LUTTE BIOLOGIQUE
La lutte biologique, ça ne date pas d’hier. Didier Vincenot, ingénieur agronome qui a travaillé à la chambre d’agriculture et au Cirad, profite de sa retraite pour convaincre. Quand il n’anime pas des formations de l’Ecole du jardin planétaire, il écrit des livres ou se fait conférencier et explique comment cultiver des plantes saines sans l’aide de la chimie mais avec ceux qu’il appelle les amis des jardiniers.

Dès l’école d’agronomie, Didier Vincenot a compris que la chimie n’était pas la panacée annoncée. « Ce n’est pas mon boulot de vendre des produits », a-t-il tout de suite pensé « il y a d’autres solutions ». Et il en a trouvé. Sur la scène du centre culturel Lucet-Langenier à Saint-Pierre mercredi dernier, Didier Vincenot livre ses secrets. Comment favoriser les insectes utiles, les amis de nos jardins, au détriment des insectes nuisibles.
« Une coccinelle mange 50 à 60 proies par jour. Ce n’est pas du tout négligeable », énonce-t-il, avant d’expliquer la différence entre les auxiliaires prédateurs et les parasitoïdes. Ces derniers, comme les microguêpes, pondent à toute allure dans les pucerons par exemple, qui seront mangés de l’intérieur par ses larves ; c’est l’un des plus efficaces auxiliaires, parmi les milliers présents dans les jardins.
Dès 1970
Déjà, en 1970, une lutte biologique avait été organisée. A cette époque, on a planté à tout va des agrumes, des letchis, des manguiers… Et s’est développée une maladie très grave due à la psylle, sorte de gros puceron à la salive toxique pour la plante, qui plus est transmet une bactérie mortelle pour l’arbre. « On a introduit une microguêpe qui les a éradiqués à 99 %. Aucun produit chimique n’a jamais obtenu de tels résultats, la lutte chimique ne marche jamais sur le long terme », assure l’ingénieur agronome.
Dans les années 1980 on a introduit le boveria, maladie cryptogamique, contre les vers blancs, avec d’excellents résultats également. Une seule mouche des fruits était présente dans l’île jusqu’au début du XXe siècle. Elles sont plus de dix aujourd’hui potentiellement très dangereuses pour les cultures. L’introduction de nouvelles espèces de microguêpes dans les années 2000 a régulé les mouches des fruits. Et depuis 2015, le monde agricole est sensibilisé et formé à l’agroécologie. Comme les exploitants de vergers de manguiers, dans l’Ouest, qui ont renoncé à désherber au profit de la population de microguêpes. « Après avoir essayé, aucun agriculteur n’a envie de revenir en arrière », témoigne Didier Vincenot. Economie sur les pesticides, protection de sa santé, protection de la biodiversité qui permet la régénération des sols, l’économie en engrais chimiques et in fine une production accrue sont autant d’arguments.

Dans nos jardins, la logique est la même. Aux traitements qui doivent être parcimonieux et en dernier recours, il est préférable de favoriser la population d’auxiliaires. Ils sont des milliers dans les haies, les herbes folles, les fleurs qui les nourrissent. Si les larves de microguêpes nous débarrassent des pucerons et cochenilles, il convient d’attirer les adultes qui se nourrissent du nectar des fleurs et sont, de plus, d’excellents pollinisateurs. On connaît aussi les coccinelles (23 espèces sont répertoriées à La Réunion) parfois très petites, les chrysopes, les punaises prédatrices, les syrphes (mouches jaune et noir), les araignées, les acariens prédateurs, les mantes, les perce-oreilles et les sauterelles. Autant de « bestioles » utiles qu’il faut câliner. Autant d’amis de nos jardins à observer et protéger. On conseille en agriculture biologique de consacrer 5 % de la surface cultivée aux plantes réservoir.
Il est par ailleurs utile de comprendre que des plantes en bonne santé seront beaucoup moins attaquées par les ennemis des cultures. Elles doivent être choisies en fonction du climat, arrosées et nourries. Il est utile également de ne pas appauvrir le sol en y remettant ce que l’on coupe, tontes, branches, etc. Sous forme de compost, de paillage ou de broyats.
Philippe Nanpon
Didier Vincenot donnera une nouvelle conférence le 26 avril à Lespas, à Saint-Paul, l’entrée est gratuite. Il animera également des formations avec l’Ecole du jardin planétaire les 27 mai et 28 octobre (inscriptions sur le site de l’Ecole du jardin planétaire).
Il est coauteur de « Les amis de nos jardins » aux éditions Orphie.