Olivyé Araste et les Space Galvachers a tenu toutes ses promesses et bien plus encore. Une création intime et sensible, une inventivité étonnante, en résumé une sublime découverte…

« Lo Swar » du vendredi 17 mai exactement, le Bisik était au Théâtre Les Bambous qui affichait complet pour accueillir un projet incroyable aux accents singuliers. Attendu de longue date, le bien nommé « Lo Swar » promettait de nous faire rêver éveillés et il a sans doute fait bien plus encore en réveillant nos consciences dans une symphonie métissée transcendant nos différences et transperçant nos préjugés.

À l’heure où les cœurs s’ouvrent, Clément Janinet au violon, Clément Petit au violoncelle, Benjamin Flament aux percussions et Olivyé au chant, kayamb et percussions, ont entonné leurs chants du crépuscule comme autant de caresses, nourries par la poésie, le mystère et le blues intrinsèque des fonnkèrs réunionnais.

Comme l’écrit Jeanne Lacaille dans le livret du Vinyle, « les fonnkèrs de Space Galvachers et Olivyé – signés Gaël Velleyen, Mari Sizay et Olivyé – chantent une réalité créole profondément spirituelle mais se veulent avant tout universels… ».

Les titres se succèdent alternant poèmes et mélodies bigarrées, alternant le chaud intense du volcan qui murmure et le calme apparent de la nuit.

Alchimistes du son, les membres de Space Galvachers taillent un écrin instrumental mutant -pointilliste, textural, expérimental, parfois bruitiste, très contemporain. Clément Janinet transforme son violon en guitare, ngoni, en flûte peule ou en guembri, il joue au médiator et peu à l’archet… Le violoncelle de Clément Petit devient lui bobre ou roulér, contrebasse aussi… À la batterie et aux percussions Benjamin manie son idiophone – mi vibraphone, mi marimba – entièrement fait maison, pour la plus grande curiosité des spectateurs sous le charme d’un instrument non identifié.

Et « Lontan » nous entraîne dans un passé révolu empreint de nostalgie et s’ensuit « Mi di pa Mersi » pou Akout out kèr. Et la magie opère… 

Entre rumba, angola, new Orleans et soul séga

Tour à tour mandingues, rumba, angola, new Orleans, soul séga, malgaches, country créole, baroques ou carrément blues brut à la Tom Waits version sentier des Marrons, les compositions s’enchaînent avec bonheur. En costume entre Wax et madras Olivyé danse entre jazz et maloya…

De l’infinie gratitude pour le Piton des Neiges qui a créé et veille sur notre île depuis des millénaires, « Volkan », à l’espoir rythmé et chaloupé de voir la jeunesse renouer avec la terre, « Yo Mang », Do lo la mèr lé salé, do miyèl lé dou… Et le maillage fonctione. Toujours à l’aise hors des sentiers battus, Olivyé Araste nous offre lui aussi son offrande à ce projet, des textes inspirés et un grain de voix nouveau qui laisse affleurer une grande vulnérabilité, autant qu’un plaisir gourmand à investir autrement la musicalité de la langue Kréol ! L’ambianceur se met à nu même si le maloya affleure par tous ses pores et nous le prouve encore sur un titre inédit bana la fé kado anou : « Mada »… dan péi la… Une sensibilité nouvelle qui fait frémir l’assistance et monter l’émotion sans contrefaçon sur « Mon zanfan », une berceuse qu’Olivyé a écrite pour ses enfants… Frissons i mont su nou…

La lin Lo Swar li éklèr santyé, li roflèt partou… « Lo Swar », incroyable proposition sans artifices, un diamant brut qui a brillé dans la nuit étoilée pour nous réunir et nous interroger avec en dernier titre « Lo Klak », qui témoigne de l’Inquiétude provoquée par le changement climatique… L’omniprésence du numérique et de la peur du « klik final »… Dans ankor, in dernié kou, dans ankor avan n’giny lo kou »… Nou la pa priv anou…

Impossible évidemment de laisser partir ces artisans de la musique, orfèvres en la matière, et c’est avec ferveur que le public a profité des dernières notes d’amour, « Lamour » qu’Olivyé « nana pou son maloya , lo kèr li nana pou son kabaré »…

« Une musique de nuit hautement sensorielle qui a éclairé nos craintes et la soirée bénédictine, un écrin instrumental mutant -pointilliste, textural, expérimental, parfois bruitiste, très contemporain – taillé sur mesure par les Space Galvachers pour la voix d’Olivyé que l’on (re)découvre ici enfin parabolèr ou conteur crépusculaire. »

Mi di pa mersi pou kado la…

Iris Mardémoutou

Régie : Jean-François Carpaye / Alexandre Duchemann / Samantha Lebeau / Jean-René Mouniama / Maeva Constante

Son : Cédric Corriéri

Lumières : Sébastien Nativel

Photos : Iris Mardémoutou

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