Deux leçons de l’élection présidentielle

[LIBRE EXPRESSION]

Le bâtonnier René Kichenin est mort. Jean-Claude Fruteau, ancien maire de Saint-Benoît nous quittés à son tour. Monsieur Emmanuel Macron est réélu Président de la République. Nos compatriotes musulmans fêtent la fin du Ramadam. La Réunion manifeste son unité à travers sa diversité.

Le vendredi 22 avril, le bâtonnier René Kichenin nous quittait. C’était un ami. Partout, sans état d’âme, il s’affichait Malbar (c’est-à-dire Réunionnais, Tamoul d’origine), indépendantiste et de droite. Il a bien vécu dans la communauté hindoue de l’île. Il était l’ami personnel de Raymond Barre. Il a exercé une influence réelle et appréciée dans son milieu professionnel. Il était titulaire de la Légion d’Honneur et citoyen d’honneur de la ville de Saint-Denis. C’était un Réunionnais! On peut prêcher pour sa chapelle, militer pour sa cause, combattre pour son parti tout en étant, dans le même temps, authentiquement Réunionnais. La foule et sa diversité aux obsèques de René Kichenin à Primat, l’ont confirmé. Il appartenait à cette armée d’intellectuels de chez nous dont notre pays a tellement besoin. Dans une société réunionnaise reconnue, il aurait occupé une place assurément plus présente.

Le jeudi 28 avril nous quittait à son tour, Monsieur Jean-Claude Fruteau, l’ancien maire de Saint-Benoît, l’ancien député européen, l’ancien député français, l’ancien sénateur, l’ancien conseiller général et l’ancien conseiller régional. Il a été plongé dans le système dès lors qu’il est devenu une personnalité du parti socialiste. Pour preuve, il a été titulaire de tous les mandats politiques qui s’offrent aux Réunionnais. Il avait néanmoins ses convictions. Il était Français, régionaliste, de gauche. Cela ne l’a pas empêché de travailler concrètement, sur les dossiers de l’île, avec tout le monde. La diversité des témoignages qui lui ont été rendus, l’atteste largement. C’était un Réunionnais. Pourquoi faut-il attendre la mort pour que se manifeste et s’exprime cette unité réunionnaise, au-delà des différences, voire des oppositions?

Le dimanche 24 avril, Monsieur Emmanuel Macron a été réélu Président de la République. Mais ici, toutes les communes de l’île, sans exception, ont voté majoritairement pour Madame Le Pen. Sur la carte, la totalité de l’île était bleu marine. Le Peuple a manifesté. Qu’a dit le Peuple qui, dit-on, n’existe pas?

Au plan national, on ne le dit pas assez, le bras politique du Peuple, le corps électoral, a congédié les deux grands partis de gouvernement qui n’ont même pas réuni les 5% des suffrages exprimés qui donnent droit au remboursement des frais électoraux. A droite il a congédié le LR, parce qu’il a tourné le dos aux valeurs gaulliste dont il était l’héritier ; à gauche il a congédié le PS parce qu’il a tourné le dos aux valeurs socialistes. Ces deux événements qui sont l’aboutissement d’une évolution de plusieurs années, sont quand même une démonstration éloquente du pouvoir du Peuple.

Au plan local, le verdict est plus radical. Le Peuple réunionnais à travers les électeurs, a signifié au Président sortant qu’il le disqualifiait parce qu’il n’y a pas eu de dialogue de partenaire à partenaire et signifié à Madame Le Pen, comme il l’aurait signifié à n’importe quel autre candidat du deuxième tour, qu’il entendait ouvrir ce dialogue avec elle. La revendication est tellement prioritaire, que les électeurs réunionnais ne partagent pas les peurs qui motivent les positions du « front républicain.»

Pour les Réunionnais, Madame le Pen ne pourra jamais défendre ici, ce dont on l’accuse en France. L’avertissement s’adresse aujourd’hui au Président. Mais la balle est dans le camp des Réunionnais. Il est très beau de vouloir un dialogue Réunion/Paris entre responsables , notamment de responsables réunionnais. Encore faut-il que les Réunionnais affichent leur identité, leur présence et leur responsabilités (La Conférence des Mille) ; qu’ils définissent ce qu’ils veulent (les Etats Généraux) ; et qu’ils soient en mesure de négocier le cadre et le cap de la nouvelle politique, avec le Gouvernement et avec les autres partenaires (la commission territoriale élargie).

Le lundi 2 mai, les Réunionnais fêtent le quarante-sixième anniversaire de l’ordination épiscopale de Mgr Aubry.

Le mardi 3 mai, nos compatriotes fêtent l’Eidr. Toute La Réunion est associée à la fête.

Paul Hoarau

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