[Édito] En voie de disparition

C’était annoncé sur Freedom et repris par tous les autres médias hier, la Région d’Huguette Bello va débloquer ce matin en assemblée permanente une aide exceptionnelle de 600 000 € pour venir en aide au Quotidien menacé de liquidation sèche dans treize jours si aucune offre de reprise ne se dessine.

Le soulagement est maigre et toujours bourré d’incertitudes mais « ouf » quand même pour les 52 salariés du journal !

Les questions ne manqueront pas de se poser sur l’indépendance de la presse et les distorsions de concurrence entre les titres de la place. On a connu dans un passé récent une majorité régionale qui n’hésitait pas à tordre les lignes éditoriales en contrepartie de ses subventions et de ses pubs. Les censeurs laudateurs rodent toujours et se reconnaîtront. Mais laissons à ce feuilleton de la faillite de la presse papier le temps de dérouler tous ses épisodes…

Derrière les bricolages et manoeuvres des Nijdam, Chane-Pane, Dupuy, Tillier et autres, il y a des journalistes soumis jour après jour à un yoyo émotionnel pas vraiment favorable à l’exercice de leur fonction. Nous les avons vus mercredi après-midi manifester devant la préfecture, brandissant leurs panneaux « Journal en danger ». Même slogan, même graphie pour ceux du Quotidien et ceux du JIR… En espérant que la fusion des revendications ne prépare pas la fusion des rédactions.

Très personnellement, ce moment m’a semblé bien malaisant. Désolé pour l’épanchement qui va  suivre : celui d’une espèce en voie de disparition, le journaliste en quête de liberté. Liberté de faire son métier en s’appuyant sur la charte éthique que l’on pouvait lire sur le tee-shirt de l’un des leaders syndicaux du mouvement. Liberté d’investiguer plutôt que s’épuiser dans les courses aux pushs et étouffer sous les communiqués et conférences de presse.

Si les circonstances poussent à faire le deuil de l’indépendance de la presse locale, il faudrait quand même faire rentrer dans les têtes le respect de la liberté du journaliste. Dans la tête du flic qui pousse un photographe, dans la tête de l’imprimeur qui veut faire son journal sans journaliste, dans la tête du non-lecteur qui les juge «  tous menteurs », dans la tête du puissant qui les veut à sa botte. 

J’ai l’impression, ces jours-ci, qu’ils sont en surnombre ceux qui « aiment les journalistes, mais…» et celles ou ceux qui « ne les aiment pas ». Si tu lis ces lignes, redonne moi la pêche. Achète un journal, rends toi sur le parking du Quotidien qui ouvre son portail ce samedi de 10h à 18h… ou glisse un don à l’un des deux médias alternatifs et indépendants de La Réunion : Le Tangue et Parallèle Sud. Voire aux deux !

Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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