Protection de l’enfance, François Ruffin rencontre et dénonce

Le député de la somme, candidat à la primaire de gauche pour la prochaine élection présidentielle, est de passage à La Réunion. Il a souhaité rencontrer et écouter l’association EPA (Ecoute-moi, Protège-moi, Aide-moi) qui lutte contre les violences faites aux enfants. Accompagné de Madame le maire de Saint-Denis, Ericka Bareigts, en présence de la députée Emeline K/Bidi et d’élus à la mairie de Saint-Denis, François Ruffin s’est présenté au local Pinarello à Montgaillard pour un temps d’échange approfondi avec les acteurs associatifs présents.

« Trois enfants par classe victimes de violences sexuelles. » Ce chiffre glaçant, établi par les rapports de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), est connu. Il a été rendu public, relayé, débattu. Mais il n’a pas provoqué l’électrochoc attendu. Pourquoi ? Pourquoi, malgré l’ampleur du drame, les institutions restent-elles silencieuses et l’État inactif ?

Une société qui sait mais qui se tait

Le constat est froid, implacable. Malgré l’horreur révélée, aucune mesure d’ampleur n’a été prise. Aucun plan de prévention national n’a été lancé. L’Éducation nationale, la Justice, les institutions censées protéger les enfants n’ont pas répondu à la hauteur du drame. Pour le député ce silence est aussi révoltant qu’incompréhensible « À partir du moment où a été rendu public le fait qu’il y avait 3 enfants par classe qui étaient victimes de violences sexuelles, normalement ça aurait dû conduire à un électrochoc dans la société. Et rien ne s’est produit, ou quasiment rien.[…] Il n’y a pas une personne dans ce pays qui va considérer que c’est normal de taper un enfant, et encore moins d’avoir des violences sexuelles sur un enfant. Et pourtant, collectivement, il y a une acceptation de la société. »

Cette contradiction relevée, François Ruffin se demande :

« Est-ce parce que c’est finalement le crime le plus terrifiant qui est impensable, et que du coup on préfère le taire et le rendre invisible ? »

La prévention, grande absente du système

Cette inertie face aux violences sexuelles s’inscrit dans un contexte plus large d’abandon de la prévention. En matière de santé publique, ce choix n’est pas nouveau. Il est le fruit d’un renoncement ancien :

« La prochaine révolution de la santé […] c’était la révolution de la prévention. On est quasiment 50 ans plus tard et on l’attend toujours », en référence aux propos de Robert Debré dans les années 1970.

Ce retard, lourd de conséquences, se paie au prix fort. Et ce sont les enfants qui en font les frais « Il faut que ça change beaucoup, beaucoup, beaucoup en mieux pour les enfants […] On est dans un cercle vicieux, mais aussi un cercle silencieux où c’est la loi du silence qui s’établit sur les enfants. »

« Une politique de prévention, y compris de prévention en matière de soin, c’est quelque chose qui, en vérité, est un investissement qui derrière, rapporte énormément », affirme-t-il.

Faute de réponse institutionnelle des associations prennent le relais. Ce sont elles qui recueillent les témoignages, qui alertent, qui accompagnent. Mais ce rôle de lanceur d’alerte leur vaut parfois d’être mal perçues. « On est des extrémistes. Quand on lance des alertes, quand on signale les choses, on signale pour qu’il y ait construction derrière. » lance Jessy Yong Peng, présidente d’EPA, et d’ajouter « On est mal vu. Parce qu’on dit la vérité. »

Des propositions concrètes

Pourtant, les solutions sont connues. Des propositions de loi existent. Elles sont simples et fondées sur le principe de précaution :

« Quand il y a des violences au sein de la famille […] il ne doit pas y avoir de garde alternée. […] C’est le principe de précaution qui doit s’appliquer tant qu’il n’y a pas eu le jugement. »

D’autres leviers pourraient être actionnés sans même passer par la loi d’après lui « Le garde des Sceaux pourrait envoyer des circulaires à tous les procureurs pour dire que la protection de l’enfance fait désormais partie de nos priorités. Il peut y avoir des circulaires sans qu’il y ait modification de la loi envoyées par l’Éducation nationale pour demander aux enseignants d’être en première ligne du repérage. »

Mais là encore, rien ne bouge. Les enseignants ne sont pas formés. Les équipes médico-sociales sont en nombre insuffisant. On leur demande d’être vigilants sans leur en donner les moyens.

« Ce n’est peut-être pas aux associations de faire ce travail-là, mais à ce moment-là, il faut des infirmières, des médecins scolaires, des psychologues », relève le député.

Le sursaut n’a pas eu lieu

En réalité, rien ne manque pour agir : ni les chiffres, ni les alertes, ni les rapports. En 2021, le rapport de la CIIVISE dirigé par Édouard Durand recensait plus de 100 000 enfants victimes de violences sexuelles. Le chiffre de « trois enfants par classe » est désormais connu de tous. Et l’affaire Bétharram, récemment médiatisée, aurait pu être l’élément déclencheur. « Je me suis dit : bon, voilà, ça va être l’occasion d’un sursaut. Et finalement, on voit que derrière, rien ne se passe », mais le sursaut n’a pas eu lieu.

« Quand on a un Premier ministre qui a eu accès au dossier […] et qui lui-même n’a pas réagi, on voit que jusqu’au sommet de l’État, il y a des choses à changer », renchéri François Ruffin en faisant référence à l’affaire Bétharram.

La protection de l’enfance ne peut plus être reléguée à un sujet secondaire. C’est une question centrale de société, de justice, de santé publique, d’humanité. « Je suis venu non pas pour changer les choses à La Réunion, mais pour les changer pour toute la nation » rappelle le député.

La société française devra faire face à cette réalité et rompre avec le silence, l’inertie et le déni. Les militants, malgré les coups durs, malgré l’indifférence, ne baissent pas les bras. Le soutien politique sur ces questions est indispensable afin de porter au plus haut niveau les actions nécessaires à la protection des enfants.

« D’abord, ils vous ignorent. Ensuite, ils vous combattent. Et à la fin, ils vous applaudissent. » conclue François Ruffin.

Jean Fauconnet

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A propos de l'auteur

Jean Fauconnet

Journaliste. Engagé depuis de nombreuses années pour le respect des droits, Jean contribue au média Parallèle Sud de diverses façons.

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